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  • Un plat saignant et une addition indigeste 2/3

    Renseignez-vous bien sur la composition du menu avant de commander…

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    Comme chaque année, chers amis, je vous invite à déguster un petit texte mijoté pour célébrer la Fête de la gastronomie. Amateurs de bonne chère, d’humour pimenté  et/ou d’automobile, ce menu de lecture  en 3 plats vous attend (suite dès demain matin) !

     

    Le premier épisode de ce feuilleton culinaire est raconté dans la note précédente :

    http://bit.ly/1rlBhnh 

     

    Philippe, le narrateur de l’histoire, a croqué la vie à pleines dents. Il éprouve  la nostalgie de sa jeunesse, une époque où,  avec son inséparable cousin Laurent. ils ont aimé les bolides, les jolies femmes, les bons petits plats, le sport, les vacances au bord de la mer, les musiques tourbillonnantes… Mais ça c’était avant, quand ils mangeaient leur pain blanc. Maintenant, le chef de l’Èlysée sert une soupe à la grimace…

     

    Chronique d’un assassinat annoncé

     

    Tout avait commencé un peu plus tôt, lorsqu’une courge à la tête de tomate farcie avait profité de deux accidents d’hôtel (l’un dans un beau quartier parisien, l’autre à New-York) pour tenter sa chance au plus haut niveau de l’État. Il avait annoncé d’entrée la manière dont il cuisinerait la France.

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    « Moi président, je combattrai l’inégalité du goût, la première injustice de la société française. Il n’est pas juste qu’avec la même somme d'argent, certains se contentent d’une boite de conserve NORMALE alors que d’autres, parce qu’ils ont reçu le privilège du goût de l’effort, du savoir cuisiner et de la culture gastronomique, se régalent insolemment d’une succulente omelette aux herbes accompagnée de délicieuses petites pommes de terre sautées, des patates de leur terroir, des patates différentes d’une région à l’autre. Moi président de la République, je ne supporterai pas cette arrogance des privilégiés du palais, des riches en facultés gustatives, vis-à-vis des plus pauvres en traditions culinaires.

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    Moi président, je veux une société alignée sur la plus mauvaise des cuisines. Moi président, je vous promets une société sans odeur et sans saveur. Moi président, je mettrai en place une société où aucun parfum de pintade rôtie ne viendra exciter votre appétit au moment où vous ouvrirez une boite de raviolis normaux. Moi président, je n’ambitionne  pas que les Français mangent à leur faim. Mais ce que je vous promets, c’est que les autres ne prendront pas plus de plaisir à table que vous. Je ne le permettrai pas. Je prendrai toutes les mesures nécessaires afin que la gastronomie disparaisse, que les bons petits plats soient définitivement éradiqués, que personne ne prenne plus de plaisir à manger.

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    « Moi président, je préparerai un menu spécial pour les vieux. Je l’appellerai la portion congrue. Ils n’auront plus le droit qu’à un bol de bouillie par jour. Ils n’ont pas besoin de plus, de toute façon ils n’ont plus de dents pour mâcher, alors… Elle est bien épicée ma blagounette, non ?

