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tourbillon des sixties

  • COUP DE CŒUR POUR LA LOTUS ELAN

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     Il est des voitures qui provoquent d'authentiques coups de cœur.

    Je ne parle pas des monospaces diesel ni des boites à déplacer les passagers et le contenu du caddie à 35 km/h de moyenne en ne consommant pas plus de 3 litres au 100. J’évoque ici les vraies voitures conçues avant les chocs pétroliers et l’autophobie galopante pour apporter du bonheur à leurs conducteurs.

     En ce qui me concerne, la Lotus Elan des sixties fait partie de ces machines merveilleuses qui ont marqué l’histoire automobile. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi. Sans doute un peu parce que quand j’avais 10 ans 1/2 en 1965, j’avais lu dans un magazine – sans doute le Cahier compétition de l’Automobile – que Jim Clark en possédait une. Jim Clark était alors ma référence en matière de course automobile.

     

    A cette époque, j’habitais à Lanester, une commune qui touche Lorient dans le Morbihan. Objectivement, je n’ai jamais vu une Lotus Elan dans les rues de la ville, pas plus qu’à Saint-Malo où ma famille déménagea durant l’été 1966. Mais je voyais par contre régulièrement des photos de Lotus Elan dans les magazines. Je me souviens qu’à l’automne 1965, j’ai passé de longs moments à rêver devant la page consacrée à Lotus dans le numéro spécial de l’Auto-Journal. Je m’imaginais quelques années plus tard au volant d’une Lotus Elan…

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    Puis les temps ont changé. J’ai réalisé une partie de mes rêves automobiles en disputant principalement des courses de côtes dans la seconde moitié des années 70 et au début des années 80. J’ai aussi effectué une « pige » aux 24 Heures de Paris avec Segolen en 1988. Mais pas avec une Lotus Elan ou une machine qui lui aurait ressemblé. En côte, j’ai disputé quelques courses avec une Opel Ascona SR, puis j’ai couru avec une Golf GTI. Aux 24 Heures de Paris sur le circuit Jean-Pierre Beltoise à Trappes, Dédé et moi pilotions une Visa groupe B. Attention, j’ai pris beaucoup de plaisir à piloter ces machines. Mais il s’agissait de versions développées sur les bases de voitures de grande série, pas de bêtes nées pour le Grand-Tourisme et la course.

     

    Là, devant moi, une Lotus Elan

     J’ai vu souvent des Lotus Elan des sixties dans des épreuves de VHC, notamment au Mans Classic. Mais je n’ai vu qu’une fois cette voiture rouler sur la route. C’était en août 1981. Je passais des vacances au parfum de sports mécaniques puisque je les avais entamées par le Grand-Prix d’Allemagne à Hockenheim avant de descendre à la Course de côte du Mont-Dore. Cette année-là, je ne courais pas et j’espérais réunir un budget pour faire quelques chose en 1982, au moment où la règlementation des groupes changeait (arrivée des groupes N, A, B etc. à la place des groupes 1, 2, 3 et 4.

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     De retour d’Auvergne, je passais quelques jours dans la région lorientaise. Je séjournais  précisément au Magouer, en face d’Étel. Peu d’entre vous connaissent à mon avis et ce n’est pas plus mal car ainsi, le coin reste tranquille et relativement protégé des flots de touristes.

     A la fin d’une journée passée à Lorient et à Larmor Plage, j’allais regagner mes bases dans ma petite zone paradisiaque de landes bretonnes. Bien qu’en vacances, j’avais choisi le chemin des écoliers qui empruntait de pittoresques départementales serpentant dans les jolis paysages de mon enfance.

