le bandit en 2cv
Au début des années 70, un malfaiteur particulièrement audacieux réussit une série incroyable de braquages, la plupart en Ille et Vilaine, avant de s’évanouir dans la nature.
Un homme assez petit mais bien bâti sortait d’une 2cv, côté passager. La 2cv se garait quelques mètres plus loin. L’homme entrait dans un commerce avec la démarche d’Aldo Maccione. Il portait une tenue classique, blouson de cuir et pantalon de toile. Une caquette, des lunettes teintées et un foulard masquaient partiellement sa fine cagoule couleur chair. Soudain, il braquait le révolver qu’il avait caché dans son journal vers le patron ou la patronne. Il remontait la visière de sa casquette et ordonnait avec un fort accent italien « silencé, pesonné né bougé, sinoné zé mé faché tré tré fort, si… ».
Il sortait une boite de sauce bolognaise de sa poche et la posait sur le comptoir en ironisant : « Bolo va vous accommoder à sa façon, bandé dé nouillées. Bolo veut qué vous mettiez l’argent dans un sac et qué vous lé lui tendiez sans problemo. Cé compris ? ».
Les attaques de Bolo, c’était un spectacle. Une fois l’argent récolté Bolo sortait en ricanant, toujours avec son accent italien et sa démarche de macho frimeur. « Zé réviendrai, annonçait-il. Ma zé né peux pas vous diré quand. Vous risquériez de mé tendré un piègé avé la polizia ». La 2cv reculait jusqu’à son niveau. Bolo entrait côté conducteur. Le passager se glissait côté passager. Bolo s’installait au volant et démarrait en trombe.
Le premier braquage eut lieu à Saint-Malo en mai 1971 dans un bar rue de Dinan. Une semaine plus tard, une épicerie fine de Saint-Malo fut victime du même mode opératoire. Puis des bureaux de tabac, des épiceries fines, des coiffeurs…. Le bandit accéléra son rythme et élargit sa zone d’action à Dinard, Rennes, Dol, Dinan, Pontorson. Prenant de plus en plus confiance en lui, il ne tarda pas à attaquer des agences bancaires et des bureaux de poste qui étaient alors beaucoup moins protégés qu’aujourd’hui.
Bolo Showman avant l’heure
Quand il prenait le volant de sa 2cv, Bolo entamait un nouveau numéro. Il fonçait autant que le permettait sa monture. Il plaçait la 2cv dans des appuis incroyables, faisait crisser les pneus, doublait à droite, à gauche, puis disparaissait dans la nature après sa séance de rodéo.
A Saint-Malo, le commissaire Golin courait après Bolo… sans le rattraper. Les forces de l’ordre se demandaient à qui elles avaient à faire. Le premier flic de la Cité corsaire était convaincu qu’une bande de la Mafia bolognaise pillait la ville. L’accent de Bolo, le surnom qu’il s’était lui-même attribué en laissant ses boites de sauce italienne, son organisation très professionnelle rendaient l’hypothèse crédible. Bolo commettait le sans-faute à chaque braquage. Portant des gants, il ne laissait pas d’empreintes digitales (personne n’exploitait encore l’ADN). Aucun témoin ne pouvait décrire son visage, ni celui du complice qui l’attendait dans la 2cv. Aucune info ne fuitait sur ses complices. Car il était forcément soutenu par une bande. Comment aurait-il pu, seul ou avec un unique complice, voler une 2cv avant chaque braquage, la maquiller, préparer son itinéraire de fuite, disparaître ? Le commissaire aurait bien des questions à poser au truand le jour où il l’arrêterait. Il se demandait notamment la raison de la passion de Bolo pour la 2cv. Pas la voiture la plus rapide pour s’enfuir. Peut-être parce qu’il s’agissait de l’automobile la plus populaire en France et qu’une 2cv garée près d’un lieu de braquage n’attirait pas l’attention ? De toute façon, avant d’interroger Bolo, il fallait l’arrêter et ça, ce n’était pas gagné….