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     "Moi président, je combattrai aussi l’automobile. Moi président, je ne tolérerai plus que des Français roulent avec des cabriolets, d’autres avec des breaks, d’autres avec des berlines. Moi président, je ne tolérerai plus qu’un modèle unique d’automobiles en France. Ce ne sera pas la 2cv, non, car c’est un modèle subversif. Cette voiture a ses adorateurs et on n’adore que le Parti Sectaire (PS) qui m’a donné son investiture. Ce ne sera pas la DS, une voiture de riches, ni la R8, trop nerveuse, ni la 4L, trop joyeuse, ni la Simca 1000, trop sympa, ni la Panhard PL 17, trop originale, ni la 404, trop bourgeoise… Non, moi président, j’obtiendrai de l’Allemagne, celle de l’Est, celle dont j’aime le mode de vie sans luxe ni tentations, qu’elle nous livre les plans de la Trabant. J’exigerai ensuite de notre industrie automobile qu’elle ne fabrique plus qu’un seul modèle de voitures, des Trabant, toutes grises, avec une garniture intérieure rose, et des parechocs verts, des Trabant toutes pareilles, NORMALES, sans aucune option qui les distingue. Moi président, je ferai retirer de la circulation les voitures qui existent aujourd’hui. Moi président, je ne vous garantis pas que vous aurez votre Trabant française avant plusieurs années, que vous aurez des pièces pour la réparer, de l’essence à mettre dans son réservoir, des parkings où la garer. Mais moi président, je vous promets que personne n’aura une voiture plus belle que la vôtre, que personne ne vous doublera plus parce qu’il conduit mieux que vous ou qu’il a acheté un modèle plus puissant. Moi président, je vous promets l’égalité automobile dans la normalité, dans la médiocrité.

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    Oui, je vous promets de tenir mes engagements, car moi président, je vous garantis que ma priorité sera de combattre la cuisine et l’automobile qui sont les mamelles d’inégalité de notre société. Dans votre cuisine, avant, il y a un fait tout. Mais ça, c’était avant. A la tête de l’État, le changement c’est maintenant. Il y aura un gros Fait rien, rien sauf tout prendre à ceux que vous n’aimez pas, que vous enviez, qui ont quelques sous plus que vous. Je m’y engage et je ferai ce que j’ai dit, soyez en sûrs.

     

    Un nouvel appétit de vivre ?

     

    - Pourquoi tant de rage contre l’automobile et la cuisine alors que vous ne parlez ni des actions en bourse ni des biens immobiliers, ni des comptes secrets et que vous coptez dans votre entourage un spécialiste des Caïmans, s’était étonné un des collaborateurs du parti sectaire ? Est-ce pour nous protéger, nous qui avons engrangé du blé et le stockons dans des paradis fiscaux ?

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    - Ne vous inquiétez-pas, avait ricané le candidat. Les Français, je leur piquerai tout, à tous, aux plus riches comme aux plus pauvres. Je dévorerai ce qu’ils possèdent. Je réduirai les classes moyennes aux petits oignons. J’ai une recette pour ça et une idéologie finale qui dépasse nos frontières. Mais ces cons de Français, ils se gavent de la jalousie du voisin. Ils vomissent sur sa bagnole et ils salivent sur  ce qu’il a dans son filet à provisions. Il suffit de leur dire que je vais saler la note fiscale de leur voisin et le rôtir encore plus qu’eux  et ils voteront pour moi comme un seul homme Ils savent  que je vais leur retirer le pain de la bouche jusqu’à les mettre sur la paille, mais ils s’en foutent du moment que je tonde leur voisin comme un œuf. J’ai compris les Français. Ne vous en faites pas. Quand j’en aurai fini avec eux, ils n’auront plus un radis à se mettre sous la dent. Il n’y aura plus de blé en France. Mais les Français accepteront tout, ils me plébisciteront  du moment que je fais du mal à celui qui a dix centimes de plus qu’eux dans la fouille. Les Français sont des veaux, De Gaulle l’a analysé  depuis longtemps. Ils avaleront goulument mes salades. Ils iront à l’abattoir en courant sans se douter que je vais les dépecer sans anesthésie  et que mon objectif n’est ni leur appétit de bonheur ni leur soif de bien-être. Oh non…

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    Le programme du candidat sectaire n’ouvrait pas l’appétit. Il promettait de mettre les Français au pain sec et à l’eau. Car bien sûr, les vins et spiritueux étaient à la même sauce que les aliments solides, autrement dit normalisés, banalisés, réduits à la médiocrité. Malgré les supplications de son camp, terrifié par cette attaque contre un peuple connu pour son goût de l’alcool,  le candidat avait refusé de mettre de l’eau dans son vin.  Au début, un des poids lourds de son parti s’était gaussé en se tapant sur les cuisses. « Ce flan président, on croit rêver… ». Ses autres « amis » avaient surnommé le candidat « Flan aux framboises » à cause de son teint et de son air un peu simplet.

