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  • UNE TRACTION CITROËN AU TOUR DE FRANCE AUTOMOBILE

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    Citroën est dans la course ! Ce n’est pas encore une des Xsara, ni C4 WRC de notre Sébastien Loeb national, ni la DS 3 qu’il pilotera en 2011, mais une bonne vieille traction conduite par des gentlemen drivers.

    Quand je commençais à faire de la course de côte, un copain de fac avait restauré une superbe Traction noire. Il m’avait fait l’amitié de me la faire essayer. A côté de l'Opel Ascona 19 SR et de la Golf GTI groupe 1, la Traction, c’était un camion ! Un vrai, plus que la Ferrari F1 à laquelle Prost attribua ce sobriquet juste avant d’être limogé par la Scuderia. Direction lourde, boite dure, comportement rétif, moteur poussif, voilà ce qu’inspirait la Traction par rapport aux voitures sportives de 1977. Sans oublier… le respect. Car à son époque, la Traction Citroën était une sacrée voiture. Je me suis souvenu de l’essai de celle de mon copain quand j’ai vu cet exemplaire dans la spéciale de Sens du Tour Auto VHC 2003, et je me suis dit que même si les performances n’avaient rien à voir avec les machines contemporaines, la piloter sur des ES de rallye, c’était du sport ! Je soulignerai en outre que cette Traction était superbement préparée et que sa robe gris métallisé la mettait magnifiquement en valeur, un peu comme une création de grand couturier sur une belle femme dont la classe repousse avec arrogance les assauts mesquins de l’outrage des ans.

    Les nouvelles publications de CIRCUIT MORTEL sont désormais mises en ligne sur http://circuitmortel.com

    QUELQUES LIENS A SUIVRE au sujet de Citroën en compétition :

     

    Une fiction humoristique pleine d’anecdotes réelles et largement illustrée dont la DS 21 est l’héroïne http://bit.ly/1nR7R3i

     

    Thierry Le Bras

  • COURSE DE CÔTE DE NEUVY LE ROY : un bon souvenir

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    Dans les deux notes précédentes, j’ai raconté des week-ends agités à la course de côte de Saint-Gouëno 1977 et au Rallye d’Armor 1979. Changement de décor et d’ambiance à Neuvy le Roy la semaine suivant Saint-Gouëno en 1977. Cette épreuve se déroula sous les meilleurs auspices, de la première montée d’essai à la dernière montée de course. Comme le dit Olivier Panis, « en course automobile, un week-end qui commence bien continue souvent dans de bonnes conditions, tandis qu’un week-end qui commence mal se poursuit souvent par des problèmes ».

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    Neuvy le Roy, c’est en Indre et Loire, à vingt-cinq kilomètres de Tours. J’aurai donc moins de supporters qu’à Saint-Gouëno, proche de mes bases rennaises et malouines. D’autant qu’une semaine plus tard, ce sera la course de côte de Montreuil sous Pérouse, tout près de Vitré, et que des amis rennais et malouins ont prévu de venir. Nous partons le vendredi soir. Guenael, son épouse Armelle et Hervé m’accompagnent. Nous embarquons tous dans l’Ascona SR - toujours vaillante après ses expériences en compétition l’année précédente - avec la Golf GTI sur le plateau derrière. Le matériel de camping et les bagages ont trouvé place dans la Golf, ce qui permet d’équilibrer les masses et de ne pas mettre trop de poids sur la flèche. Lors des longs parcours avec plateau, Guenael et moi avons coutume de nous relayer au volant. Nous avons tous les deux passé notre permis E qui nous autorise à tracter un autre véhicule immatriculé de plus de750 kg selon la législation alors en vigueur. Nous nous arrêtons dîner sur le pouce dans un routier. Il fait nuit lorsque nous arrivons à Neuvy le Roy. Nous montons donc les tentes à la lumière des phares de l’Ascona avant de partir en reconnaissance de ce tracé que je ne connais pas encore.

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    Neuvy le Roy est une piste rapide avec une longue descente. En 1976, un pilote a trouvé la mort à cette course. Il pilotait une Fiat 128 groupe 2. Les organisateurs ne sont pas en cause. Quelles que soient les précautions prises, la course automobile comportera toujours des risques. Celui qui pratique ce sport les accepte. L’accident de 1976 était dû à un problème de fixation de l’extincteur. Celui de la voiture du malheureux pilote s’est détaché lors du choc. C’est ce qui a causé la blessure mortelle. Depuis, les commissaires techniques sont plus rigoureux sur la fixation des extincteurs lors des vérifications. Et une chicane a été mise en place dans la première ligne droite afin de ralentir les voitures avant les virages de la descente.

