« Les personnages de fiction vivent, non seulement dans l’esprit de leur créateur, mais aussi dans un monde parallèle où ils entraînent les lecteurs », écrivit Serge Dalens. Philippe Georjan, le personnage principal d’une nouvelle série de romans « Vintage » que je prépare, existe donc bien. J’en suis certain et je compte bien vous en convaincre en rapportant quelques épisodes de sa vie sur ce blog !

Philippe était adolescent au cœur des sixties. Il rapporte ici un temps fort de sa vie, sa première voiture. Des souvenirs qu’il associe naturellement au contexte automobile « Vintage ».
« Ma première voiture, raconte Philippe, j’en rêvais depuis … Depuis toujours en fait, ou tout au moins depuis l’époque où j’avais commencé à faire vroum vroum avec des petites voitures au 1/43ème. Les petites voitures, c’étaient mes jouets préférés si j’en crois ma mère, ma jolie cousine Christina de six ans mon aînée, et aussi mon cousin Laurent qui a mon âge, qui a toujours été comme un vrai jumeau pour moi, et que j’ai entraîné dans ma passion de l’automobile et de la compétition.

« Nous étions en 1970. Laurent et moi avions tout juste 18 ans. Bac et permis de conduire en poche, nous découvrions un sentiment formidable, celui de la liberté que procure la possession de sa propre voiture. J’avais choisi une Mini Austin 1000 rouge à toit blanc avec deux bandes blanches sur le capot avant. Pourquoi ? Pour reproduire le look des Cooper S qui avaient remporté le Rallye de Monte-Carlo en 1965 et 1967 bien sûr. Je voulais faire de la course auto et le plus tôt possible. Ce ne serait pas avec une Cooper S comme j’en rêvais au collège. Le modèle n’était plus assez compétitif dans sa catégorie et je le regrettais beaucoup. Mais avant de choisir la voiture qui me permettrait de remporter mes premières coupes en course de côte, en circuit et en rallye (discipline où Laurent serait naturellement mon navigateur), je voulais à tout prix rouler en Mini.

« Mon Austin de 1970 n’avait pas grand-chose à voir avec les Cooper d’aujourd’hui, à part l’allure générale sympathique et craquante. La Mini d’époque était beaucoup plus petite, bien moins confortable, et elle faisait beaucoup plus de bruit à chaque coup d’accélérateur. Une Mini en ce temps-là, ça se conduisait à coups de pied. Compte tenu du manque de souplesse de l’accélérateur, la pédale d’accélérateur ne connaissait que deux positions, « on » ou « off ». D’autant qu’avec son gabarit, la Mini se faufilait partout dans le trafic et qu’à part les stops et les feux rouges, rien ne l’arrêtait. Bon, d’accord, j’en rajoute un peu dans la caricature. Mais vous n’allez pas m’en vouloir de conserver le meilleur de mes souvenirs !
« Bien sûr, le volant un peu à plat comme sur les camions surprendrait le conducteur aseptisé siglé XXIème siècle, tout comme le dossier du siège qui ne remontait pas bien haut dans le dos. Mais c’était une autre époque, plus ludique, plus originale dans ses créations mécaniques, une époque formidable en vérité. Ce n’est pas pour rien que les objets « Vintage » ont conquis la mode. Ils nous replongent dans la douce réalité de décennies d’enthousiasme et de bonheur. Un paradis embelli par l’insouciance de notre jeunesse, il est vrai, mais aussi la nostalgie d’un contexte général optimiste contrastant singulièrement avec la sinistrose et le défaitisme contemporains.

« Laurent avait choisi une première voiture originale lui-aussi. Il s’agissait d’un spider Fiat 850 jaune.

« Quant à Christian, notre meilleur ami, il roulait dans une NSU 1000 dont la couleur orange célébrait l’engagement du modèle 1200 TT en compétition.
« Nos petites autos d’alors ne suivraient sans doute pas une bête Clio Diesel sur un parcours Saint-Malo – Le Mans, surtout en passant pas les quatre voies et l’autoroute. Elles n’affichaient pas des performances exceptionnelles, loin s’en faut. Mais à 130 (compteur) au volant de l’Austin Mini, je me croyais à la Coupe des Alpes. Et dans le spider Fiat 850 décapoté, cheveux au vent et lunettes noires sur le nez, nous nous prenions pour des stars lorsque nous roulions le long de la plage du sillon à Saint-Malo.