     

    Le candidat avait tenu bon, concédant tout de même l’eau de vie sans parfum particulier, histoire de convaincre une copine du Nord qui carburait aux alcools forts et bafouillait tant qu’elle n’avait pas chauffé le four avec une bonne dose.  Il s’était inspiré de son modèle, un type foncièrement proche de lui dont la recette tenait en quelques mots, taper sur le cul des vaches avec un air sympa.

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    Le grand Corrézien détestait l’automobile. A un salon de l’auto, il avait exigé que les voitures sportives soient sous bâches lors de sa visite. Le programme autophobe du candidat le ravissait. Il l’avait soutenu sans réserve  après avoir obtenu une inflexion sur un aliment et une boisson alcoolisée. Dans son dernier meeting, le candidat avait annoncé que, lui président, il tolérerait deux nouvelles exceptions à l’éradication du goût, la tête de veau et la Corona.  Le Corrézien et ses amis s’étaient rangés derrière le candidat. Mais pas sa femme, dotée, elle, d’un solide bon sens que le Corrézien perdait depuis qu’il jouait contre son camp. Le candidat s’était sournoisement  présenté comme le fils spirituel du Corrézien. Il avait  caressé le cul des veaux dans le sens du poil. Il leur avait promis ce qui les séduisait le plus, nuire à leurs voisins encore plus qu’à eux. Et ça avait marché, les veaux l’avaient élu, suivant leurs plus bas instincts, ceux de la jalousie, de la mesquinerie, de la haine excitée par l’envie. Tel un capitaine de pédalo, le candidat devenu président avait mis le cap sur le naufrage de la France.

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    Philippe sentit qu’on lui secouait l’épaule. Il sortit de sa torpeur et ouvrit péniblement les yeux. Une douce odeur de pain grillé et de café frais lui mit l’eau à la bouche.

     

    - Réveille-toi, marmotte, plaisantait son cousin Laurent. Le petit déjeuner est prêt. Je l’ai préparé avec Christina.

     

    Laurent avait l’apparence d’un adolescent. Bronzé par le soleil, vêtu d’un polo rouge et d’un short blanc, il semblait prêt à croquer la vie à pleines dents. Laurent n’était son aîné que de quelques jours. Mais alors, si Laurent avait une quinzaine d’années, il n’était pas lui, Philippe, au bord de la retraite ! Il avait fait un cauchemar.

     

    - Rejoins-nous dehors, lança Laurent en sortant de la caravane avec la cafetière d’une main et une corbeille de pain grillé de l’autre.

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    Philippe ouvrit le rideau de la vitre au-dessus de sa couchette. L’Alfa avec laquelle ses amis Xavier et Alain étaient venus en Bretagne stationnait tout près. La Mustang de Dany, le fiancé de sa jolie cousine Christina et l’équipier de Xavier dans les épreuves d’endurance aussi. Il se rappelait tout maintenant. Ils étaient en juillet 1967, en vacances au camping de La Guimorais sur la Côte d’Èmeraude.  Comme chaque été, ses parents et ceux de Laurent y installaient leurs caravanes. Il dormait dans l’une d’elles avec Laurent. Ils la partageaient avec Xavier et Alain qui étaient plus que des amis, de véritables grands frères. Christina et Dany avaient établi leurs quartiers dans l’autre. Ils passaient une semaine formidable. Le Général De Gaulle était Président de la République et Georges Pompidou Premier ministre. Ils ne voulaient que le bien des Français et œuvraient sans relâche pour les enrichir, pas pour les appauvrir. Mitterrand avait pris sa branlée aux présidentielles de 1965. Il ne reviendrait pas de sitôt. La veille au soir, la petite bande s’était régalée de moules marinières et de far breton au restaurant des Chevrets  à côté du camping. Rien de grave en vue. Toute la bande allait rire quand il raconterait son cauchemar. D’ailleurs, quand il arriverait à l’âge de la retraite, il n’y aurait plus de 2cv, plus de Trabant, et personne n’aurait plus l’idée de mettre la population au régime sec ni de l’écraser d’impôts…

