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  • LE CLIN D’ŒIL DE PHILIPPE GEORJAN A LA R8 GORDE (2)

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    Héros d’une prochaine série de romans Vintage, Philippe Georjan est un personnage de fiction qui adore l’automobile et la compétition. Adolescent durant les sixties, jeune homme à la période des seventies, il s’avoue nostalgique de cette époque où les contraintes imposées à l’automobile et à ses conducteurs se révélaient bien plus souples qu’aujourd’hui. La R8 Gorde réveille quelques anecdotes croustillantes dans sa mémoire

    (pour découvrir le début de l’histoire, cliquez sur la note précédente)

     

    La R8 Gorde a connu son lot de tricheurs, comme sans doute toutes les voitures de course largement diffusées. Un des procédés les plus courants utilisés par les pilotes de R8 Gordini qui n’étaient pas des gentlemen était le réalésage. Ainsi, des Gorde d’une cylindrée théorique de 1255 cm3 passaient elles par l’opération du malsain esprit truqueur à une cylindrée réelle de 1440 cm3. Un avantage sensible pour les pilotes qui continuaient à s’engager dans la catégorie « moins de 1300 cm3 .

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    Une anecdote à la fois cocasse et triste me revient d’ailleurs en mémoire. Le type s’appelait Jean Curbeau et je devrais l’appeler escroc des circuits plutôt que pilote. Ce gougnafier courut pendant plusieurs saisons avec une R8 Gordini groupe 2 1440 qu’il engageait en moins de  1300. Dans son immense mauvaise foi, il prétendait même piloter une « petite » groupe 2, une voiture à peine préparée.

     

    Il la vendit à Yvan Le Pat, un jeune mécanicien finistérien qui débutait en compétition et croyait acheter une auto conforme. Yvan était un petit blond costaud au physique de lutteur breton qui possédait des dispositions naturelles pour de nombreux sports, de l’athlétisme au football et aux sports de combat (catégorie moins de 60 kg) en passant par la natation et le cyclisme. Mais sa vie, c’était les bagnoles et la vitesse. Le garçon possédait un joli coup de volant. A sa troisième course de côte, il remporta sa catégorie… et une réclamation d’un lascar à qui on ne la faisait pas. Le moteur fut démonté, ce qui révéla la supercherie. La R8 Gordini d’Yvan Le Pat, dit Vanvan la bonne pâte était en réalité une 1440 cm3 qui n’avait rien à faire en moins de 1300.

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    Curbeau le pas beau jura qu’il n’y était pour rien, que l’acheteur de sa voiture avait monté une culasse non-conforme depuis qu’il en était propriétaire.

     

    Beaucoup ne crurent pas Curbeau qu’ils considéraient comme un blaireau. Les frères Tourquen prirent la défense du jeune pilote. Jean-Jacques était considéré comme une pointure dans le milieu des pilotes amateurs, ce qui lui conférait une crédibilité indiscutable. Il avait couru  Le Mans, Spa, le Tour de Corse, le RAC et la Targa Florio. Sans parler du Tour auto et de la Coupe des Alpes.  En plus, il n’avait pas la grosse tête. C’était un gars costaud, bien dans sa tête, qui s’était fait de nombreux copains depuis plus de dix ans qu’il passait au moins vingt week-ends par an sur les courses avec son frère. Les frères Tourquen avaient la réputation de ne jamais se tromper sur le coup de volant d’un jeune pilote et ils aidaient volontiers ceux en qui ils voyaient de futurs tout bons à s’intégrer au milieu et à progresser. A l’occasion, ils les défendaient contre les jaloux. Jean-Jacques et Serge initièrent une pétition en faveur de Vanvan. Ils recueillirent 250 signatures. Quelques professionnels de haut niveau répondirent à leur appel et signèrent aux côtés des pilotes amateurs. Parmi eux, Xavier Ferrant et Dany de Suliac, nos amis du Team UTP. Notre copain Jean-Philippe, journaliste à « Chronomètre », réussit à décider les patrons de son magazine à soutenir Vanvan. Il publia une double page dans le mensuel afin d’expliquer pourquoi, à son sens, la sanction d’Yvan devait se limiter à un déclassement de l’épreuve où il avait été contrôlé. Sa voiture n’était certes pas conforme, mais rien ne prouvant sa mauvaise foi, le doute devait lui profiter.