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     Soudain, à la sortie de Lanester juste avant le Pont du bonhomme, je la vis, là, devant loi. Une Lotus Elan des sixties ! Magnifique. Elle était décapotée. Le soleil faisait briller sa peinture marron foncé. Les sièges étaient en cuit beige. Elle était immatriculée en Allemagne. A son bord, deux jeunes de ma génération. J’avais 26 ans à l’époque. J’ai suivi la Lotus une dizaine de kilomètres. Elle suivait le même itinéraire que moi. Je me suis dit que ses passagers devaient « voyager légers » compte tenu de la taille du coffre. Mais que ne ferait-on pas pour jouir durant des centaines de kilomètres d’une telle voiture. A la sortie de Plouhinec, nos chemins se sont séparés. La Lotus a poursuivi sa route vers le Pont Leroy tandis que je tournais à droite vers le Magouer. J’ai hésité une fraction de seconde. J’ai eu envie de suivre cette formidable petite Lotus, de faire signe à ses occupants de s’arrêter, de regarder leur voiture de près, d’en discuter avec eux. A cette époque, je me débrouillais encore pas mal en Allemand (depuis, j’ai l’impression d’avoir tout oublié). Mais en 1981, les années scolaires n’étaient pas si loin. J’avais présenté Allemand première langue au bac – en 1973 - et j’avais tiré un 17. Alors, je me sentais tout à fait capable d’échanger avec des Allemands sur leur voiture. En plus, des gars qui roulaient en Lotus ne pouvaient pas être mauvais.

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     Puis je me suis dit que je n’allais pas les déranger et je les ai laissé filer. Avec le recul, je me demande si je n’ai pas eu honte de mon propre véhicule. Cette année-là, je roulais en … 505 Diesel. J’avais acheté cette voiture parce que c’était une bonne tractrice et qu’en outre elle ne coûtait pas cher en carburant. Comme je roulais beaucoup pour mon job et que je touchais des IK, la 505 était rentable. La Peugeot mazout a parfaitement rempli le rôle que je lui ai attribué durant notre période de vie commune. Je serais malvenu de la critiquer et de lui reprocher son manque de sex-appeal face à une Lotus.

     Je ne suis d’ailleurs pas certain que la Lotus Elan que j’ai suivie était une version authentique. Je me suis demandé s’il ne s’agissait pas d’une réplique car, en 1981, Lotus avait déjà cessé la production de l’Elan des sixties depuis longtemps. Mais réplique ou Lotus authentique parfaitement restaurée, elle était vraiment superbe. Un bijou mécanique !!!

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     La nostalgie des voitures des sixties et des seventies m’a inspiré un projet. En plus des aventures de David Sarel, héros récurrent d’une série de romans qui se déroulent à l’époque contemporaine, j’ai créé une nouvelle série de personnages qui évoluent durant les sixties. Le narrateur, Philippe Georjan, est un des acteurs de ces fictions qui racontent des temps forts qu’il a vécus à cette époque, lorsqu’il était adolescent. Ces épisodes se déroulent sur fond d’histoires policières. Bien sûr, l’automobile tient une place de choix dans ces tranches de vie pleines de suspense et danger. Mon personnage a la chance de se lier d’amitié avec un jeune pilote professionnel, Xavier Ferrant. Xavier aidera Philippe à se surpasser et à grandir plus vite que les autres. Er lorsque Philippe fait la connaissance de Xavier au printemps 1966, ce dernier roule en Lotus Elan au quotidien. Le cabriolet anglais s’est imposé à mon esprit comme une évidence. Xavier ne pouvait pas avoir une autre voiture;

    Modifié le 8 août 2012 :

     DES LIENS A SUIVRE :

    1964 à Larmor Plage, quelques mois avant la ,naissance de ma passion de la Lotus Elan, mais déjà des voitures emblématiques que personne n’a oubliées

    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2012/07/26/larmor-plage-1964.html

    Une fiction pas tout à fait correcte dans un univers parallèle dans lequel une Lotus Elan joue un rôle significatif à côté des héros

    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/01/14/la-lotus-elan-dans-l-univers-mecanique-de-philippe-georjan.html

     

    Thierry Le Bras

  • NOËL PRÉMONITOIRE

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    UN CONTE DE NOËL SUR FOND DE COURSE AUTOMOBILE

     

    Je m’appelle Philippe Georjan. Je suis né de la plume de Thierry Le Bras, avec mon cousin Laurent et les autres personnages des romans où nous allons apparaître. Comme le pensait  l’écrivain Serge Dallens, nous existons vraiment, dans un monde parallèle dans lequel nous allons vous entraîner à partir d’aujourd’hui.