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    En fond sonore, le transistor Philips diffusait  « Le soleil », chanson interprétée avec volupté par Brigitte Bardot, celle auprès de qui l'amère mademoiselle Monroe avait l'air d'un homme. Le soleil brillait. Ils passaient une semaine de vacances magnifique. Dans quelques jours, ils partiraient tous à la Course de côte du Mont-Dore. Xavier et Dany, pilotes automobiles professionnels, s’y alignaient. Le premier sur une Porsche 906, le second sur une Formule 3. La vie était belle ! Philippe  sortit du sac de couchage, enfila un short et un polo, puis se précipita rejoindre les autres.

     

    A suivre…

     

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    Vous voulez partager de bons moments avec Philippe, Laurent, Christina et les autres ? C’est possible. Ils sont les personnages principaux de VENGEANCE GLACÈE AU COULIS DE SIXTIES, un polar vintage, automobile, humoristique et gourmand à consommer sans modération au prix très light de 3,55 €  http://amzn.to/1nCwZYd

     

    Le clin d'œil vintage du jour : « Le  soleil », interprété par Brigitte Bardot, au sommet de la célébrité en 1967  http://bit.ly/1mphDHH

     

    Philippe et Xavier au Rallye de la Baule (des émois inoubliables) http://bit.ly/1fWbM7x

     

    Une cuisine pas si festive, préparée avec soin, mais sans amour, alors… http://bit.ly/1juLvyH

     

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    Thierry Le Bras

  • Un plat saignant et une addition indigeste (1/3)

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     Comme chaque année, chers amis, je vous invite à déguster un petit texte mijoté pour célébrer la Fête de la gastronomie. Amateurs de bonne chère, d’humour pimenté  et/ou d’automobile, ce menu de lecture  en 3 plats vous attend (suite dès demain matin) !

     

    Philippe approchait de la retraite. Il se sentait dans une sorte de brouillard sinistre. Le temps avait passé depuis ses premières 24 Heures du Mans au bord de la piste. Cette année-là, Ford l’avait emporté pour la première fois.  Il était encore collégien à cette époque. Il avait vécu une belle jeunesse  avec son inséparable cousin Laurent. Avant,  ils avaient aimé les bolides, les jolies femmes, les bons petits plats, le sport, les vacances au bord de la mer, les musiques tourbillonnantes…

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    Mais ça, c’était avant Tout avait changé peu à peu, au point d‘aboutir à une société sans odeur et sans saveur où la gastronomie comme l’automobile n’avaient plus droit de cité (ni de campagne non plus, d’ailleurs). Une société liberticide livrée aux desseins très flous d’un conducteur fou qui avait conditionné des QI d’huitres sans rien dans le citron.

     

    La prohibition du goût et du plaisir

     

    Les mots délice, saveur, arôme, parfum ainsi que tous leurs dérivés étaient rayés du dictionnaire. Des autodafés avaient été organisés dans toutes les communes de France afin de brûler tous les dictionnaires où ils figuraient encore, tous les ouvrages de cuisine, tous les recueils de recettes, tous les magazines traitant de gastronomie. Le chef de l’État voulait que tout soit NORMAL, ce qui excluait la recherche du meilleur, y compris et surtout en matière de cuisine et d’automobile, ses phobies.

     

    Les régions ne se partageaient plus le gâteau de la gastronomie française. Sous l’empire de la normalité uniforme, elles devaient mixer leurs ingrédients en reniant leurs particularités comme leurs frontières. Personne ne savait plus très bien selon quelle recette elles seraient découpées et cuisinées.