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    Avant que la Fédération juge l’affaire, Jean-Jacques Tourquen invita Vanvan à partager le volant de son Alpine aux 100 tours de Magny-Cours, une épreuve où deux pilotes se relayaient au volant. L’équipage Jean-Jacques Tourquen – Yvan Le Pat remporta sa catégorie et devança de nombreuses Porsche bien plus puissantes. Yvan tourna dans des temps proches de ceux de son équipier. Jean-Philippe écrivit dans « Chronomètre » que les 100 tours de Magny-Cours démontraient s’il en était besoin que Vanvan était un pilote naturellement doué et disposant d’un énorme potentiel. Il n’avait pas besoin de tricher pour gagner.

     

    Rien n’y fit. C’est bien connu, les fédérations automobiles n’intègrent pas les souhaits de leur base. Le phénomène ressemble aux contributions. Il existe depuis la nuit des temps et il n’est pas près de s’arrêter. Le sulfureux monsieur Mosley s’en est encore félicité en 2008.

     

    Thierry Le Bras

     

    A suivre …

  • LE CLIN D’ŒIL DE PHILIPPE GEORJAN A LA R8 GORDE (1)

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     Héros d’une prochaine série de romans Vintage, Philippe Georjan est un personnage de fiction qui adore l’automobile et la compétition. Adolescent durant les sixties, jeune homme à la période des seventies, il s’avoue nostalgique de cette époque où les contraintes imposées à l’automobile et à ses conducteurs se révélaient bien plus souples qu’aujourd’hui. La R8 Gorde réveille quelques anecdotes croustillantes dans sa mémoire.

     La R8 Gordini faisait forcément partie des voitures que j’aimais, se rappelle Philippe Georjan. Je m’en souviens avec d’autant plus de tendresse que j’ai commencé à courir en 1973 avec une R 12 G, sa descendante dans la lignée Gordini bien qu’elle ait adopté le mode traction et non propulsion.

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     D’extérieur, peu de choses distinguaient la R8 Gorde des voitures de tourisme traditionnelles qui promenaient les familles raisonnables sur les routes de France et de Navarre. Si ce ne sont une jolie couleur bleue et deux bandes blanches qui annonçaient ses prétentions sportives. La première fois que j’ai eu l’occasion de monter dans une Gorde, c’était en 1966, l’année de mes quatorze ans. C’était la voiture de Jean-Philippe, un journaliste auto qui écrivait dans « Chronomètre » et « La France au quotidien ». Il suivait de près la carrière de Xavier (1), ce qui nous donna l’occasion de sympathiser. A l’intérieur, la Gorde était un peu plus bruyante que la R8 ordinaire. Plus sèche et plus brutale aussi. Certains reprochèrent à Renault d’offrir aux jeunes une voiture dangereuse à prix abordable. Le même procès moral serait intenté quelques années plus tard à Simca au titre de la commercialisation des 1000 Rallye. Les critiques émises contre ces constructeurs m’ont toujours paru injustes. D’autant que les R8 G et les Simca 1000 Rallye bénéficiaient du savoir-faire de constructeurs expérimentés. Leurs machines se révélaient bien plus sûres que les voitures bricolées pour améliorer les performances sans que les freins et les suspensions suivent. Or à cette époque, beaucoup de jeunes ne se contentaient pas de chiffres constructeur de la R8 de papa. Une culasse rabotée un arbre à cames spécial, un nouveau carbu permettaient de gagner quelques chevaux dans des conditions de sécurité bien éloignées de ce qu’offrait une R8 Gordini.

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     Je me souviens d’une anecdote amusante avec la R8 G. C’était à la Course de côte du Mont-Dore 1966  que Xavier disputait sur l’AC Cobra du Team UTP. Le dimanche matin, Jean-Philippe nous a amenés dans sa Gorde, notre ami Christian, mon cousin Laurent et moi. Nous sommes partis du parc fermé pour nous rendre au haut du tracé. Il fallait faire tout un détour par Chambon sur Lac pour remonter le Col de la Croix Saint-Robert par le versant qui ne sert pas à la course. Là, nous avons rattrapé la DS 21 de Serge Tourquen, le frère de Jean-Jacques, un autre concurrent. Serge conduisait vite et bien. Il occupait le baquet de droite dans l’Alpine de son frère en rallye. Mais sa DS 21 était à l’agonie tandis qu’il freinait la R8 Gorde. Il a fini par nous laisser passer entre deux épingles. Jean-Philippe l’a immédiatement lâché. Nous l’avons revu plus tard dans la journée au virage de la carrière. « Quand je pense que la plupart des gens s’extasient en affirmant que la DS tient la route, a-t-il plaisanté. Elle la tient toute oui. Face à la Gorde, c’est un vrai bateau. »

