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  • LE CLIN D’ŒIL DE PHILIPPE GEORJAN A LA R8 GORDE (1)

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     Héros d’une prochaine série de romans Vintage, Philippe Georjan est un personnage de fiction qui adore l’automobile et la compétition. Adolescent durant les sixties, jeune homme à la période des seventies, il s’avoue nostalgique de cette époque où les contraintes imposées à l’automobile et à ses conducteurs se révélaient bien plus souples qu’aujourd’hui. La R8 Gorde réveille quelques anecdotes croustillantes dans sa mémoire.

     La R8 Gordini faisait forcément partie des voitures que j’aimais, se rappelle Philippe Georjan. Je m’en souviens avec d’autant plus de tendresse que j’ai commencé à courir en 1973 avec une R 12 G, sa descendante dans la lignée Gordini bien qu’elle ait adopté le mode traction et non propulsion.

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     D’extérieur, peu de choses distinguaient la R8 Gorde des voitures de tourisme traditionnelles qui promenaient les familles raisonnables sur les routes de France et de Navarre. Si ce ne sont une jolie couleur bleue et deux bandes blanches qui annonçaient ses prétentions sportives. La première fois que j’ai eu l’occasion de monter dans une Gorde, c’était en 1966, l’année de mes quatorze ans. C’était la voiture de Jean-Philippe, un journaliste auto qui écrivait dans « Chronomètre » et « La France au quotidien ». Il suivait de près la carrière de Xavier (1), ce qui nous donna l’occasion de sympathiser. A l’intérieur, la Gorde était un peu plus bruyante que la R8 ordinaire. Plus sèche et plus brutale aussi. Certains reprochèrent à Renault d’offrir aux jeunes une voiture dangereuse à prix abordable. Le même procès moral serait intenté quelques années plus tard à Simca au titre de la commercialisation des 1000 Rallye. Les critiques émises contre ces constructeurs m’ont toujours paru injustes. D’autant que les R8 G et les Simca 1000 Rallye bénéficiaient du savoir-faire de constructeurs expérimentés. Leurs machines se révélaient bien plus sûres que les voitures bricolées pour améliorer les performances sans que les freins et les suspensions suivent. Or à cette époque, beaucoup de jeunes ne se contentaient pas de chiffres constructeur de la R8 de papa. Une culasse rabotée un arbre à cames spécial, un nouveau carbu permettaient de gagner quelques chevaux dans des conditions de sécurité bien éloignées de ce qu’offrait une R8 Gordini.

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     Je me souviens d’une anecdote amusante avec la R8 G. C’était à la Course de côte du Mont-Dore 1966  que Xavier disputait sur l’AC Cobra du Team UTP. Le dimanche matin, Jean-Philippe nous a amenés dans sa Gorde, notre ami Christian, mon cousin Laurent et moi. Nous sommes partis du parc fermé pour nous rendre au haut du tracé. Il fallait faire tout un détour par Chambon sur Lac pour remonter le Col de la Croix Saint-Robert par le versant qui ne sert pas à la course. Là, nous avons rattrapé la DS 21 de Serge Tourquen, le frère de Jean-Jacques, un autre concurrent. Serge conduisait vite et bien. Il occupait le baquet de droite dans l’Alpine de son frère en rallye. Mais sa DS 21 était à l’agonie tandis qu’il freinait la R8 Gorde. Il a fini par nous laisser passer entre deux épingles. Jean-Philippe l’a immédiatement lâché. Nous l’avons revu plus tard dans la journée au virage de la carrière. « Quand je pense que la plupart des gens s’extasient en affirmant que la DS tient la route, a-t-il plaisanté. Elle la tient toute oui. Face à la Gorde, c’est un vrai bateau. »

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     Mon cousin Laurent n’était pas très content. Son père possédait justement une DS 21 et ne jurait que par Citroën. Mais il dut reconnaître que sur route sèche et sinueuse, la DS 21 rendait les armes face à la R8 Gordini.

     Petite mais costaud, tel aurait pu être le slogan de la bombe mise au point par le sorcier italien pour le compte de Renault.