    Tout le monde m’accompagne lors de mes montées de reconnaissance que j’effectue à un rythme de plus en plus soutenu. Ce tracé me plait. Je m’y sens à l’aise. Je suis satisfait lorsque, estimant avoir suffisamment appris pour ce soir, je gare l’Ascona SR auprès du campement et que nous allons nous coucher. Nous ne sommes qu’en septembre, mais il fait déjà frais. Nous nous en rendrons surtout compte le lendemain matin au moment de sortir des sacs de couchage.

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    Le samedi est consacré aux vérifications et à une séance d’essais non chronométrés. Quoiqu’ils n’établissent aucune hiérarchie, ils valident la connaissance du circuit et le comportement de l’auto. J’ai remarqué un large bas-côté plein d’herbe à l’intérieur d’un virage au haut du circuit. Je me dis que s’il est possible de rouler dessus, j’améliorerai sensiblement la vitesse de passage dans cette courbe, ce qui signifie un gain de temps que j’évalue à un ou deux dixièmes de seconde. Le soir, nous allons donc subrepticement vérifier si le bas-côté est propre, s’il n’y a ni trou, ni bosse, ni pierre susceptibles de déséquilibrer l’auto ou de causer une crevaison. Puis, après une séance de « jardinage » jugée satisfaisante, nous allons tranquillement dîner au restaurant. Car, comme je l’ai déjà mentionné dans plusieurs notes, les gentlemen-drivers sont généralement des amateurs de bonne cuisine. J’ai d’ailleurs intégré cette dimension des pilotes amateurs à mon prochain roman, un polar vintage, automobile et gourmand qui se déroule en 1966 sur fond de meurtres et d’arnaques. A dire vrai, David Sarel, l’avocat-pilote lorientais héros récurrent de mes romans contemporains, est aussi un fin gourmet dont le goût pour le foie gras, la côte de bœuf saignante sauce poivre accompagnée d’un Saumur Champigny à température et le Général (Colonel servi avec un galon de vodka de plus, ce qui le promeut au grade supérieur en offrant des étoiles à celui qui s’y attaque) sont bien connus des lecteurs de ses aventures.

    Le dimanche matin, ce sont les essais chronométrés. Je décide de ne pas utiliser ma botte secrète qui consiste à plonger largement dans l’accotement d’une courbe rapide pour la couper. Je la conserve pour la course, histoire de ne pas la divulguer à mes adversaires. Tout se passe bien. Je suis en tête de la catégorie et bien placé au groupe. Le pilote d’une Ford Escort 2000 RS jette l’éponge. Il ne cherche pas de fausses excuses. Il n’en a pas besoin. C’est un pilote rapide et un homme estimé et apprécié de tout le milieu. Il trouve le circuit dangereux. Il ne le sent pas. Il remet sa voiture sur plateau et rentre chez lui. Nous pensons que le souvenir de l’accident de l’année précédente est trop présent de sa mémoire. Nous comprenons tous sa décision. C’est un pilote amateur qui court pour le plaisir bien qu’il fasse partie des meilleurs de sa catégorie. Si le plaisir n’est pas là aujourd’hui, il a raison de ne pas se forcer.