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     Mon cousin Laurent n’était pas très content. Son père possédait justement une DS 21 et ne jurait que par Citroën. Mais il dut reconnaître que sur route sèche et sinueuse, la DS 21 rendait les armes face à la R8 Gordini.

     Petite mais costaud, tel aurait pu être le slogan de la bombe mise au point par le sorcier italien pour le compte de Renault.

     

    Outre la Coupe, la R 8 Gorde brilla également dans d’autres épreuves sur circuit, en rallye et en course de côte. Gérard Larrousse, Jean-Claude Andruet, Bernard Darniche, Jean-Luc Thérier, Jean-Pierre Nicolas, Marcel Grué, Hervé Knapick, Jean Rondeau, Jean-Claude Vaucard, Jakubowski, Jran-Claude Lagniez, Alain Cudini, Jean-Pierre Jarier, Roger Dorchy, Jean Ragnotti, Jean Todt, Hugues de Chaunac, Max Mamers, les frères Grobot, Roussely, Dany Snobeck, ils ont tous piloté une R8 Gorde à un moment ou l’autre de leur carrière, comme beaucoup d’autres qu’un ouvrage entier ne suffirait pas à citer.

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    La R8 Gorde était homologuée en « tourisme de série »  et en « tourisme spécial », de telle sorte qu’il existe d’innombrables niveaux de préparation. Elle pouvait aussi courir en groupe 5. Lors de la seconde moitié des sixties et au début des seventies, les 8 Gorde étaient donc très nombreuses dans les rallyes et les courses de côtes de l’Hexagone.

    L’âme humaine est ainsi faite que certains n’hésitent pas à frauder pour améliorer leur sort. Il en existe en sport auto comme ailleurs de ces petits malins resquilleurs qui pensent qu’un dixième de seconde se gagne aussi légitimement en préparant une voiture non conforme qu’en allant chercher au fond de ses tripes l’énergie de freiner au dernier centimètre possible, puis d’accélérer tôt et de prendre de gros appuis. L’année où j’ai commencé la compétition avec la 12 Gorde, un ancien pilote amateur dont je ne citerai pas le nom par discrétion m’a conseillé un truc qui m’a choqué. « Si tu restes conforme, tu vas risquer ta caisse à chaque virage pour arracher quelques millièmes à un peloton de furieux que tu n’es pas sûr de battre. Moi, j’ai un truc. Quand je courais, je faisais préparer mes voitures à l’étranger. Personne ne savait ce qu’il y avait dessus. J’avais une adresse en Belgique. J’ai fait monter des arbres à cames de groupe 5 sur une groupe 1 par exemple. Après, je pilotais propre, sans prendre trop de risques, et je disais que je gagnais parce que j’étais plus coulé que les autres. Ça a toujours marché. Quand je sentais que mes concurrents devenaient trop suspicieux, qu’on allait me démonter (NDLR : porter réclamation pour faire vérifier la conformité de la voiture par les commissaires techniques, ce qui entraîne le démontage de certaines pièces), je prétextais que j’avais cassé le moteur. Le temps que les choses se calment, j’allais à la pêche le dimanche plutôt que sur les courses.

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     Je n’ai pas voulu suivre ce conseil sordide. D’abord, tricher est insupportable dans ma conception du sport qui doit représenter un bastion de la loyauté et de l’honnêteté entre concurrents. D’autre part, je venais à la course après avoir été formé au pilotage par mon ami Xavier (1), pilote professionnel imprégné des valeurs morales des Juan Manuel Fangio, Stirling Moss, Jim Clark, Graham Hill, Jean-Pierre Beltoise  et autres seigneurs de la course auto. J’étais encore étudiant. Si ma famille avait fait un geste généreux et appréciable pour le financement de la voiture, Xavier m’avait beaucoup aidé en faisant le forcing auprès de ses sponsors les plus fidèles (à commencer par UTP) pour qu’ils me soutiennent aussi. J’aurais eu l’impression de trahir toute le monde si j’avais utilisé des procédés douteux. Sans compter la catastrophe pour ma crédibilité future si je m’étais fait prendre. Tant pis si d’autres ne s’embarrassaient pas des mêmes principes. Je savais que j’allais vite et que je pouvais faire partie de ceux qui se battent pour la victoire de catégorie sans tricher. Je ne remporterais pas cent pour cent des épreuves auxquelles je m’alignerais. Mais tous ceux qui m’aidaient savaient qu’un pilote ne gagne pas à chaque fois.