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    Les Bretons, qui avaient la tête près du Bonnet Rouge, vomissaient ce joug aussi lourd qu’un portique écotaxe qui leur interdisait la galette, aplatissait leurs portefeuilles devenus aussi fins que des crêpes. Le ministère de la gastronomie interdisait leurs plats préférés. Fini, les délicieuses  galettes à l’andouille, au jambon, aux champignons, au lard, à la saucisse, avec des œufs, du beurre, des tomates… La galette n’était tolérée que servie avec des ingrédients originaires d’ailleurs, de la choucroute, du riz, de la pimentade, du hareng… Une brave crêpière de Plouhinec avait tenté de sauver les traditions ancestrales en détournant l’esprit des lois. Elle avait imaginé accorder ses galettes avec du jambon de Savoie, du fromage suisse, de la charcuterie allemande, des moules d’Espagne, du rhum antillais, de la confiture d’oranges marocaines, des tomates d’Israël, des ananas cultivés à l’Ile Maurice… Elle était au placard pour 9 mois fermes sans possibilité de remise de peine ni de libération anticipée. « Le temps de la gestation d’un esprit civique », avaient écrit les magistrats aux ordres dans leur jugement. Elle aurait le loisir de réaliser que rien ne devait  plus mettre en valeur la cuisine française ni ses spécialités régionales. L’établissement de la cuisinière morbihannaise était confisqué par le fisc. En sortant de taule, elle n’aurait plus de blé, plus aucune possibilité de confectionner des crêpes ou des galettes.

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    Les statuettes, photos, vidéos et autres reproductions de Saint-Laurent,  Patron des cuisiniers étaient interdites dans les églises comme chez les marchands de souvenirs ou autres commerçants. Il en était de même de celles de Saint-André, Patron des poissonniers, Saint-Antoine du Désert, Patron des charcutiers, Saint-Barthélémy, celui des bouchers, Saint-Honoré, protecteur des boulangers, Saint-Michel, ami des marchands de fruits et légumes, ainsi que d’autres encore rattachés directement ou indirectement à un métier de bouche. Le petit dictateur qui s’était approprié l’Élysée avait soumis une requête au nouveau pape. Il lui demandait de décanoniser tous ces saints, attendu qu’ils ne respectaient pas les préceptes religieux plus que ceux de son parti sectaire car ils favorisaient non seulement l’inégalité face à la jouissance culinaire, mais aussi la commission du péché de gourmandise. La gastronomie était en danger dans le monde entier, tout pouvait arriver.

     

    Orage, eau, désespoir

     

    Le Journal Officiel venait de publier un nouveau décret. Utiliser une expression culinaire synonyme de plaisir était désormais incriminé et sanctionné de 3 mois de prison ferme.

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    Plus question d’appeler sa compagne mon petit sucre d’orge ni mon chou (car il existait des choux à la crème). Interdit aux femmes d’appeler leurs amants mon lapin (il pourrait être cuisiné chasseur ou à la moutarde), ni mon canard (suspect  d’être délicieusement accommodé laqué ou à l’orange). Des expressions plus triviales seraient également condamnables. Par exemple ma poule (il en existe au pot et à la crème) ou ma biche (la viande de biche ayant figuré à la carte de nombreux restaurants et traiteurs).

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    Encore avocat, Philippe soupira en lisant le décret. Il avait hâte de quitter le métier qui lui avait tant plu avant que le nouveau pouvoir détruise son utilité. Maintenant que les juges n’étaient plus que des valets appliquant  comme des machines automatiques des textes ridiculement répressifs, servait-il encore à quelque chose ?  Depuis des mois, tous les procès au pénal se concluaient inévitablement par le marteau de la justice écrasant le justiciable des peines maximales. Les juges tapaient aussi fort que l’administration fiscale. Les journalistes encore en fonction avaient oublié depuis longtemps toute notion de déontologie et d’information. Ils travaillaient à la propagande du dictateur et bavaient sur ses contradicteurs, ne reculant devant aucune falsification ni aucune bassesse pour les salir. Ils  soutenaient la tambouille élyséenne avec l’obséquiosité  de larbins en queue de pie dans les réceptions officielles du tyran. Un pays foutu ?

