en Formule 1 ?
Quelle méthode pour apporter la réponse ?
Les voitures d’aujourd’hui sont si différentes de celles des premiers championnats. La saison de Grands-Prix 2012 compte 20 épreuves contre 6 pour la saison 1950 et 10 pour l’année 1963. Le record de 91 victoires de Michael Schumacher aurait nécessité plus de 9 saisons sans perdre une seule course avec un nombre de Grands-Prix identique à celui de 1963, année du premier titre de Jim Clark.
Quelques-uns firent incontestablement partie des meilleurs. Fangio, Moss, Clark, Hill, Stewart, Lauda, Prost, Senna (ci-dessus), Schumacher, figurent parmi les plus souvent cités. Mais ils ne furent pas les seuls géants de la formidable histoire de la F1.
Quels critères choisir ?
La domination en F1 suppose un excellent pilote équipé d’un excellent châssis, de très bons pneus (à certaines époques, plusieurs manufacturiers se trouvaient en concurrence), et d’un bon moteur. Or le pilote ne maîtrise pas tous les aléas au moment où il effectue les choix qui vont orienter sa carrière. Lorsque Jean Alesi décida d’aller chez Ferrari plutôt que chez Williams, il ne savait pas qu’il renonçait à intégrer un team dont le potentiel allait devenir absolument formidable.
Sans compter le jeu de l’équipe. Les 7 titres de Michael Schumacher valent-ils plus que les 3 titres d’Ayrton Senna ou les 2 titres de Jim Clark (en photo ci-dessus) ? Michael bénéficia chez Ferrari avec qui il remporta 5 titres conducteurs d’une écurie organisée en légion autour de lui, tandis qu’Ayrton se trouva pendant deux saisons confronté au sein de son team à un autre champion du monde qui défendait ses chances sans consigne d’équipe, Prost. Quant à Jim, il courut à une époque particulièrement dangereuse. La plupart des pilotes contemporains ont encaissé sans dommages des sorties de route qui auraient été mortelles pendant les années 60.
La question du meilleur pilote hante toutes les générations
Au milieu des seventies, L’Année Automobile publiait dans chaque édition une nouvelle (au sens littéraire de courte fiction) sur le thème de la course automobile. Une année, le journaliste chargé de cette petite histoire (je crois que c’était l’excellent José Rosinski) imagina que son rédacteur en chef lui avait demandé de diligenter une enquête pour déterminer qui était le plus grand pilote de F1 de tous les temps. Je raconte le scénario de mémoire, au risque d’oublier quelques détails.
Voilà notre enquêteur bien embarrassé. Fangio, Clark, Stewart, ou un autre ? Préoccupé par son article, il traverse distraitement la rue et se fait écraser par un bus. Quelques minutes plus tard, il se présente chez Saint-Pierre, gardien des portes du Paradis. Il explique les circonstances de son accident puis, n’y tenant plus, pose la question à Saint-Pierre.
- Vous, vous savez qui est le plus grand pilote de tous les temps ?
- Certes, mais je ne sais pas si je dois te le dire.
- Écoutez, je suis mort pour cette question. Je veux savoir.
- Bon, tu l’auras voulu. C’était Hans Helmut.
- Hans Helmut, Hans Helmut ? Connais pas.
- Non, tu ne le connais pas. Hans Helmut était un bûcheron autrichien. Il était pauvre et il n’a jamais passé son permis de conduire. Seulement, il possédait des réflexes, une vision, un sens de la trajectoire et de l’adhérence, un courage et un sang froid qu’aucun champion de F1 n’a jamais atteint. Il les aurait tous battus s’il avait couru contre eux….
De quoi inciter les pilotes qui prendraient la grosse tête à l’humilité !!!
Chacun possède son intime conviction quant au nom du plus grand pilote de tous les temps. D’autant qu’outre les champions titrés, il faudrait s’interroger sur les carrières qu’auraient poursuivies des champions décédés prématurément ou écartés de la course par des accidents qui les ont marqués physiquement ou/et mentalement.