    Thierry Le Bras

     

    (1) pour faire connaissance avec Xavier Ferrant, le copain pilote professionnel de Philippe, cliquez sur :

    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/08/25/rallye-de-la-baule-des-emois-inoubliables.html

     

    A suivre …

     

  • PNEU IMPORTE LE CHOIX, pourvu qu’on ait la vitesse

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     FICTION

     Les visiteurs de Circuit Mortel connaissent David Sarel, l’avocat-pilote héros récurrent de mes romans qui court régulièrement en Championnat LMS, au Mans et dispute quelques rallyes. Ils connaissent également son entourage, notamment son parrain Éric Trélor qui lui a transmis sa passion de la course, Freddy Vivien, ancien Champion du monde de F1 qui a créé les Automobiles Vivia, Nick Vareski, ami d’enfance de David devenu designer de Vivia, Denis Grenier, autre ami proche de David qui fait équipe avec lui dans les épreuves d’endurance, Benjamin Bodin, ex-flic du 36  reconverti dans le privé qui assure la sécurité du Team et de David en particulier pendant les grandes épreuves…

     

    En 2008, l’équipage David Sarel – Denis Grenier et Yvonnick Le Squernach disputèrent les 24 Heures du Mans au volant d’une Vivia Supet GT. Leur objectif, la victoire dans la catégorie LMGT1. A 35 ans, David et Denis auraient fait figure de vétérans en F1, tout comme Yvonnick, à peine plus jeune qu’eux. Mais en endurance où l'expérience est capitale, ils formaient un équipage solide. Voici le récit du moment le plus délicat de la course.

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     Dimanche matin,  4 heures 15.

     Nick  réveille David. Dans 40 minutes, il va reprendre le volant.  Le préparateur du team lui fait faire quelques exercices de réveil musculaire.  Dans cette phase, il profite aussi de la luminosité procurée par les wake-up lights qui ont pour propriété de baiser la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil.

     

    - Sauf incident, Denis va te passer la voiture en tête des LMGT1, explique Nick. Mais la première Corvette est à 1 minute 30 et la première Aston à 2 minutes 12. Autrement dit tout reste à faire et il commence à pleuvoir. Denis est en pneus mixtes actuellement. Il va falloir que tu décides si tu repars en mixtes ou en full-rain.

     

    David écoute. Il va devoir opérer un choix stratégique lourd de conséquences. La lutte est si serrée dans la catégorie que toute erreur se paiera au prix fort.

     

    - André est dispo ? interroge David.

     

    - Oui, il t’attend au stand, répond Nick.

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    André Lebreton, c’est le joker, mieux, l’arme secrète du team en cas d’incertitude quant aux conditions météo. Car André, copain de longue date de Freddy Vivien et Éric Trélor, est un skipper qui s’est fait un nom dans les plus grandes épreuves comme la Transat anglaise, la Route du Rhum, le Vendée-Globe et bien d’autres courses. A 55 ans, il se lance encore dans des records transocéaniques et autour du monde à la barre d’un trimaran géant. Il faut dire qu’il ne fait pas son âge le marin lorientais.  Ses cheveux châtains foncés et son visage pigmenté de quelques taches de rousseur lui conservent une allure d’éternel adolescent. Mais André est un vieux loup de mer qui sent le vent, les nuages et les grains mieux qu’un appareil sophistiqué certifié par la Météorologie Nationale ou l’Administration des poids et mesures. La mission qui lui est confiée aujourd’hui, il l’a déjà exercée souvent pour le Team Vivia ainsi que pour Freddy quand il courait en F1. Les membres du Clan ont toujours fonctionné sur le modèle d’une famille. Certains sont d’ailleurs effectivement liés par des liens familiaux, tandis que d’autres se sont intégrés à cette famille de cœur, une famille choisie donc plus forte qu’une simple famille du sang où tout le monde ne s’aime pas forcément. André fait partie de cette famille. Déjà du temps de la F1, Freddy l’invitait sur certains Grands-Prix, notamment à Spa et en Angleterre quand il était disponible. Et André conseillait le pilote sur les choix de pneus lorsque l’équipe hésitait. « André m’a fait gagner au moins cinq Grands-Prix en sentant la pluie ou au contraire le retour du soleil avant les autres », s’enthousiasme toujours Freddy quand il évoque l’aide de son pote skipper.

