Il est des voitures qui provoquent d'authentiques coups de cœur.
Je ne parle pas des monospaces diesel ni des boites à déplacer les passagers et le contenu du caddie à 35 km/h de moyenne en ne consommant pas plus de 3 litres au 100. J’évoque ici les vraies voitures conçues avant les chocs pétroliers et l’autophobie galopante pour apporter du bonheur à leurs conducteurs.
En ce qui me concerne, la Lotus Elan des sixties fait partie de ces machines merveilleuses qui ont marqué l’histoire automobile. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi. Sans doute un peu parce que quand j’avais 10 ans 1/2 en 1965, j’avais lu dans un magazine – sans doute le Cahier compétition de l’Automobile – que Jim Clark en possédait une. Jim Clark était alors ma référence en matière de course automobile.
A cette époque, j’habitais à Lanester, une commune qui touche Lorient dans le Morbihan. Objectivement, je n’ai jamais vu une Lotus Elan dans les rues de la ville, pas plus qu’à Saint-Malo où ma famille déménagea durant l’été 1966. Mais je voyais par contre régulièrement des photos de Lotus Elan dans les magazines. Je me souviens qu’à l’automne 1965, j’ai passé de longs moments à rêver devant la page consacrée à Lotus dans le numéro spécial de l’Auto-Journal. Je m’imaginais quelques années plus tard au volant d’une Lotus Elan…
Puis les temps ont changé. J’ai réalisé une partie de mes rêves automobiles en disputant principalement des courses de côtes dans la seconde moitié des années 70 et au début des années 80. J’ai aussi effectué une « pige » aux 24 Heures de Paris avec Segolen en 1988. Mais pas avec une Lotus Elan ou une machine qui lui aurait ressemblé. En côte, j’ai disputé quelques courses avec une Opel Ascona SR, puis j’ai couru avec une Golf GTI. Aux 24 Heures de Paris sur le circuit Jean-Pierre Beltoise à Trappes, Dédé et moi pilotions une Visa groupe B. Attention, j’ai pris beaucoup de plaisir à piloter ces machines. Mais il s’agissait de versions développées sur les bases de voitures de grande série, pas de bêtes nées pour le Grand-Tourisme et la course.
Là, devant moi, une Lotus Elan
J’ai vu souvent des Lotus Elan des sixties dans des épreuves de VHC, notamment au Mans Classic. Mais je n’ai vu qu’une fois cette voiture rouler sur la route. C’était en août 1981. Je passais des vacances au parfum de sports mécaniques puisque je les avais entamées par le Grand-Prix d’Allemagne à Hockenheim avant de descendre à la Course de côte du Mont-Dore. Cette année-là, je ne courais pas et j’espérais réunir un budget pour faire quelques chose en 1982, au moment où la règlementation des groupes changeait (arrivée des groupes N, A, B etc. à la place des groupes 1, 2, 3 et 4.
De retour d’Auvergne, je passais quelques jours dans la région lorientaise. Je séjournais précisément au Magouer, en face d’Étel. Peu d’entre vous connaissent à mon avis et ce n’est pas plus mal car ainsi, le coin reste tranquille et relativement protégé des flots de touristes.
A la fin d’une journée passée à Lorient et à Larmor Plage, j’allais regagner mes bases dans ma petite zone paradisiaque de landes bretonnes. Bien qu’en vacances, j’avais choisi le chemin des écoliers qui empruntait de pittoresques départementales serpentant dans les jolis paysages de mon enfance.
Soudain, à la sortie de Lanester juste avant le Pont du bonhomme, je la vis, là, devant loi. Une Lotus Elan des sixties ! Magnifique. Elle était décapotée. Le soleil faisait briller sa peinture marron foncé. Les sièges étaient en cuit beige. Elle était immatriculée en Allemagne. A son bord, deux jeunes de ma génération. J’avais 26 ans à l’époque. J’ai suivi la Lotus une dizaine de kilomètres. Elle suivait le même itinéraire que moi. Je me suis dit que ses passagers devaient « voyager légers » compte tenu de la taille du coffre. Mais que ne ferait-on pas pour jouir durant des centaines de kilomètres d’une telle voiture. A la sortie de Plouhinec, nos chemins se sont séparés. La Lotus a poursuivi sa route vers le Pont Leroy tandis que je tournais à droite vers le Magouer. J’ai hésité une fraction de seconde. J’ai eu envie de suivre cette formidable petite Lotus, de faire signe à ses occupants de s’arrêter, de regarder leur voiture de près, d’en discuter avec eux. A cette époque, je me débrouillais encore pas mal en Allemand (depuis, j’ai l’impression d’avoir tout oublié). Mais en 1981, les années scolaires n’étaient pas si loin. J’avais présenté Allemand première langue au bac – en 1973 - et j’avais tiré un 17. Alors, je me sentais tout à fait capable d’échanger avec des Allemands sur leur voiture. En plus, des gars qui roulaient en Lotus ne pouvaient pas être mauvais.