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    Je déjeune très légèrement les jours de course. Comme la plupart des pilotes. Un peu de viande froide avec de l’eau gazeuse et quelques gâteaux secs me suffisent. L’après-midi commence. Les voitures du groupe 1 se mettent en place, par ordre de numéros. Les Autobianchi, Simca Rallye 2 pour commencer, les autres voitures de la classe 1300 - 1600 cm3 ensuite. Puis les 2 litres et les 3 litres. Je suis le dernier à partir dans la classe 1300 – 1600. Juste devant Thierry Nauleau, le premier à prendre le départ dans la classe des 1600 – 2000 cm3. Thierry vient de racheter l’Alfa Roméo 2000 GTV de Jacques Coquet, une figure des courses dans l’Ouest. C’est le beau-frère de Jacques Letertre, habitué des épreuves de l’Ouest avec une autre Alfa décorée aux couleurs de KB Jardin. Thierry a à peu près mon âge. Nous avons sympathisé dès les essais. Je garde un bon souvenir de ce pilote plusieurs fois revu sur des épreuves de l’Ouest mais perdu de vue depuis. Au moment de prendre le départ de la première montée, nous ne pensons pas à échanger des anecdotes sur notre passion de la course. Je suis casqué et sanglé dans ma Golf GTI, aux ordres du chronométreur qui vient de lancer la voiture qui me précède. Il va m’appeler sur la ligne de départ pour le décompte des 30 secondes. J’ai l’habitude de la procédure. Mais au lieu de me faire signe d’avancer, il croise et écarte les bras, m’ordonnant au contraire de rester sur place. Un commissaire s’approche. J’ouvre la portière. Il me dit que je peux couper le moteur. Une sortie de route vient de se produire. Le directeur de course se rend sur place. Une interruption de plusieurs minutes est à prévoir. Je sors de la voiture et j’enlève mon casque. Thierry Nauleau fait de même. Ces moments sont toujours pénibles. Tout le monde se demande si un copain ne s’est pas fait mal. Surtout ici où l’accident de l’année dernière a rappelé que la course automobile est parfois dangereuse. Je bavarde avec Thierry. Je ne sais plus précisément de quoi. Trente-trois années ont passé depuis. Je crois que nous avons parlé de son Alfa et de nos projets pour la saison suivante.

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    Les commissaires de course nous rassurent rapidement. La sortie de piste n’est pas grave. Pas de bobo pour le pilote. Il nous invite à nous préparer. La course va bientôt repartir. Nous remettons les cagoules, les casques, les gants, nous remontons dans les autos, attachons les harnais, remettons les moteurs en route. Je suis parfaitement concentré. Je sais contrôler mon émotivité (au moins depuis l’adolescence) et j’ai toujours eu une bonne capacité de concentration. Ça y est. Le décompte commence. Le starter me libère. Je sais ce que j’ai à faire. Je passe la chicane sans perdre de temps. Je franchis chaque virage comme j’avais prévu de le faire, y compris celui où je plonge très largement dans l’accotement. Contrairement à Saint-Gouëno la semaine précédente, tout se passe comme je l’ai voulu. Je m’arrête au parc d’arrivée. J’attends mon temps. Il me convient parfaitement. Premier de ma classe et provisoirement premier de groupe. Les 2 litres et les 3 litres vont arriver. Parmi eux, Jacky Ravenel et sa Commodore… Thierry Nauleau est arrivé. Son temps tombe. Il est derrière moi. C’est sa première course. Il apprend sans prendre de risque excessif. Il a raison. Il possède un potentiel certain. Ce serait dommage de casser l’auto à la première sortie. La seconde montée se déroule très bien aussi. J’améliore un peu mon temps. Finalement, je gagne largement ma classe et je termine 3ème de groupe, derrière la puissante Commodore GSE de Jacky Ravenel, un des rois de la montagne, et la Kadett GTE de Parenthoen qui est aussi dans une classe de cylindrée supérieure. Je me dis qu’en prenant plus de risques, j’aurais peut-être pu aller chercher Parenthoen, mais il ne faut pas oublier que le mieux est l’ennemi du bien.

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    A la remise des prix, nous échangeons quelques plaisanteries avec Christian Debias, vainqueur au scratch avec sa Ralt F2. Christian est fortement enrhumé. Il raconte qu’au départ d’une des montées, il a éternué dans son casque et que pendant quelques secondes, il ne voyait plus grand-chose. Ça ne l’a pas empêché « d’enrhumer » ses adversaires. ! Quelques semaines plus tard, j’aurai la bonne surprise de trouver ma voiture en photo dans Slick, juste au-dessus de l’Alpine groupe 5 d’Hervé Poulain dont j’ai évoqué une des participations aux 24 Heures du Mans dans une note récente.
    (cf. dans la liste des notes récentes, colonne de droite, celle intultée « LA BMW STELLA AUX 24 HEURES DU MANS)

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    En fait, Guénael et Hervé ont rencontré un des journalistes de Slick au Mont-Dore. Il les a convaincus de mettre une pub pour le magazine sur la Golf. J’avoue avoir un peu hésité car je redoutais que cela me prive de retombées dans Échappement. Ceci dit, j’ai déjà eu les honneurs d’Échappement après ma première victoire de classe à Saint-Germain sur Ille (cf. les liens vers des articles en archive dans la note précédente). Puis j’ai accepté, trouvant le mag Slick sympathique et proche des pilotes amateurs. Slick nous a renvoyé l’ascenseur en mentionnant mon résultat à Neuvy-le-Roy. Je découvrirai l’article dans des circonstances moins jouissives que la remise des prix. Car le 1er octobre 1977 marque pour moi le départ au Service national. Pour les classes, je suis incorporé au 38ème RIT de Laval avant de rejoindre l’ESEAT à Cesson Sévigné. Et c’est un soir au foyer de la caserne à Laval que je découvre le dernier numéro de Slick au rayon presse. C’est pendant la première quinzaine des classes, celle où nous sommes bloqués au quartier. J’achète le mag et j’ai le plaisir d’y trouver ma photo. Un article qui augmente ma notoriété auprès de mes camarades de chambrée dont certains pensent peut-être que j’ai frimé et que j’en ai rajouté en évoquant ma passion de la course auto.