     

    Le premier roman dans lequel nous racontons nos souvenirs épiques  s’intitule « Vengeance glacée au coulis de sixties ». Il est sorti en 2014 (eBook).

     

    Le conte de Noël qui suit se déroule quelques semaines avant cette aventure, en 1965. Nous avions un peu plus de 13 ans. Vous aimez la Nouvelle Vague, les idoles des années 60, les voitures de sport un peu folles de cette époque ? La douce nostalgie de cette période d’insouciance vous envahit parfois ? Vous vous rappelez qu’avant de devenir un adulte responsable, vous avez été un adolescent turbulent ? Ce conte et le roman annoncé  vous combleront.

    ***

    Aussi loin que je me souvienne, mon cousin Laurent et moi avons toujours été liés comme des frères jumeaux.  Nés à quelques jours d’intervalle à l’automne 1952, nous avons été élevés ensemble, il est vrai. Nos pères étaient  frères et s’étaient associés au sein d’une clinique privée à Saint-Malo. Ils avaient épousé deux sœurs qui exploitaient une librairie-papèterie à Saint-Servan.  Nous habitions dans la même maison dans le quartier du Rosais. Le dernier étage de la maison sous les toits était notre domaine. Un espace que nous partagions avec Christina, la sœur aînée de Laurent jusqu’à ce qu’elle obtienne son bac et parte suivre ses études à La Sorbonne.

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    Christina était déjà une belle femme. Très brune comme Laurent et moi, une peau mate, des cheveux longs et épais qu’elle faisait voler et tourbillonner avec une aisance de star. Contrairement à mon cousin et à moi qui étions plutôt sportifs et musclés pour notre âge, elle avait hérité d’un corps et de membres très fins. J’avais observé plusieurs fois les regards lubriques des copains lorsqu’ils croisaient Christina. Ma cousine ne laissait pas les garçons indifférents. Je faisais partie de ses admirateurs, conscient hélas que nos six ans et demi de différence d’âge et notre lien familial rendaient tout espoir impossible. Elle conduisait sa Triumph Spitfire à toute allure et pieds nus en imitant ce que faisait Françoise Sagan avec sa Jaguar. Nous étions très fiers lorsque de passage à Saint-Malo, elle nous amenait dans sa décapotable.

     

    Nous vivions une double insouciance. Celle du début de l’adolescence d’abord. Tous nos rêves deviendraient réalité. Nous en étions certains. L’ambiance de l’époque nous entretenait dans ce bonheur. Si j’évoque une période révolue, je ne remonte pas à l’âge de pierre non plus. Je ne vous parle tout de même pas du temps avant que Michel Drucker fasse de la télévision ! Le formidable tourbillon des sixties apportait un enthousiasme formidable. Demain serait meilleur qu’aujourd’hui, le doute n’était pas permis. La croissance économique règlerait tous les problèmes sociaux. La guerre au Vietnam s’arrêterait bien vite. Nous étions au cœur des trente glorieuses, fascinés par les perspectives de conquête de la lune, fous de vitesse, de voitures qui foncent en rugissant sur les routes de campagne et en faisant crisser leurs pneus à chaque virage. Les rejets de CO 2 ? Nous ne savions même pas ce que c’était. Et c’était bon de ne pas savoir.

     

    Pourtant, contrairement à la plupart de nos camarades, nous nous étions déjà heurtés à de vrais soucis d’adultes et nous avions été contraints d’agir vigoureusement pour protéger notre famille (1). Nous n’étions pas des saints et nous étions prêts à nous battre jusqu’à la mort pour préserver une existence qui nous convenait parfaitement.

     

    Nous avions compris que bien travailler au collège et ne pas poser de problèmes particuliers à la maison nous donnait tous les droits. Nous en usions sans trop abuser car nous respections tout de même des valeurs de base, mais nous profitions bien du fait que nos parents étaient trop occupés par leurs activités professionnelles  respectives pour s’occuper de nous.