     

    - Il existe au moins une expression qu’il n’est plus nécessaire d’interdire, ironisa mentalement Philippe. Avant, on disait d’un bon vivant qu’il valait mieux l’avoir en photo qu’à table. Maintenant, avec ce qui nous reste dans les assiettes, avoir quelqu’un en photo ou à table ne change pas grand-chose. Personne ne risque de se resservir tellement les menus sont dégueulasses…

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    Affamée par son  bourreau, la France était déprimée. Il ne lui restait plus qu’un seul modèle de voiture, une caisse insipide, et elle avait perdu son appétit. Quant à son économie, elle était congelée.

     

    A suivre…

     

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    Vous voulez partager du temps avec Philippe, Laurent, Christina et les autres ? C’est possible. Ils sont les personnages principaux de VENGEANCE GLACÈE AU COULIS DE SIXTIES, un polar vintage, automobile, humoristique et gourmand à consommer sans modération au prix très light de 3,55 €  http://amzn.to/1nCwZYd

     

    66, cuisine sympathique. Alain, personnage du roman, vous parle de ses recettes http://bit.ly/M3i5uT

     

    Le clin d’œil Vintage. En 1967, Sandie Shaw remportait l Eurovision avec Puppet on a string  http://bit.ly/1rLFsYI

     

    Le premier rêve prémonitoire de Philippe, une nuit de Noël  http://bit.ly/1cAXkvM

     

    Une recette de crime parfait décryptée par  David Sarel  http://bit.ly/1l7SOft

     

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    Thierry Le Bras

  • MA PREMIÈRE FAN

    Ou la face cachée de la célébrité…

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    Freddy Vivien, ancien champion du monde de F1, est un personnage récurrent des Aventures de David Sarel. Tout comme Éric Trélor, à la fois parrain, mentor et associé de David.

     

    Freddy raconte ici la passion qu’il inspira à une commerçante qui fait sans doute encore partie de ses fans inconditionnels et … un peu – comment dire – encombrants.

     

    « C’est une anecdote que j’ai longtemps gardée secrète, raconte Freddy Vivien. Par égard pour la personne concernée. Seuls mes proches étaient au courant du plan de drague que m’a fait la patronne d’un Tabac Presse de Lorient en 1976, l’année où j’ai signé pour accéder à la F1 ».

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    Originaire de Fort Bloqué, à côté de Lorient dans le Morbihan, Freddy conclut son premier contrat en 1976 pour courir la saison 1977. Les sportifs de haut niveau font fantasmer les femmes. Preuve en est apportée par la mésaventure survenue à Freddy cette année-là.

     

    « 1976 fut une grande année pour moi, se souvient le pilote. Je réalisais le rêve de ma vie en signant avec une écurie de F1. J’ai rencontré la comédienne Daniéla Merle qui est devenue ma femme deux ans plus tard. Nous travaillions d’arrache-pied avec mon ami Éric Trélor et des industriels bretons au lancement du premier modèle Vivia programmé pour le début de l’année 1978.

     

    « Je voyageais beaucoup entre le siège de mon écurie, les circuits où nous faisions des essais, Paris où habitait Daniéla, et le Morbihan où serait implantée l’usine Vivia. Mais bon, je me débrouillais tout de même pour ne pas perdre trop de temps dans les avions ni sur la route. »

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    Si les limitations de vitesse existaient déjà à cette époque, les radars étaient peu nombreux et les forces de l’ordre compréhensives. Ainsi, un jour où Freddy se fit radariser tout près d’Hennebont à 212 au lieu de 110 au volant de son coupé Alfetta rouge un peu gonflé, les gendarmes à la réception eurent-ils une réaction stupéfiante et sympathique :

     

    - Bonjour monsieur Vivien, déclara celui qui venait de le faire stopper d’un geste autoritaire auprès de l’Estafette bleue. Vous rouliez un peu vite. Si vous nous faites des autographes pour nos enfants, nous oublierons le PV.