     

    Outre la Coupe, la R 8 Gorde brilla également dans d’autres épreuves sur circuit, en rallye et en course de côte. Gérard Larrousse, Jean-Claude Andruet, Bernard Darniche, Jean-Luc Thérier, Jean-Pierre Nicolas, Marcel Grué, Hervé Knapick, Jean Rondeau, Jean-Claude Vaucard, Jakubowski, Jran-Claude Lagniez, Alain Cudini, Jean-Pierre Jarier, Roger Dorchy, Jean Ragnotti, Jean Todt, Hugues de Chaunac, Max Mamers, les frères Grobot, Roussely, Dany Snobeck, ils ont tous piloté une R8 Gorde à un moment ou l’autre de leur carrière, comme beaucoup d’autres qu’un ouvrage entier ne suffirait pas à citer.

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    La R8 Gorde était homologuée en « tourisme de série »  et en « tourisme spécial », de telle sorte qu’il existe d’innombrables niveaux de préparation. Elle pouvait aussi courir en groupe 5. Lors de la seconde moitié des sixties et au début des seventies, les 8 Gorde étaient donc très nombreuses dans les rallyes et les courses de côtes de l’Hexagone.

    L’âme humaine est ainsi faite que certains n’hésitent pas à frauder pour améliorer leur sort. Il en existe en sport auto comme ailleurs de ces petits malins resquilleurs qui pensent qu’un dixième de seconde se gagne aussi légitimement en préparant une voiture non conforme qu’en allant chercher au fond de ses tripes l’énergie de freiner au dernier centimètre possible, puis d’accélérer tôt et de prendre de gros appuis. L’année où j’ai commencé la compétition avec la 12 Gorde, un ancien pilote amateur dont je ne citerai pas le nom par discrétion m’a conseillé un truc qui m’a choqué. « Si tu restes conforme, tu vas risquer ta caisse à chaque virage pour arracher quelques millièmes à un peloton de furieux que tu n’es pas sûr de battre. Moi, j’ai un truc. Quand je courais, je faisais préparer mes voitures à l’étranger. Personne ne savait ce qu’il y avait dessus. J’avais une adresse en Belgique. J’ai fait monter des arbres à cames de groupe 5 sur une groupe 1 par exemple. Après, je pilotais propre, sans prendre trop de risques, et je disais que je gagnais parce que j’étais plus coulé que les autres. Ça a toujours marché. Quand je sentais que mes concurrents devenaient trop suspicieux, qu’on allait me démonter (NDLR : porter réclamation pour faire vérifier la conformité de la voiture par les commissaires techniques, ce qui entraîne le démontage de certaines pièces), je prétextais que j’avais cassé le moteur. Le temps que les choses se calment, j’allais à la pêche le dimanche plutôt que sur les courses.

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     Je n’ai pas voulu suivre ce conseil sordide. D’abord, tricher est insupportable dans ma conception du sport qui doit représenter un bastion de la loyauté et de l’honnêteté entre concurrents. D’autre part, je venais à la course après avoir été formé au pilotage par mon ami Xavier (1), pilote professionnel imprégné des valeurs morales des Juan Manuel Fangio, Stirling Moss, Jim Clark, Graham Hill, Jean-Pierre Beltoise  et autres seigneurs de la course auto. J’étais encore étudiant. Si ma famille avait fait un geste généreux et appréciable pour le financement de la voiture, Xavier m’avait beaucoup aidé en faisant le forcing auprès de ses sponsors les plus fidèles (à commencer par UTP) pour qu’ils me soutiennent aussi. J’aurais eu l’impression de trahir toute le monde si j’avais utilisé des procédés douteux. Sans compter la catastrophe pour ma crédibilité future si je m’étais fait prendre. Tant pis si d’autres ne s’embarrassaient pas des mêmes principes. Je savais que j’allais vite et que je pouvais faire partie de ceux qui se battent pour la victoire de catégorie sans tricher. Je ne remporterais pas cent pour cent des épreuves auxquelles je m’alignerais. Mais tous ceux qui m’aidaient savaient qu’un pilote ne gagne pas à chaque fois.

    Thierry Le Bras

     

    (1) pour faire connaissance avec Xavier Ferrant, le copain pilote professionnel de Philippe, cliquez sur :

    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/08/25/rallye-de-la-baule-des-emois-inoubliables.html

     

    A suivre …