    ***

    Noël 1965 arrivait.

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    Comme chaque année, certains avaient reçu leurs cadeaux en avance. Jim Clark devenait Champion du monde des conducteurs après avoir remporté six victoires durant une saison où John Surtees, Graham Hill et Jackie Stewart lui avaient fourni une superbe réplique. Non content de ses triomphes en Formule 1, le pilote écossais ajoutait les 500 miles d’Indianapolis à son palmarès. Pour conquérir cette dernière victoire, le pilote Lotus et son patron, Colin Chapman, n’avaient pas hésité à faire l’impasse sur le prestigieux Grand-Prix de Monaco qui se déroulait le même week-end que la course américaine.

     

    J’admirais énormément Jim Clark et je considère toujours qu’il fait partie des plus grands pilotes de l’histoire de la Formule 1.

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    Dans le domaine des variétés, la charmante France Gall faisait partie des enfants gâtés de l’année. Lauréate du Prix de l’Eurovision avec « Poupée de cire, poupée de son », une chanson de Serge Gainsbourg, elle voyait ses ventes de disques s’envoler. France concourait pour le Luxembourg. Nous l’aimions beaucoup. Elle irritait nos professeurs à cause d’un de ses succès précédents, « Sacré Charlemagne ». Le corps enseignant supportait mal qu’elle ait osé y qualifier l’invention de l’école d’idée folle. Nos mères ne l’aimaient pas vraiment, peut-être parce que nos pères la regardaient avec attendrissement lorsqu’elle passait à la télé. Nous nous en moquions et nous écoutions ses 45 tours , des petites galettes en vinyle noir qu’il convenait de manier avec précautions pour ne pas les rayer. Nous réglions le son aussi fort que le permettait le brave électrophone dont le haut-parleur vibrait à la limite de l’explosion.

     

    Nous adorions la sublime Sylvie Vartan qui s’était mariée avec Johnny, l’idole des jeunes, le 12 avril précédent. Johnny effectuait son service militaire en Allemagne. « La plus belle pour aller danser », « Les mauvais garçons », « Le pénitencier », « Quand tu es là » faisaient partie de nos disques préférés. Avec certaines musiques des Beatles, comme « Help », Yesterday », « Money ».

     

    Christophe chantait Aline pour qu’elle revienne. Nous plaisantions à son sujet à chaque fois que la chanson passait à la radio. « Toujours pas revenue, Aline », lançait inévitablement un de nous.  Christophe ne l’a d’ailleurs  pas encore retrouvée apparemment puisqu’il interprète toujours ce titre.

    ***

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    Nous avions passé l’âge de l’émerveillement de l’enfance. Le sapin ne nous paraissait plus immense comme ceux des premiers Noël que nous conservions en mémoire. Tout simplement parce que nous avions grandi.

     

    Nous en croyions plus au Père Noël depuis longtemps. Le 24 décembre au soir,  nous n’attendrions pas que le gentil monsieur à barbe blanche gare son traineau rouge aux rennes cabrés au-dessus de notre cheminée.  

     

    Mais Noël restait tout de même une période agréable, celle des décorations festives, des cadeaux, de vacances agréables après le premier trimestre scolaire.

     

    Cette année-là, Noël nous procurait une joie supplémentaire. Notre grand-mère maternelle ne viendrait pas. Or, nous détestions notre grand-mère. Toujours en train de critiquer nos pères et d’essayer de semer la zizanie dans les couples de nos parents Toujours mauvaise avec nous. Objectivement, nous le lui rendions bien. Mais c’était elle qui avait commencé et nous n’étions pas du genre à nous laisser marcher sur les pieds. Alors, nous nous enorgueillissions de ne jamais baisser notre garde une fraction de seconde et de toujours la traiter avec une politesse glaciale aussi exquise que blessante.