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    Entre Neuvy le Roy et l’incorporation, il restait deux courses, Montreuil sous Pérouse et Saumur. Deux victoires de classe dont je reparlerai un de ces jours.

    Vous pouvez également me retrouver sur http://circuitmortel.com , https://gotmdm.com/driver/ et http://polarssportsetlegendes.over-blog.com/

    QUELQUES LIENS VERS D’AUTRES SOUVENIRS (outre les deux notes précédentes) :

    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2010/01/04/les-spectateurs-sont-sympas.html

     

    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2008/09/24/thierry-le-bras-raconte-des-souvenirs-de-course-automobile.html

     

    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2010/02/19/une-pige-a-trappes.html

     

    ET VERS LA PRÉSENTATION SUR D’AUTRES SITES D’UN DE MES ROMANS POLICIERS DANS L’UNIVERS DU SPORT  AUTOMOBILE :

    http://www.ffsa.org/article.php?comite=comite12&titre_url=chicanes-et-derapages-de-lorient-au-mans&id=13352

     

    http://www.leblogauto.com/2006/10/roman-de-course.html

     

    Thierry Le Bras

  • RALLYE D’ARMOR 1979 : six spéciales et puis s’en vont

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    J’aime bien la Course de côte de Saint-Gouëno et le Rallye d’Armor. J’ai raconté dans la précédente note ma participation agitée à l’édition 1977 de la CC organisée par l’Écurie Armor. Avant de rapporter dans quelques jours une course où tout s’est bien passé, voici quelques souvenirs personnels de l’Armor 1979.

    En 1979, j’ai décidé d’axer ma saison sur le rallye. J’ai commencé la course de côte en 1976, mais je n’ai participé à mon premier rallye qu’en septembre 1978. Et encore, par accident, comme navigateur de mon ami Patrick Germain qui disputait le Point d’Alençon avec la Rallye 2 groupe 5 de Jo Busnel. Mais il n’avait pas de navigateur. Le lundi soir précédant le rallye, il me demanda donc de le naviguer. J’ai accepté dans l’atmosphère conviviale de l’apéro. Je ne pouvais pas refuser ce petit service à Patrick qui m’avait tout de suite accueilli à l’Écurie Bretagne à mes débuts en 1976 et qui m’avait aidé à m’intégrer rapidement dans le milieu du sport auto. J’ai toutefois précisé que si quelqu’un d’autre ayant une expérience de navigateur se présentait d’ici le week-end, je laisserais ma place sans problème. Personne ne se proposa. Je participai donc à mon premier rallye dans le baquet de droite de la Rallye 2. Nous avons même remporté la classe des moins de 1300 cm3 en groupe 5. En 1978, j’effectuais mon service militaire et une grosse sortie de route au printemps – quatre tonneaux terminés dans un contrebas à la fin de l’enfilade de Corcoué sur Logne - avait gâché ma saison. En vérité, j’avais cru un moment pouvoir courir le Rallye des 1000 pistes grâce à l’Armée qui prévoyait une opération avec Peugeot. Dix 104 ZS devaient courir ce rallye avec des pilotes militaires dont une majorité d’appelés. L’ESEAT où j’étais affecté avait inscrit ma candidature et, compte tenu de mon palmarès en course de côte et de mon press-book, mes supérieurs s’affirmaient certains de ma sélection au sein du groupe des dix pilotes. Hélas, le naufrage de l’Amoco Cadiz entraînerait l’annulation de "l’opération 1000 pistes ». La participation de l’Armée au nettoyage de la marée noire représenta un coût qu’il fallut couvrir par des économies sur d’autres actions. Nettoyer les côtes était plus important qu’une opération de communication par le sport automobile. Je le compris très bien malgré ma déception de perdre une chance de courir les 1000 pistes. Je ne savais pas encore qu’il me faudrait attendre dix ans pour qu’une occasion de courir sur la terre se présente à nouveau.