Qu’aurait réalisé Mike Hawthorn (ci-dessus) sans l’accident du Mans 1955 qui l’a confronté au pire drame de l’histoire de la course auto ? Aurait-il poursuivi sa carrière plus longtemps ? Aurait-il échappé à l’accident de la route dans lequel il perdit la vie ? Réflexion comparable pour Ricardo Rodriguez (en photo en tête de la note), disparu à 20 ans, c’est-à-dire un an plus jeune que l’âge auquel Sebastian Vettel remporta sa première victoire. Et Jochen Rindt ? Avec quelle « dimension » Français François Cevert et Didier Pironi seraient-ils entrés dans l’histoire de la F1 si l’accident et la mort ne les avaient pas fauchés prématurément ? Et il ne s’agit là que de quelques exemples parmi des dizaines. Jim Clark et Ayrton Senna notamment font bien sûr partie des plus grands champions qui avaient encore des Grands-Prix et des titres à remporter lorsque la cruauté de la course nous les enleva.
Avec des si, on refait l’histoire…
mais on pose aussi de bonnes questions.
Qui sait ce qu’auraient réussi un Jacques Laffite, un Jean-Pierre Jarier, un Jarno Trulli, un Olivier Panis et d’autres encore placés au bon moment dans le meilleur team ? Qu’aurait réalisé Beppe Gabbiani (ci-dessus) si, en 1981, il avait disposé d’une Renault RE 30 plutôt que d’une Osella ? Combien de titres aurait obtenu Jenson Button sans ses années galères ? Et Kimi Räikkönen si Jean Todt était resté à la tête de Ferrari, lui évitant un entourage latin qui ne le comprenait pas et rêvait de l’évincer pour transformer un de ses pas de porte roulants en agence Santander ? Un pilote qui a montré sa vélocité et sa fiabilité dans de nombreuses disciplines mais qui n’a pas eu l’occasion d’accéder à la F1 - ou pas dans de bonnes conditions - aurait-il eu le potentiel d’enthousiasmer tous les experts si les circonstances lui avaient offert la bonne opportunité au bon moment ? Tout le monde conviendra qu’il est permis de se poser la question lorsqu’on suit des carrières telles que celles d’Anthony Davidson, de Loïc Duval, de Benoît Tréluyer, d’Andréa Lotterer, de Nicolas Lapierre…
Un pilote spécialisé dans la course de côte comme Yves Martin, Marcel Tarrès, Sébastien Petit (en photo ci-dessus à La Pommeraye 2003) ou Lionel Régal, disparu trop tôt, aurait-il explosé tout le monde en circuit si, au lieu de débuter dans une discipline spécifique, il avait suivi les filières traditionnelles qui passent par les formules de promotion ? Complètement impossible à savoir.
Le meilleur de tous fait-il partie des jeunes qui montent comme Paul-Loup Chatin, Aurélien Panis (ci-dessus), Pierre Gasly, Matthieu Vaxivière, Kevin Magnussen (le fils de Jan) ? Ou est-ce un des plus jeunes loups de la F1, Sergio Perez, Nico Hulkenberg ? Les frères Charles et Arthur Pic deviendront-ils des icônes de l'histoire automobile comme le sont les frères Pedro et Ricardo Rodriguez ?
Ou alors, le meilleur pilote de tous les temps est peut-être Michel Vaillant. Il est en tout cas celui qui affiche la plus belle longévité. Le plus éclectique aussi, puisqu’il court non seulement en F1, mais en endurance, en rallye-raid, en rallye, et qu’on l’a même vu en camion et à moto. Mais il n’existe que sur le papier et au cinéma, même si, comme l’affirme Serge Dalens, « les héros de fiction vivent dans un univers parallèle où ils entraînent leurs lecteurs ».
QUELQUES LIENS A SUIVRE
Sur le site d’Alfa Vendée, une vidéo à ne pas rater : un tour en Alfa avec Fangio !
http://www.alfavendee.com/tag/juan%20manuel%20fangio
Le site officiel d’Olivier Panis
http://www.olivier-panis.com/olivier/
La saga des frères Rodriguez au Mans
Le site le plus complet sur Mike Hawthorn
http://www.mike-hawthorn.org.uk/home.php
Un épisode peu connu de la carrière de Didier Pironi
http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/10/23/didier-pironi-a-l-agaci-300.html
et
http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/11/21/retour-a-l-agaci-300-avec-didier-pironi.html
7 Nouvelles pimentées, un e-book où vous rencontrerez entre autres des pilotes automobiles et motocyclistes
http://polarssportsetlegendes.over-blog.com/article-7-nouvelles-pimentees-107503713.html
un livre aussi présenté sur l'excellent site de la concession Alfa Vendée
http://www.alfavendee.com/archive/2012/07/17/7-nouvelles-pimentees.html
Thierry Le Bras