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    En décembre 1965, la maman de nos mamans était partie en croisière sur le France avec un vieil ami. Nos mères culpabilisaient car la vieille taupe avait réussi à les convaincre qu’elle se sacrifiait en passant Noël loin de ses filles chéries tant nos pères et nous étions méchants avec elle.  Nous ne comprenions pas comment son ami pouvait la supporter. Ma cousine Christina avait suggéré une explication. Elle pensait que sentant l’heure du jugement dernier approcher, le vieil homme s’infligeait l’enfer afin d’expier ses péchés et d’obtenir le pardon de Dieu. Il aspirait à gagner ainsi sa place au paradis. Christina prétendait en outre avoir rencontré Jaques Faizant dans une soirée parisienne. Le dessinateur réalisait des dessins humoristiques féroces sur des vieilles dames qu’il appelait ses Mémés. Lors de la soirée en question, il aurait raconté avoir reçu une lettre très agressive d’une habitante de Saint-Malo qui lui aurait reproché de la connaître et de s’inspirer d’elle dans ses dessins. Cette femme aurait porté le même prénom que notre grand-mère. Elle aurait réclamé un partage des droits d’auteur de l’artiste en prétendant qu’elle lui fournissait la matière de ses dessins. Ma cousine assurait que c’était forcément un coup de  notre grand-mère. Info ou intox ? D’un côté, nous savions Christina malicieuse. Mais d’un autre côté, nous considérions notre mamie grincheuse capable de ce genre d’intervention malveillante et ridicule. Le caractère énorme de l’info la rendait crédible.

     

    Si la grand-mère prenait le large, Christina passerait Noël avec nous et nous nous en réjouissions.

    ***

    J’espérais que certains des cadeaux que je recevrais présenteraient un rapport avec la course automobile, ma grande passion. Je vibrais déjà au son d’un moteur de voiture de course. Je lisais chaque mois le cahier central que le magazine L’Automobile consacrait aux compétitions. Je connaissais toutes les aventures de Michel Vaillant. Plus tard, je savais que je ferais de la compétition. Probablement pas en professionnel, mais je participerais quand même à de grandes épreuves.

     

    Laurent partageait ma passion des voitures et de la compétition. Mais il ne se voyait pas piloter. Il était donc d’ores et déjà convenu qu’il serait mon équipier en rallye. Nous commencerions avec une Cooper S, c’était décidé.

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    D’ailleurs, le Rallye de Monte-Carlo approchait. Il partirait le 14 janvier. Un superbe duel s’annonçait entre les Cooper S et les DS 21. Sans compter les velléités des pilotes de Porsche, Saab et autres Alpine A 110, R 8 Gordini, Cortina Lotus ou Ford Mustang d’arbitrer les débats. Le public s’intéresserait aussi aux Matra Jet, à commencer par celle de Henri Pescarolo et Jean-Pierre Jaussaud.

     

    Si mon cousin se voyait très bien plus tard dans le rôle de navigateur dans une Cooper S, tant que nous ne courions pas, il préférait voir les DS gagner. Il aimait les DS parce que son père, citroëniste inconditionnel, n‘envisageait même pas d’acheter autre chose que des DS 21. Une préférence qui n’était pas dans les gênes familiaux dans la mesure où le mien, frère de celui de Laurent je le rappelle, s’était converti aux voitures allemandes après sa dernière 404. A ce moment-là, il possédait une Ford Taunus 20 M TS.

     

    Le premier jour des vacances de Noël, une discussion entamée avec Laurent sur les chances respectives des Cooper S et des DS 21 dégénéra en match de catch. Presque comme à la télé avec Roger Couderc.