     

    - Merci, répondit Freddy qui parapha une bonne vingtaine d’autographes avant de repartir, car les gendarmes ne s’étaient finalement pas contentés des signatures pour les enfants et avaient aussi pensé aux cousins, aux copains et surtout aux simples relations qu’ils voulaient épater.

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    « J’ai toujours été un gros lecteur, précise le pilote. Comme quoi, les sportifs ne sont pas forcément des illettrés qui ne s’intéressent à rien. Déjà à cette époque, je lisais beaucoup de magazines – pas seulement ceux traitant de sports mécaniques – et de romans, surtout des policiers. J’avais l’habitude, quand j’étais dans le Morbihan, de faire mes achats dans un tabac-presse de Lorient dont chacun comprendra que je ne puisse fournir l’adresse. J’en profitais pour acheter des cigares que j’offrais à mon père que je n’ai jamais pu convaincre d’arrêter de fumer. Je savais quelle marque lui faisait plaisir. La buraliste mettait le tout dans un sac que je posais généralement sur le siège passager. »

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    Un jour, Freddy trouva un petit morceau de papier plié en quatre par-terre dans son Alfa. Il le déplia et trouva un texte éloquent.

     

    « J’ai rencontré un homme qui me plait. Mais il n’est apparemment pas libre. J’aimerais quand même en parler avec vous. » Le texte se terminait par une signature illisible.

     

    Freddy douta d’abord que le texte lui fût adressé. Il imagina que son ami Éric Trélor, alors avocat stagiaire, souvent passager dans sa voiture, en était le destinataire et l’avait perdu. C’était tout à fait le genre de message qu’une femme qui pensait divorcer - ou faire divorcer son amant - pouvait écrire à l’attention de son avocat.

     

    - Je ne comprends pas, répondit Éric. J’ai des dossiers de divorce, bien sûr, mais aucune cliente ne m’a écrit ça.

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    Freddy pensa alors que le message avait pu être glissé dans l’Alfa à un moment où elle était en stationnement avec la vitre légèrement ouverte. Mais ce scénario ne lui fournissait aucun indice quant à l’identité de la femme qui l’avait écrit.

     

    Son père lui apporta quelques jours plus tard la réponse à cette question.

     

    - Dis donc, j’ai trouvé un message bizarre dans la boite d’allumettes qui était avec les cigares que tu m’as offerts. C’est une blague ou quoi ?

     

    Freddy reconnut immédiatement l’écriture.

     

    «  Je suis follement amoureuse d’un homme. Je crois qu’il ne s’en rend pas compte. J’aimerais qu’il m’appelle au 97.--.--. Un jeudi où un lundi matin, ce sont les jours où mon mari n’est pas là. »

     

    L’amoureuse transie, c’était la buraliste ! Une femme mariée et mère de famille d’une quarantaine d’années qui s’ennuyait avec son homme. Le premier message était tout simplement tombé du sac de journaux posé sur le siège. Puis croyant que Freddy achetait les cigares pour lui, la femme avait trouvé astucieux de placer la suite de sa prose dans une boite d’allumettes.

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    Il faut dire que Freddy était plutôt beau gosse. Pas très grand, 1,76 mètre, adepte de la musculation. Il plaisait aux femmes. Les cheveux châtain clair, presque blonds, coiffés à la mode des années soixante dix - c’est à dire sensiblement plus longs qu’aujourd’hui – , le visage un peu rond, Freddy paraissait toujours calme, presque lymphatique. Mais une volonté de fer et un tempérament de feu se cachaient derrière cette apparence tranquille et bourgeoise. Son physique solide dégageait une force tranquille et une assurance inébranlable. En outre, il était naturellement élégant, qu’il porte un blouson de toile et un jean ou un smoking sombre.