Les filles ne nous auraient pas davantage regardés si nous avions roulé en Lamborghini Miura comme Johnny Hallyday et Jean-Marie Périer.
***
« La conduite ne me posait aucun problème. J’avais déjà parcouru pas mal de kilomètres sur route avant le permis. Ce n’était pas très légal, mais en ce temps-là, les contrôles routiers étaient moins nombreux. En roulant sur des petites routes, les risques de se faire arrêter par la maréchaussée étaient faibles. Bien avant l’auto-école, j’avais appris à conduire avec Xavier Ferrant, un pilote professionnel qui avait sept ans de plus que moi. J’avais eu la chance de sympathiser avec lui quatre ans plus tôt, en 1966. Xavier était devenu comme un grand frère pour moi. Il m’avait aidé à grandir plus vite que la plupart des copains. Et il m’avait initié à la conduite – je devrais même dire au pilotage – avec ses voitures de tourisme successives.

Mon moniteur particulier m’avait donc formé. D'abord au volant d’une Lotus Elan.

Puis avec ses voitures suivantes, une Alfa Romeo 2600, des Porsche 911 et 914/6.

J’avais aussi conduit les Triumph Spitfire de ma cousine Christina ainsi que de temps en temps la Ford Taunus 20 M TS et le Coupé Opel Rekord successivement possédés mon père à cette période.

De quoi rendre jaloux les camarades qui se contentaient de manœuvrer les 2 cv ou les 204 familiales dans le jardin.
« Mais pas notre ami Christian. Son père, garagiste spécialisé dans les VO récents, lui faisait essayer tout ce qu’il trouvait intéressant dans le stock

De la Mustang à la Jaguar

en passant par les BMW, DS, Coupé Peugeot 404

Simca 1200 S,

R8 Gorde, Matra 530, Coccinelles, Daf, Cabriolet Mercedes 280 SL, Coupé Volvo (le modèle du Saint dans la série télé),

Alfa Roméo, Opel Kadett Rallye,

Cabriolet Fiat 124,

Honda S 800,
Christian avait conduit un joli pourcentage des modèles figurant dans l’Annuel Salon de l’Auto-Journal bien avant l’obtention du précieux papier rose légalisant ses essais.
« Nos excursions routières n’étaient pas si dangereuses. Deux preuves à l’appui de mon affirmation. D’une part, aucun d’entre nous n’a connu de problèmes lors de cet apprentissage sauvage. D’autre part, le législateur a inventé depuis la conduite accompagnée qui s’apparente à ce que nous faisions en toute illégalité. Quand j’ai découvert cette mesure, j’ai beaucoup ri en constatant que Xavier n’aurait pas pu, de toute façon, être mon accompagnateur officiel. Il était pilote professionnel et faisait ce qu’il voulait avec une voiture entre les mains. Mais il aurait été trop jeune pour m’éduquer légalement dans le cadre de la conduite accompagnée ! Christina aussi d’ailleurs. Dans notre petit groupe, seul Christian aurait pu entrer dans ce système avec son père.
***
« Aujourd’hui encore, notre ami Christian évoque ces modèles avec nostalgie quand il nous raconte l’ennui de l’essai préalable à la vente d’un monospace Diesel équipé d’une boite automatique (et d’un régulateur de vitesse) par un client dont l’intérêt se limite au volume habitable et au taux du crédit avec assurance chômage au cas où... Un monospace gris ou beige bien sûr, une couleur qui ne se remarquera pas sur le parking de l’hyper ni dans le sous-sol des bureaux de la firme qui lui donne son chèque mensuel en attendant que le fonds de pension qui rachètera la boite un jour ou l’autre n’entende optimiser la valorisation de l’EBE et le vire parce qu’il gagnera trop au goût des financiers en costumes sombres qui ignoreront tout de son métier et des talents qu’il met au service de l’entreprise.

« Mon Austin Mini, le spider Fiat 850 de Laurent, la NSU de Christian, les américaines qu’affectionnait son père, la Triumph Spitfire de Christina, la Lotus et les Porsche de Xavier, l’Opel Rekord de mon père, la DS 23 de mon oncle, ces voitures que nous appelons désormais « Vintage », possédaient quelque chose en commun : leur diversité. Pas de recette unique, pas de design uniformisé, banalisé.