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    Cette photo de la Fiat 131 Abarth de Michèle Mouton et Françoise Conconi, prise par Gilles Mahé, donne une idée précise des conditions qui nous attendaient à l’Armor 1979…

    C’est donc au Côte Fleurie 1979 que je disputerai mon premier rallye en tant que pilote. Ensuite, ce serait le Touraine, épreuve de Championnat de France, puis l’Armor, comptant aussi pour le championnat. J’ai reconnu sérieusement tout un week-end avec mon navigateur, Bernard Pesnel. Je suis revenu le jeudi tout seul pour « limer » une nouvelle fois le tracé. Le hasard m’a permis de faire la connaissance de Michèle Mouton et de Françoise Conconi, engagées sur une Fiat 131 Abarth groupe 4 officielle. Elles font partie des favoris pour le scratch. Malgré leur talent et leur notoriété, Michèle et Françoise sont très simples, naturellement sympas et elles ne vivent pas dans leur bulle. Certains pilotes contemporains d’autres disciplines dont les grosses têtes moins spirituelles que celles de Bouvard entrent à peine dans les casques, dont les joues bouffies d’orgueil font penser qu’ils ruminent à longueur de journée, et dont les chevilles enflées doivent nécessiter des bottines orthopédiques, feraient bien de s’inspirer des champions et championnes de cette génération. Nous savons que le rallye sera dur. Volkswagen France débarque avec ses Golf GTI groupe 1 officielles confiées à Jacques Panciatici, François Chatriot, Yves Evrard et Sintzel. Fourquemain (sur une Golf GTI ex-Ragnotti au Monte-Carlo) va fort aussi. Guillotin ne s’en laissera pas conter. Et plusieurs autres pilotes de Golf ne sont pas là pour faire du tourisme. Je réalise que nous manquons de moyens et de temps par rapport à certains de nos concurrents. Des gars comme Panciaticci par exemple passent toute la semaine en reconnaissance. Mais si nous devons raisonnablement nous attendre à nous battre en retrait par rapport aux pilotes officiels ou semi-officiels, nous aurons au moins le plaisir de participer à la même course que les Jean-Claude Andruet, Michèle Mouton, Jean-Louis Clarr, Jacques Panciatici, Gilbert Sau, Alain Cudini, Bernard Béguin, Francis Vincent et les autres têtes d’affiche du rallye français.
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    Lorsque je reçois la liste officielle des engagés, je constate qu’un ancien camarade de classe au temps de l’école primaire (CM2 à l’école Henri Barbusse à Lanester, année scolaire 1964-1965) est lui- aussi engagé sur une Golf GTI groupe 1. L’année suivante, je croiserai un autre ancien copain de la même classe à la Course de côte de Corcoué sur Logne. Nous étions des enfants de la société automobile à la fin d’une période économiquement favorable. Nous nous saluons cordialement dans le parc fermé, mais nous n’aurons pas le temps de parler du bon vieux temps, celui où nous rêvions plus ou moins secrètement de devenir les égaux de Jim Clark, Bruce McLaren ou Jochen Rindt. Le rallye part en début d’après-midi le samedi. Il pleut des cordes. Comme au début du Touraine. Pour nous, le premier pépin survient dès la sortie du parc fermé. Plus moyen d’engager la première. Il va falloir démarrer en seconde, que ce soit à chaque arrêt sur le routier ou au départ des spéciales. La première ES s’élance en descente. Au bout de 500 mètres de course, un drapeau jaune nous invite à ralentir. Et nous découvrons la Golf GTI de mon ancien camarade d’école plantée dans un talus. L’avant est détruit. Mais le pilote et son navigateur sont debout auprès de la voiture, occupés à évaluer les dégâts. La route est hyper piégeuse. Nous sommes très souvent en aquaplaning. Ce rallye n’est pas une fête. Pas évident du tout d’aller vite en restant sur la route. Je comprends rapidement ce qui se passe. Nous sommes en pneus mixtes car nous n’avons toujours pas de vrais pneus pluie. Question de budget. Or, nos mixtes ont le Côte Fleurie et le Touraine dans les gommes. Ils sont justes pour ces conditions de pluie, et en plus, ils sont un peu usés. Autant dire que nous sommes mal. Nous en obtiendrons la confirmation cinglante dans la seconde ES avec un tête à queue dans un changement de direction. Puis plus tard, nous allons connaître une grosse frayeur dans un gauche en descente. Bernard Pesnel, mon navigateur, est un garçon calme et placide. J’apprécie sa façon d’annoncer les notes et de gérer les situations sans jamais s’énerver. Sans passivité non plus. Quand il pense que j’attaque trop, il le fait sentir. Il a sa manière d’appuyer ce qu’il annonce. Par exemple, dans un gauche qui se referme, il va dire « gauche, se referme », et s’il pense que je suis trop optimiste, il va répéter, « se referme, se referme beaucoup… » Bernard m’a bien annoncé le gauche à temps. Un virage assez rapide. Seulement, je perds l’auto au freinage. La voiture chahute, amorce un travers. Ça ne passera pas. Bernard l’a compris. Il se tait. Il y a un échappatoire, trop court et trop étroit, mais nous n’avons pas le choix. Dans une manœuvre désespérée, j’attrape le frein à main. La Golf part en toupie dans l’échappatoire. Elle s’arrête enfin. Nous avons juste fait gicler une botte de paille. Merci Saint-Christophe. Le moteur a calé. Il redémarre au premier coup de démarreur. Nous repartons. Bernard reprend la lecture des notes avec sang froid. Échaudés par notre escapade dans l’échappatoire, je pilote avec circonspection. Nous ferons encore un tête à queue sur le routier. Puis nous arrivons au départ de l’ES 6. Maintenant, l’embrayage n’accroche plus. Mais la pluie ne tombe plus. Provisoirement… En tout cas, nos mixtes sont moins en difficulté, ce qui m’incite à tenter de claquer un temps. Et là, j’en fais un peu trop, ce qui nous vaut le quatrième tête-à-queue de l’après midi. « Quand ça veut pas, ça veut pas. » Confirmation dans les kilomètres qui suivent. L’embrayage cire franchement à la réaccélération. « On n’ira pas au bout », regrette Bernard qui est mécanicien et connaît la mécanique. Nous ne sortirons même pas de la spéciale. Au bout d’une ligne droite, il faut freiner fort et rentrer deux vitesses. Une odeur de brûlé envahit l’habitacle. Nous n’avons plus d’embrayage du tout. Nous poursuivons en roue libre pour aller nous ranger dans un échappatoire, puis nous poussons la voiture avec l’aide de commissaires pour la sortir de la zone dangereuse. La Ronde d’Armor s’achève dès la première journée. Nous ne disputerons même pas l’épreuve de nuit. C’est dur le rallye. Les déceptions y sont nombreuses.