     

    Les semaines qui suivirent, Freddy ne mit plus les pieds chez la buraliste.

     

    «  La situation était gênante, se souvient-il. En plus, je commençais à vivre avec Daniéla et je ne cherchais pas d’aventure, même si cette commerçante était plutôt belle femme, il faut bien l’avouer. »

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    Puis Éric Trélor reçut à son cabinet une enveloppe à l’attention de Freddy.

     

    « Je suis très lié avec Éric depuis l’enfance, raconte l’ancien champion de F1. Quand il m’a téléphoné qu’il avait un courrier pour moi, je lui ai demandé de l’ouvrir. Et là, surprise. »

     

    En décachetant l’enveloppe, Éric découvrit une grande carte avec pour motif un cœur percé d’une flèche. Quant au texte, il dévoilait sans ambiguïté les sentiments de son auteur.

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    «  Freddy Vivien, je vous aime, je t’aime. L’amour est une aventure. Cette aventure, j’aimerais la traverser avec toi, Freddy Vivien. J’en rêve jour et nuit. Pour toi, je serai prête à tout, à divorcer, à laisser mes enfants à mon mari, à partir n’importe où du moment que ce soit avec toi. J’ai lu dans la presse magazine que tu avais une liaison avec une comédienne, mon Freddy, mais j’espère que ce n’est qu’une passade ou un mensonge. Certains journaux écrivent vraiment n’importe quoi. Aurai-je une réponse ? Je t’aime, je t’aime, je t’aime mon Freddy. PS : je t’écris chez ton ami Éric Trélor car j’ai lu dans le journal qu’il était ton avocat et que je sais donc qu’il te fera suivre ma carte. N’ayant pas tes coordonnées personnelles, je n’ai pas d’autre moyen de communiquer avec toi pour l’instant. »

     

    Freddy commençait à se demander jusqu’où irait son admiratrice amoureuse.

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    « Avec Daniéla, nous avons subi bien pire depuis, rapporte le pilote. Nos poubelles sont régulièrement fouillées et des objets intimes nous ayant appartenu mis en vente sur le net. Nous avons appris par exemple qu’une petite culotte de ma femme a été vendue 750 euros à un de ses fans. Mais à l’époque, Daniéla débutait sa carrière de comédienne et moi j’arrivais juste en F1. Nous ne comprenions pas que certains fans nous adulaient et  nous ne réalisions pas du tout  les aspects négatifs de la notoriété ».

     

    Bien sûr, Freddy évita le commerce de sa première fan afin de ne pas encourager son amour. Elle ne le relança plus. Mais cinq ans plus tard, elle demanda à Éric de l’assister lorsqu’elle vendit son fonds de commerce. L’avocat ne fit aucune allusion à ce qui s’était passé. Ce fut elle qui évoqua le sujet après la signature de l’acte définitif.

     

    - Si vous saviez comme j’ai aimé votre ami Freddy Vivien, confia la pauvre femme. J’aurais tout quitté pour lui. J’allais jusqu’à prier pour qu’il arrive malheur à Daniéla Merle. Ce n’est pas bien, je sais. La prochaine fois que vous verrez Freddy, dites lui bien que je serai toujours sa plus grande fan…

     

    QUELQUES LIENS A SUIVRE

     

    Une première victoire pour Freddy Vivien http://0z.fr/UJav0

     

    Freddy supporter d’Èric et de Ronnie http://0z.fr/DwoeM

     

    F1 : Freddy, Èric et David dans un monde sauvage http://0z.fr/2zYDt

     

    Sensations F1 avec Freddy http://bit.ly/1hkn4Qu

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    Un rallye périlleux pourÈric et David http://0z.fr/JHYvp

     

    Freddy, Èric et David sont aussi les héros de CIRCUIT MORTEL A LOHÈAC, LE polar au cœur du Rallycross http://bit.ly/1lFFty7

     

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    Propos recueillis par

    Thierry Le Bras