Car les scenarii de Bolo étaient minutieusement préparés. Un jour, en octobre 1972, après avoir dévalisé une agence bancaire place Châteaubriand, il déboula sur la plage avec la 2cv. C’était le début d’après-midi. La mer était basse. Bolo commença par faire des tête-à-queue en marche arrière sur le sable mouillé afin d’amuser la galerie, Puis il fonça en direction de Rochebonne où un autre accès à la plage lui permettait de ressortir. Prévenu par téléphone, le commissaire Golin envoya des équipes le cueillir. Les policiers firent chou blanc. Bolo roula bien vers Rochebonne avec la 2cv. Certains évaluèrent sa vitesse sur le sable mouillé à 130 kilomètres heure. A ce rythme-là, il se serait échappé avant l’arrivée de la police. Mais Bolo avait choisi une autre option. Peu avant les Thermes Marins, il obliqua vers la mer. La 2cv ralentit et s’immobilisa sur une sorte de radeau sur lequel étaient installées des rampes d’accès. L’engin n’avait pas attiré l’attention. Tout le monde avait pensé à la préparation d’une activité nautique. Une puissante vedette prit le radeau et la 2cv en remorque. La police maritime trouva un peu plus tard la 2cv flottant à un mille au large sur le radeau abandonné. Bolo, ses complices et le butin s’étaient évaporés après leurs exploits nautiques !
Bolo superstar…
Déjà populaire, Bolo entreprit à l’automne 1972 d’envoyer des cassettes enregistrées aux journaux, radios et télévisions. Amusés, les médias relayèrent ses messages.
… Si zé peur d’êtré pris ? expliquait le gangster. Non, pas du tout. zé suis millé fois plous malin qué ceux qui me courent après. Ils né m’auront zamais. Zé encore pas mal dé tours dans mon sac…
… Les filles, zé vous aime !!! annonçait-il. Bisés à toutes en attendant que zé choisisse cellé d’entre vous qui partagéra ma vie… »
Bolo joignait quelques photos de lui et de sa 2cv… Aucune où il était identifiable naturellement.
Il n’est pas exagéré de parler d’une Bolomania à cette période. Fin 1972, un groupe de jeunes chanteuses se forma afin de chanter sa gloire. Après les Clodettes, apparurent donc les Bolettes ! Un groupe de 4 filles, une brune, une blonde, une rousse et une noire. Elles enregistrèrent plusieurs 45 tours dont un véritable tube qui se vendait aussi bien que les titres de Sylvie Vartan ou Dalida. Elles passèrent chez Drucker qui faisait déjà de la télé depuis longtemps. Les Bolettes avaient repris la musique de Embrasse-moi idiot avec de nouvelles paroles :
« Épouse-moi Bolo,
Moi je ferai, ferai ton bonheur,
Bolo… »
Si les exploits de Bolo amusaient le public et la presse, les forces de l’’ordre les commerçants et les banques ne riaient pas du tout. Le Ministre de l’Intérieur déclara Bolo ennemi public Numéro 1. Les professionnels victimes de ses actes constituèrent une confédération contre Bolo. La confédération promit des primes substantielles à ceux qui apporteraient des informations permettant l’arrestation de Bolo et, le cas échéant, un pactole à qui le livrerait aux forces de l’ordre. Bolo réagit en proposant la création d’une Confédération Française des Gangsters, Voleurs et truands (CFDGTVT) qui défendrait les droits des travailleurs du crime contre le capital conservateur. Morts de rire, tous les grands médias relayèrent l’info. A cette époque, Bolo atteignit une côte de popularité comparable à celle de Johnny Hallyday. Le plus dur pour lui serait désormais de ne pas finir dans Le Pénitencier.
Puis Bolo renié
A partir du printemps 1973, les choses se compliquèrent. Loin d’’approuver la proposition de confédération sauce bolognaise, le milieu se retourna contre sa vedette. La pression de la police conduisait les indics à balancer, La nervosité des flics se traduisait par la multiplication des contrôles et arrestations. En bref, Bolo nuisait au chiffre d’affaires de ses confrères. Il échappa de peu à un attentat. Les coups devinrent plus périlleux. Alléchés par les promesses de primes en cas d’informations ou d’arrestation, quelques gars aux caractères bien trempés se découvrirent des âmes de chasseurs de primes. A Saint-Malo, Bolo se fit surprendre par l’un deux. Son flingue lui fut arraché des mains.