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    Nous apprendrons plus tard que Jean-Claude Andruet, pilote Fiat France comme Michèle Mouton, a abandonné avant le départ de la première ES à cause d’un court-circuit dans le coupe circuit. Même les plus grandes équipes connaissent leur lot d’aléas. Les copains qui nous faisaient l’assistance arrivent assez rapidement avec le plateau. Un autre pilote qui nous a vus arrêtés les a prévenus. Ils ne s’inquiétaient pas trop car il n’y avait pas eu d’interruption de la course comme c’est généralement le cas après une sortie de route et que, connaissant nos problèmes de sélection de boite, ils s’attendaient à ce qu’ils empirent ou à ce que l’embrayage lâche. Notamment Patrick, fils du concessionnaire Lancia et Autobianchi de l’époque à Rennes, qui était mécanicien et ne croyait pas à un Père Noël automobile sauvant la transmission jusqu’au bout d’un rallye de deux jours. La seule consolation, ce fut le soir à l’Hôtel de France à Loudéac. « Normalement, nous devrions manger sur le pouce avant la spéciale de nuit, ai-je déclaré à mon navigateur et aux amis venus nous faire l’assistance. Mais comme le rallye est fini pour nous, je ne vais plus conduire ce soir. Donc, au programme, un whisky bien tassé, et une pièce de bœuf sauce au poivre avec un Saumur Champigny ». Il fallait bien apaiser la déception. Les deux épreuves suivantes à mon programme 1979 étaient des courses de côtes, Hébecrevon et Saint-Germain (cf. photo ci-dessus). J’y remportais la classe 1300 – 1600 du groupe 1, ce qui me remit du baume au cœur après un début de saison difficile. Un nouveau sponsor apparut sur la carrosserie. Entre ces deux côtes, la Golf GTI participa aussi à un slalom aux mains de mon navigateur, Bernard Pesnel qui découvrit ainsi la joie de piloter en course et se comporta fort honorablement.

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    Thierry Le Bras