Certaines voitures sentaient bon le cuir. La chaleur du bois verni égayait quantité d’habitacles. Aucun pot catalytique n’étouffait le son magique des moteurs qui rugissaient en bandant leurs muscles avant de bondir vers les promesses envoûtantes et excitantes de routes sinueuses à souhait. Et tant pis si avec les suspensions de nos modèles préférés, nos vertèbres jouaient des castagnettes au moindre gravillon sur la route. Nous avions des muscles dorsaux pour amortir les inégalités des revêtements. Nous étions jeunes, sportifs, heureux de vivre. Nous aimions les voitures pleines de vie, pas les canapés feutrés montés sur roues, des objets stupides dans lesquels on s’ennuie à mourir.

« Les experts expliquent souvent le succès de la littérature fantastique par le besoin de nos contemporains de s’évader d’une société triste et affligeante où l’individu a perdu le contrôle de son destin. Et si la mode du « Vintage » ressortait du même phénomène ? Le « Vintage » ne permet-il pas de s’échapper d’un monde aseptisé et insipide pour plonger avec enthousiasme dans un univers passionnant et propice à l’épanouissement de sa personnalité ? »
NOTE MODIFIÉE LE 2 OCTOBRE 2014
QUELQUES LIENS A SUIVRE

Vous voulez partager de bons moments avec Philippe, Laurent, Christina, Christian, Christina et les autres ? C’est possible. Ils sont les personnages principaux de VENGEANCE GLACÈE AU COULIS DE SIXTIES, un polar vintage, automobile, humoristique et gourmand à consommer sans modération au prix très light de 3,55 € http://amzn.to/1nCwZYd

Les joies du camping à Larmor Plage en 1964 http://bit.ly/1iY1Yfh
L’auto-école en Lotus Elan, ça vous dit ? http://bit.ly/1sucixL
Une dame, un chapeau, une Dauphine qui n’a rien d’une perdante http://0z.fr/r8RvN
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Propos recueillis par :
Thierry Le Bras
Le créateur des personnages, où plutôt celui qui croit en être leur créateur et se laisse en réalité conduire par lesdits personnages qui mènent l’histoire au gré de leur volonté…
- Moi, j’écoutais surtout du Sardou et du Sylvie Vartan, raconte Éric. J’aimais à peu près tout de Sardou, notamment Le France, J’accuse, Le bon temps c’est quand, Je vais t’aimer… Il possédait un répertoire très riche en fait. Il faisait un spectacle par an au Palais des sports à Rennes, et j’allais toujours le voir. J’adorais aussi Sylvie Vartan. Une femme et une chanteuse fascinante. Elle était encore mariée avec Johnny à cette époque. D’elle aussi, j’aimais tout le répertoire. De La Maritza à L’amour c’est comme les bateaux en passant par Baby Capone, J’aimais beaucoup Mon testament aussi. Sylvie l’a enregistrée sur le même 45 tours que Comme un garçon . J’ai rêvé Que sur un grand mur blanc Je lisais Mon testament A tous mes amis Je laisse bien peu L’occasion de souffrir A mes ennemis Je laisse bien mieux L’occasion de mentir C’est tellement juste comme analyse. Les paroles retracent si bien le cynisme des rapports humains. Dommage que cette chanson ne soit pas reprise aujourd’hui.
- Si bien sûr. Johnny, c’était déjà un mythe, et pas que pour les blousons noirs. Je l’aimais aussi. Surtout quand il chantait J’ai un problème avec Sylvie, mais pas seulement. Gabrielle par exemple, c’était irrésistible. L’été 1976, j’étais allé à un de ses concerts avec Mikaël et Ronnie qui était un vrai fan. D’abord, tout le monde était debout. Les numéros de places ne servaient à rien. Les premiers arrivés devant, les autres derrière. Heureusement que nous avions peur d’être en retard. Nous nous sommes trouvés dans les premiers rangs. Johnny se défonce en scène. Tu ne peux pas rester indifférent. Et quand la salle était bien chauffée et qu’il chantait : Dix ans de chaînes sans voir le jour, C'était ma peine forçat de l'amour Et bonne chance à celui qui veut ma place {oui ma place} Dix ans de chaîne sans voir le jour C'était ma peine forçat de l'amour J'ai refusé, mourir d'amour enchaîné Toute la salle levait les poignets comme si chaque spectateur était enchaîné. Tout le monde reprenait « mourir d’amour enchaîné » avec lui. C’était comme un sort sur la foule, une communion totale entre l’artiste et ses fans. Tu ne pouvais pas faire autrement.
- Ma mère aimait beaucoup Claude François, ajoute Jeremy. Elle a gardé précieusement ses vieux vinyles et racheté les nouveaux supports CD et DVD de ses chansons et spectacles. Mais mon père n’en parle pas trop en bien…