Puis je me suis dit que je n’allais pas les déranger et je les ai laissé filer. Avec le recul, je me demande si je n’ai pas eu honte de mon propre véhicule. Cette année-là, je roulais en … 505 Diesel. J’avais acheté cette voiture parce que c’était une bonne tractrice et qu’en outre elle ne coûtait pas cher en carburant. Comme je roulais beaucoup pour mon job et que je touchais des IK, la 505 était rentable. La Peugeot mazout a parfaitement rempli le rôle que je lui ai attribué durant notre période de vie commune. Je serais malvenu de la critiquer et de lui reprocher son manque de sex-appeal face à une Lotus.
Je ne suis d’ailleurs pas certain que la Lotus Elan que j’ai suivie était une version authentique. Je me suis demandé s’il ne s’agissait pas d’une réplique car, en 1981, Lotus avait déjà cessé la production de l’Elan des sixties depuis longtemps. Mais réplique ou Lotus authentique parfaitement restaurée, elle était vraiment superbe. Un bijou mécanique !!!
La nostalgie des voitures des sixties et des seventies m’a inspiré un projet. En plus des aventures de David Sarel, héros récurrent d’une série de romans qui se déroulent à l’époque contemporaine, j’ai créé une nouvelle série de personnages qui évoluent durant les sixties. Le narrateur, Philippe Georjan, est un des acteurs de ces fictions qui racontent des temps forts qu’il a vécus à cette époque, lorsqu’il était adolescent. Ces épisodes se déroulent sur fond d’histoires policières. Bien sûr, l’automobile tient une place de choix dans ces tranches de vie pleines de suspense et danger. Mon personnage a la chance de se lier d’amitié avec un jeune pilote professionnel, Xavier Ferrant. Xavier aidera Philippe à se surpasser et à grandir plus vite que les autres. Er lorsque Philippe fait la connaissance de Xavier au printemps 1966, ce dernier roule en Lotus Elan au quotidien. Le cabriolet anglais s’est imposé à mon esprit comme une évidence. Xavier ne pouvait pas avoir une autre voiture;
Modifié le 8 août 2012 :
DES LIENS A SUIVRE :
1964 à Larmor Plage, quelques mois avant la ,naissance de ma passion de la Lotus Elan, mais déjà des voitures emblématiques que personne n’a oubliées
http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2012/07/26/larmor-plage-1964.html
Une fiction pas tout à fait correcte dans un univers parallèle dans lequel une Lotus Elan joue un rôle significatif à côté des héros
Thierry Le Bras
Commentaires
Bonsoir Thierry,
Il y a à coup sûr une "marque" Thierry Le Bras, je reconnaitrais ta style narratif parmis des centaines de textes. Tes articles passionnés restent une référence pou moi et c'est un plaisir que de te lire et te voir alimenter ce blog au fil des années. On a tous une voiture qui a déclenché notre passion dans notre jeunesse, et moi je me rappelle avoir eu un coup de coeur en 1993 (à 5ans) pour la mal-aimée Jaguar XJS lors d'une halte, pendant le trajet des vacances, sur l'aire d'autoroute de Montélimar. A l'époque mes parents avait une vieille Datsun Cherry 1400TS bleue de 1978, qui détonait en France avec ses retroviseurs sur les ailes avant! Et puis quand j'allais chez le concessionnaire avec ma mère (j'y allais toujours, pour prendre des prospectus des voitures) j'ai le souvenir d'avoir passé des heures assis au volant de la Honda Accord Coupe de 1989 du show-room. Pendant le temps de la révision de la Datsun, ma mère partait faire des courses et me laissait dans la Honda et me retrouvait 3h après dedans, avec l'aimable autorisation de Monsieur le patron du garage Honda Nissan Datsun Bonhomme de Caluire (Rhône Alpes)! Je jouais des heures durant avec le toit ouvrant manuel et l'odeur du plastique de mauvaise qualité et du cuir fin me reposait et me rassurait. Comme tous les garçons moi aussi j'aimais les voitures jouets mais moi je les voulais en taille réelle! :D Excellente continuation, et à très vite je l'espère!