     

    Nous faisions du judo et nous savions tomber ce qui nous préservait en principe des blessures. De toute façon, nous n’avions pas peur de quelques bleus ni d’égratignure superficielles. Il faut se faire mal de temps en temps  pour grandir. Ce jour-là, j’ai lamentablement perdu la première manche. Laurent a réussi d’entrée un balayage du pied parfait (De Ashi Barai)  qui m’a projeté les fesses par terre sur le parquet du couloir. Là, au lieu d’essayer de m’immobiliser tout de suite, il m’a arraché  mes chaussons puis trainé  par les pieds. N’ayant aucun support auquel m’accrocher, j’ai dû subir sa domination. Arrivés au bout du couloir, il m’a lâché et j’ai essayé de me relever. Mais j’étais en chaussettes. Je glissais sur le parquet. Mon cousin en a profité pour me retourner le poignet et me plaquer contre le mur, le bras droit tordu dans le dos. Je subissais toujours, incapable d’esquisser un geste de défense efficace. Il a ouvert  la porte d’un grand  placard où nous entreposions quelques vieilleries, m’y a projeté et a fermé la  porte à clé. Il m’a laissé un quart d’heure dans le réduit obscur. Laurent ne manquait pas d’humour. Il m’a ironiquement proposé de me glisser un magazine sous la porte. Comme si je pouvais lire dans le noir.

     

    Lorsqu’il a daigné rouvrir  la porte, je lui réservais une surprise. J’avais retiré mes chaussettes et je ne glissais donc plus sur le parquet contrairement à ce à quoi il s’attendait. Je lui ai infligé une punition à la hauteur de l’offense subie.

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    A l’époque, les rencontres de catch faisaient recette à la télévision, notamment grâce à une présentation manichéenne du spectacle – un bon contre un méchant avec un arbitre un peu naïf qui ne voyait jamais les sales coups du vilain  tricheur – et aux commentaires du truculent Roger Couderc dont la voix chaleureuse et enthousiaste recréait l’atmosphère des bords des rings dans les foyers français. Grâce à lui, l’Ange blanc, le Bourreau de Béthune, Duranton et son valet ainsi que  le Petit Prince  faisaient partie des vedettes de la deuxième partie de soirée le samedi.

     

    En sortant du placard, où j’étais resté bien moins longtemps que nombre de cadres en disgrâce dans leur entreprise, je me suis précipité sur Laurent et je lui ai infligé les pires châtiments appliqués par les plus méchants catcheurs. Étranglement, massage vigoureux du cuir chevelu, massage facial, puis pour finir sauts sur la poitrine après l’avoir allongé  par terre, toutes les recettes pour faire souffrir l’adversaire y sont passées. Sans trop forcer quand même. Nos joutes sont toujours restées sportives et amicales. Nous chahutions comme tous les adolescents. J’ai d’ailleurs lu la veille du Grand-Prix du Brésil une interview de Nico Rosberg qui parlait de son ami Lewis Hamilton avec qui il courait en karting lorsqu’ils étaient adolescents. Nico rapporte que Lewis et lui partageaient généralement la même chambre d’hôtel les week-ends de course et qu’ils s’y livraient à des luttes acharnées qui m’ont rappelé mes affrontements avec Laurent.

    ***

    Chaque famille respecte certaines traditions au moment de Noël. Chez nous, il en existait deux, liées au métier de nos mères.

     

    La veille de Noël, leur librairie était prise d’assaut par ceux, toujours assez nombreux, qui achètent leurs cadeaux au dernier moment. Afin de leur éviter d’engager du personnel supplémentaire, Christina, Laurent et moi mettions la main à la pâte. Christina conseillait les clients dans le choix  des livres qui plairaient à leurs destinataires. Laurent et moi faisions les paquets cadeaux. Autant dire que personne ne chômait. La boutique fermait à 19 heures 30. Le temps de remettre un peu d’ordre et de faire la caisse, nous la quittions vers 20 heures.

     

    Dans ce contexte, il n’était pas question de réveillonner le 24. Cette année-là, Noël tombait un mardi. Nous avions travaillé de 9 heures à 20 heures le lundi en ne nous accordant chacun qu’une pause d’un quart d’heure à midi. Autant dire que nous finissions tous la journée sur les genoux.