Dominé physiquement par son adversaire, Bolo parvint tout de même à s’échapper, Mais après avoir donné un coup de couteau à l’autre et menacé des passants de leur balancer une grenade. La dangerosité du braqueur détruisit sa popularité. Les ventes de disques des Bolettes s’effondrèrent. Fin juillet 1973, Bolo attaqua un bureau de Poste au Lude dans la Sarthe. Il se croyait tranquille en sortant de sa zone d’action habituelle. Les choses faillirent à nouveau mal tourner. Avant de s’en prendre à la guichetière, Bolo arracha un peu d’argent des mains d’un ouvrier du bâtiment qui faisait un petit retrait. L’homme, bien charpenté, vit rouge. Il bouscula Bolo, fit tomber son flingue et le battit comme plâtre. Sans avoir l’idée hélas de lui enlever son masque. Une nouvelle fois, Bolo s’en tira grâce au coup de la grenade. Après la correction encaissée, il eut certainement besoin d’un sérieux ravalement de façade. Et cette fois, son image était complètement détruite. Il n’était plus un héros mais un vulgaire voyou cupide prêt à voler quelques billets gagnés à la sueur du front d’un ouvrier.
Révélations prochaines ?
Personne n’a jamais su qui était Bolo. Ses méfaits prirent fin après cette dernière attaque en juillet 1973. Fut-il mangé cru par des complices aussi froids qu’un boa ? Prit-il sagement sa retraite de malfaiteur ?
S’acheta-t-il une Rolls blanche avant de devenir décorateur et antiquaire ? Ou fut-il exécuté et enterré sans cérémonie ? Par qui ? Un chasseur de prime qui aurait préféré le dévaliser plutôt qu’attendre la récompense, le milieu, une officine chargée de régler le problème Bolo discrètement sans l’amener devant la justice ?
Les années ont passé et tout le monde avait oublié Bolo. Une rumeur court cependant depuis quelques jours. Bolo serait bien vivant. Il aurait pris contact avec un avocat afin de mesurer les risques judiciaires s’il racontait son histoire. Il aurait également signé un contrat avec un éditeur de best-sellers. Devenu écrivain, un camarade de collège de Bolo serait chargé de mettre le récit en forme et de travailler à son adaptation au cinéma avec des scénaristes. L’auteur malouin a été stupéfait d’apprendre l’identité de Bolo mais se dirait amusé par l’histoire et plutôt content de mener ce projet à bien avec un ex copain perdu de vue depuis très longtemps.
Bolo se vautre dans les rêves de gloire. Il y aura le livre, le film, les émissions de télé qui accompagneront sa médiatisation, et aussi un album. Bolo se serait bien vu rock star au temps de son adolescence. Il compte rattraper l’omission de ce casting en enregistrant un album. Il songe pour commencer à un single. Une version très personnelle de Moi Lolita, le tube d’Alizée (avec d’autres paroles) :
On m’appelle le Bolo,
Ou encore le Roi Bolo,
C’est pas ma faute,
Je vois le pognon
Tout prêt à se jeter sur moi
C’est pas ma faute à moi,
Moi le Bolo…
Que fera Bolo des nouveaux revenus tirés de ses activités criminelles passées ? Sans doute quelques dons à des associations caritatives, histoire de soigner son image et de retrouver sa popularité. Et il réalisera un vieux rêve, acheter une voiture qui l’a toujours fasciné. Pas une 2cv, non, plutôt LA Ferrari qu’il avait déjà envie de s’offrir à l’époque…
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QUELQUES LIENS A SUIVRE
A découvrir absolument pour les amateurs de 2cv , les fabuleuses maquettes de Christophe Goujon ; son compte Facebook
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Ronan affronte la mère Poupoune et sa 2cv http://0z.fr/SBfWH
Une autre histoire de voitures et de gangsters au bon vieux temps Vintage
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Thierry Le Bras