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     David quitte l’espace repos, encadré par Benjamin et Nick. Il remarque que la pluie semble insistante. Il rejoint bientôt Jacques Dumoulin, le responsable des stands Vivia et André. Yves Taden se joint au groupe. Un peu plus jeune que David, Yves a commencé sa carrière comme mécano chez Vivia. Ce grand garçon blond un peu frisé au visage fermé comme beaucoup de Bretons possède toutes les qualités attachées à la ville d’Étel où il est né et où il habite encore. Franc, loyal, travailleur.  Affecté d’entrée à la voiture de David lorsqu’il commençait sa carrière de compétiteur en rallye et en course de côte, Yves a suivi l’ascension de son pilote avec qui il a noué une relation forte au fil des épreuves. Toujours l’esprit de Clan familial que Freddy, Éric, David et les autres se sont attachés à insuffler à l’équipe. Il est devenu son chef de voiture sur toutes les courses et veille à ce que la machine de David soit parfaite. Il commande les autres mécaniciens et organise leurs interventions. Yves joue un rôle particulièrement important dans l’équipe. Sans lui, les recherches des ingénieurs ne serviraient à rien. Une voiture bien conçue ne marche que si l’équipe de mécaniciens la prépare et la suit  avec minutie et rigueur.

     - Sans lui, il manquerait quelque chose dans l’équipe, confie David.

     

    La discussion s’engage tout de suite sur le choix des pneus.

     

    - Pour l’instant, nous sommes au point d’égalité parfaite entre les mixtes et les pleine pluie, annonce Jacques Dumoulin. J’ai pris des repères sur les temps de Philippe Tranech et Jean-Baptiste Bannier. Philippe est en mixte sur le proto Vivia LMP2. Jean-Baptiste a monté les full rain il y a un vingt minutes sur l’Audi R10. Ils ont bouclé les deux derniers tours dans le même temps à quinze centièmes près. Les tours précédents, Philippe était un peu plus vite.

     

    - Donc la piste est de plus en plus mouillée, constate David. Le tout est de savoir si ça va continuer où s’éclaircir. Ton avis André ?

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     - Pour moi, c’est parti pour durer et s’amplifier, répond le skipper. Le vent va continuer à apporter des nuages et il ne souffle pas assez fort pour les chasser. Je suis tenté de dire qu’il va pleuvoir au moins jusqu’au milieu de la matinée.

     - Combien de temps avant l’arrêt de Denis ? interroge David.

     

    - A peu près douze minutes, précise Jacques.

     

    -  Tu as encore un peu de temps pour faire ton choix, enchaîne Yves. J’ai fait mettre un train de mixtes et un train de full rain sous couvertures chauffantes. Tu as dix minutes.

     

    Nick et Benjamin écoutent la conversation sans intervenir. C’est David qui va rouler à plus de 300 à l’heure sur la piste mouillée. C’est à lui de choisir. Le pilote réfléchit, attentif au moindre signe. Jacques lui communique les temps. Denis améliore de quatre dixièmes par rapport au tour précédent.  Jean-Baptiste et Philippe améliorent aussi. Philippe a repris une demi-seconde au pilote Audi. Dans un tour et demi, Denis va s’arrêter.

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     - Que dit Denis à la radio ? s’enquiert David.

     - Il ne peut plus dans les Hunaudières. Pour l’instant, la piste reste mouillée, mais moins que tout à l’heure.

     

    - Dilemme, avoue David. André, toujours convaincu que la pluie va reprendre ?

     

    Le skipper s’avance en dehors du stand, hume l’air, apprécie l’angle des gouttes qui tombent poussées par le vent. Il  s’imprègne des éléments.

     

    - Oui. C’est toi qui décides, mais je suis sûr qu’il va se remettre à pleuvoir, et bien.