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    Compte-tenu de cette situation, nous dînions  très simplement le 24.  Toujours une soupe de légumes, de  la viande froide avec des carottes râpées, un yaourt et des  mandarines. Nos mères affirmaient en outre que cela s’avérait bénéfique pour nos foies avant le repas de Noël, succulent mais difficile à digérer. Les libations de fin d’année constituent de violentes  agressions pour les organismes ! Le foie gras, le chocolat, le homard à l’américaine, la dinde aux marrons, la bûche de Noël (très belle mais généralement écœurante dès la deuxième bouchée)  et les autres mets associés au 25 décembre ne sont pas réputés pour leurs vertus digestives. Sans compter qu’il faut remettre ça une semaine plus tard à la Saint-Sylvestre pour célébrer dignement le passage à la nouvelle année. Encore à l’époque ne buvions-nous  que quelques gorgées de Champagne lors de ces repas pantagruéliques.  Mais une fois à l’âge adulte, lorsqu’on commence à aimer ce qui accompagne le mieux les meilleurs mets, c'est-à-dire les bons vins, les effets dévastateurs des fêtes de fin d’année s’accroissent.

    ***

    Nous n’avions pas encore fait cette expérience. Le 24 décembre 1965, nous sommes montés nous coucher d’assez bonne heure. Je n’ai pas mis longtemps à m’endormir.

     

    Mais je me suis réveillé à 5 heures 02. Je m’en rappelle encore. J’ai regardé mon radio-réveil et j’ai noté le rêve que je venais de faire sur une feuille de papier.

     

    Christina, Laurent, Christian – notre meilleur ami – et moi étions dans un stand aux 24 Heures du Mans. Il faisait nuit. Le duel Ford – Ferrari faisait rage sur la piste mancelle. Nous suivions la course à l’intérieur d’une équipe.

     

    Je rêvais de faire la connaissance de pilotes et de m’intégrer au plus vite dans le monde de la course automobile. Le matin du 25, j’ai raconté mon rêve à Laurent avant de descendre rejoindre nos parents.

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    - C’est bizarre que tu ais fait ce rêve une nuit de Noël, a réfléchi mon cousin. Si nous allons au Mans en juin prochain, nous pourrons réviser notre jugement et admettre que le Père Noël existe. Ne te fais pas trop d’illusions quand même. Nous irons au Mans un jour, plus tard, après le bac. Dès 1966, ce serait trop beau…

     

    Pourtant, contrairement à toute attente, nous sommes bien allés au Mans en 1966 (2). Donc, il faut croire au Père Noël. Laurent et moi en sommes convaincus depuis cette époque. Il ne peut pas gâter tout le monde tous les ans, mais il existe bien et il passe de temps en temps dans la vie de chacun.

     

    (1) un épisode inclus dans le premier roman où apparaissent Philippe et Laurent. Le lecteur y découvre qu’ils ne sont pas des saints. Et c’est tant mieux, parce que les saints, ce n’est pas drôle !

     

    (2) le dénouement de ce roman interviendra au bord de la piste mancelle au moment des 24 Heures du Mans 1966. Ce que ne devinent pas encore Philippe et Laurent, c’est qu’avant de profiter de la course, ils vont affronter des épreuves et des dangers particulièrement angoissants…

     

    Bonnes fêtes de fin d’année et à très bientôt sur CIRCUIT MORTEL !

    Les nouvelles publications de CIRCUIT MORTEL sont désormais mises en ligne sur http://circuitmortel.com

    NOTE MODIFIÉE LE 20 DÉCEMBRE 2016

     

    QUELQUES LIENS A SUIVRE

    conte de noël,automobile,course auto,tourbillon des sixties

    Quelques mois plus tard, Philippe, Laurent et Christian allaient vivre les 24 Heures du Mans 1966 au sein d’une écurie !  L’histoire est apportée dans  VENGEANCE GLACÈE AU COULIS DE SIXTIES, un polar vintage et automobile. Cliquez ici  pour découvrir l’ouvrage  http://amzn.to/1nCwZYd

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    LE PACTE DU TRICHEUR, un autre polar automobile que j’ai écrit pour vous dans un autre univers, celui de David Sarel :  http://amzn.to/1jAhsoF

    Cooper et DS, la lutte sur les ES  des plus grands rallyes et dans l'univers de Philippe et Laurent  http://bit.ly/1nR7R3i

    Thierry Le Bras