Adrien.
Merci beaucoup pour ce commentaire, cher ami.
Quoique mal aimée, la Jaguar XJS fut une voiture d’exception équipée d’un noble V 12. Mais elle accumula des handicaps difficiles à surmonter :
- d’abord, succéder à la fabuleuse et légendaire Type E n’était pas aisé ;
- ensuite, elle fit partie des voitures nées trop tard ; la crise du pétrole de 1973 était passée par là avec ses menaces de rationnement d’essence, ses limitations de vitesse et le coup de pouce inespéré donné aux autophobes ; diésélisation du parc, banalisation de l’objet automobile, culpabilisation sociologique de son rôle dans la société…
D’autres voitures d’exception allaient voir leur carrière brisée par ce phénomène, de l’Alfa Romeo Montréal à la Citroën SM en passant par la Matra Bagheera U8 qui n’eut même pas les honneurs de la production alors qu’elle était taillée pour aller jouer avec les Porsche sur les tracés des courses de côtes, des rallyes et des circuits. J’y ai consacré une note :
http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2010/03/25/alfa-romeo-montreal-un-joyau-ne-trop-tard.html
Un peu boudée par le public, la Jaguar XJS connut des heures de gloire en compétition. Aux Etats-Unis où la fameuse N° 44 aux ailes élargies enchanta les Américains fans de monstres mécaniques, mais aussi en Europe dans les épreuves d’endurance réservées aux voitures de tourisme (groupe A). En 1984, une XJS préparée et pilotée entre autres par Tom Walkinshaw remporta les 24 Heures de Spa devant une véritable flotte de BMW 635. Les Jaguar XJS groupe A furent cependant beaucoup plus rares que les BMW 635 en compétition. Sans doute à cause de leur prix, de leur encombrement et de la politique de Jaguar. Contrairement à BMW qui encouragea des écuries privées et des gentlemen drivers à courir sur ses modèles, Jaguar ne commercialisa pas de kits de préparation et n’organisa pas de challenges des pilotes de la marque. Qu’aurait pu faire la XJS en championnat de France des circuits ou en course de côte face aux BMW ? Personne ne le saura jamais.
Pour ma part, je ne peux pas évoquer Jaguar en compétition sans penser à Mike Hawthorn, même si la victoire du pilote anglais au Mans fut aussi associée au drame de 1955. La Jaguar Type D était impressionnante. Elle fascine encore le public dans les courses de VHC. Mike Hawthorn fit quant à lui partie d’une génération de pilotes généreux, gentlemen, éloignés du formatage contemporain. Des hommes qu’on aurait aimés connaître. Aujourd’hui, Jenson Button apparaît comme un digne successeur de ces pilotes britanniques alliant éducation exquise et fighting spirit incroyable. S’il était né anglais, nul doute que Jarno Trulli apparaîtrait aussi comme un descendant de cette lignée. Je t’invite à découvrir un portrait que j’ai réalisé de Mike Hawthorn pour un autre blog :
http://confidentielpaddocks.over-blog.com/article-mike-hawthorn-une-vie-de-reve-et-de-cauchemar-43343599.html
Nombreuses furent les voitures qui m’ont séduit quand j’étais gamin puis adolescent : la Lotus Elan, la Cobra, la Cortina Lotus, la Mercedes Pagode, la Cooper S, la Marcos, le cabriolet Fiat 1500 des années 60, la Porsche 911, la Berlinette Alpine, les coupés Alfa Bertone, la BMW 2002, l’Opel GT… Et deux coupés lift-back japonais qui se frottèrent au monde de la course : la Honda S 800 et la Toyota 2000 GT des sixties. Il faudra que j’en parle sur le blog.
Amitiés,
Thierry