     

    - Alors, full rain.

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     Yves prévient les mécaniciens. Ils savent maintenant quels pneus ils vont monter lorsque la voiture s’arrêtera. David met sa cagoule, son caque, ses gants. Il se sent serein, totalement confiant dans le conseil d’André. Nick mitraille la scène avec son appareil photo. Denis vient d’engager la Vivia LMGT1 dans l’allée des stands. Il l’immobilise devant son box, détache son harnais. Déjà, les mécaniciens dirigés par Yves ont commencé leur balai parfaitement réglé. David ouvre la portière. Denis sort de la voiture, enlève son baquet. David installe le sien, se glisse au volant. Denis l’aide à fixer son harnais. Il est prêt pour trois relais. Ça y est, il reçoit l’autorisation de démarrer. Au premier coup de démarreur, le V10 rugit dans le dos du pilote. La Vivia avance dans la voie des stands à vitesse règlementaire puis accélère franchement en reprenant la piste.

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    Le revêtement est glissant. Il fait encore nuit. David doit se montrer vigilent et trouver le bon rythme. C’est dur de piloter sous la pluie. Les projections d’eau des autres concurrents forment un véritable écran devant les phares et  réduisent singulièrement la visibilité. Pourtant, il faut faire chauffer les pneus et ne pas laisser les autres éléments de la voiture refroidir. Une machine de course ne comporte pas comme une berline. Elle fonctionne parfaitement à un certain rythme, à certaines températures. En-dessous, elle devient vicieuse. David doit composer avec ces exigences et l’adhérence précaire de la piste. D’habitude, il se débrouille bien dans cet exercice ; il n’y pas de raison qu’il n’y parvienne pas aujourd’hui. Il élargit ses trajectoires par rapport à celles adoptées sur piste sèche, accélère un peu plus doucement, évite de monter sur les bordures, se tient prêt à corriger les  dérobades de la machine. Il prend confiance. A son second tour de piste, la pluie se met à tomber averse au virage du karting. David sourit. Merci André, il l’a guidé vers le bon choix de pneus. Sans doute les Aston et les Corvette feront-elles le même dès qu’elles s’arrêteront, mais au moins, il n’aura pas perdu de temps par rapport à elles. Mieux vaut être devant avec une faible avance que derrière, fût-ce dans les roues de son adversaire.

    Il reste onze heures de course. Tout peut encore arriver. Bientôt, le jour va se lever sur la piste du Mans qui se transforme en patinoire. Ce relais qu’accomplit David est un des plus durs des 24 Heures, celui où la fatigue commence à se faire sentir, où la lumière pâle, sorte d’entre chiens et loups, favorise les fautes de pilotage. Combien de voitures ont-elles fini dans les rails à ce moment de la course lors des précédentes éditions ? Beaucoup sans aucun doute. David n’a pas l’intention de se laisser piéger. A la radio, Jacques Dumoulin l’informe que l’Aston qui le suit a aussi opté pour des full-rain mais que l’équipage de la  Corvette qui est troisième a parié sur les mixtes. Qu’importe, pour l’instant, David est le plus vite en piste dans la catégorie LMGT1.

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    Bientôt, le jour va se lever. A Mulsanne, un clan composé d’amis, de membres de la famille, de sponsors et de supporters irréductibles des pilotes Vivia sont en place. Dans quelques minutes, David les apercevra pendant une fraction de seconde à la fin de son freinage. Il n’aura pas le temps de faire le moindre signe. Il est en piste. La voiture est en limite d’adhérence, prête à chahuter à la première imprécision de son pilote. A la sortie du droite, elle partira en dérive des quatre roues pendant que David dosera une accélération combinée à une amorce de contre-braquage. Complètement concentré sur son pilotage, il ne pense à rien d'autre. Mais leur  présence de ses proches au bord de la piste booste tout de même son subconscient et favorise sa sérénité

    NOTE MODIFIÉE LE 10 JUIN 2014

    david sarel,24 heures du mans,vivia

    Retrouvez David Sarel quelques années plus tôt :

    * dans un roman dont l’action se déroule pendant un rallye : http://0z.fr/JHYvp

    * dans  le cadre d’un déjeuner aux saveurs douces – amères : http://bit.ly/1juLvyH

    * dans l’univers plein d’intox de la F1 : http://0z.fr/2zYDt

     

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    Thierry Le Bras