- Je suppose que vous avez commencé à reconnaître le vendredi soir ? demande Fabien.
En plus la Rallye 2 était un peu plus performante que la 1200 S et Ronnie sans doute légèrement moins rapide malgré un super sens de l’attaque et un cœur énorme. Voyant le jeu de Luc avec Ronnie, Jacques Dumoulin qui courait sur une Alfa 2000 GTV blanche s’est mis en tête de jouer au même jeu avec moi. Objectivement, c’est super énervant et ça multipliait les risques dans un exercice déjà dangereux.
D’ailleurs, j’ai failli me sortir dans une grande courbe rapide. J’ai pris le bas-côté et je suis parti dans une série de travers que j’ai rattrapés par miracle. Merci Saint-Christophe. Du coup, Jacques a repris ses distances lors des montées suivantes. Ronnie par contre a fait croire à Luc qu’il s’arrêtait, puis il est reparti juste dans ses pare-chocs. Luc avait tellement peur de paraître moins bon que lui qu’il a fait des tas de petites fautes et que Ronnie a fini la montée collé à son pare-choc et persuadé qu’il allait lui coller une valise le dimanche. Ils ont parié sur leurs temps au scratch.





- Oui, à peu près. Tout nous paraissait possible et beaucoup de choses l’étaient. C’était une très belle époque pour les gars qui en voulaient. Pas de problèmes avec les heures sup ni les primes au mérite. Des tas de gars qui exerçaient des jobs d’employés ou d’ouvriers arrivaient à courir. Ils n’étaient pas bloqués par des histoires de 35 heures ni le manque de travail. Du boulot et de l’argent pour ceux qui voulaient vraiment y arriver, c’était possible. Sale temps pour les feignasses, il faut bien l’avouer, mais une société ouverte et sympa pour les vrais battants. Nous nous sommes tous construit de belles vies à cette période. Je ne crois pas que nous pourrions réussir de la même façon aujourd’hui. Le coût de l’énergie, les contraintes de toutes sortes ont grippé beaucoup de mécanismes. Sans compter l’obsession des politiques pour une monnaie forte alors qu’un peu d’inflation a toujours boosté l’économie et la croissance. Sans oublier non plus les prétendues valeurs baba-cool qui commençaient à attirer la vindicte sur les plus actifs, ceux qui font marcher l’économie. Des non-valeurs qui produisirent des générations qui regardent ceux qui veulent réussir comme des illuminés nocifs.
- C’est sûr que les temps ont changé, soupire Fabien. Au lycée, il ne fallait pas faire part de ses ambitions professionnelles et sportives sous peine d’être mal vu. Même en fac, la plupart rêvent d’un job qui ne bousculera pas trop leur petite vie personnelle… Pour certains, donner le meilleur de soi-même, se battre dans le but de faire partie des meilleurs, c’est vouloir écraser les autres. Nous sommes dans la société des limitations de vitesse à tous les niveaux, celle qui pénalise et sanctionne les plus rapides, se moque de ceux qui veulent réaliser quelque chose qui sorte de l’ordinaire, qui prône l’alignement sur le plus mauvais, qui érige la médiocrité en valeur intrinsèque.
- Pas tout à fait, corrige Éric. Je dis simplement que la société des sixties et des seventies offrait de vrais possibilités aux battants et que réussir en sport automobile, ça a toujours été dur, même à l’époque. Ceux qui avaient la force mentale de s’imposer parmi les bons dans ce sport étaient capables de réussir aussi très bien dans la vie professionnelle. Ce fut d’ailleurs le cas de Ronnie et Luc.