« La sortie de route, c’était le lot des voitures de sport, souligne Philippe Georjan (1). Cette Ferrari 250 GT Berlinetta 1960 a de la chance. C’est la voiture d’un collectionneur. Elle retrouvera vite le chemin des courses de véhicules historiques. J’étais adolescent à la période des sixties. Un mes copains, Christian, était fils de garagiste. Son père se spécialisait dans les VO récents et haut de gamme. Il disait toujours qu’une voiture de sport était faite pour avoir trois accidents, trois passages au marbre. Après, il fallait la vendre. Le châssis manquait de rigidité. L’assureur de mes parents émettait une opinion comparable. Il prétendait que rouler en voiture de sport, cela signifiait un accident par an. Pas forcément corporel, heureusement, mais une sortie de route.
« A cette époque, la vitesse était libre. Les contrôles d’alcoolémie supposaient un accident ou une infraction grave. La société automobile séduisait la France et le monde. Au prix de nombreux morts sur les routes, il est vrai. Mais l’insouciance minimisait la portée des drames dans la conscience collective. L’accident, ça n’arrivait qu’aux autres, au pont d’inspirer les chanteurs de variétés.
« En 1954, Boris Vian composa J’suis snob. La chanson serait reprise au cours des sixties et des seventies, notamment par Mouloudji et les Charlots. L’accident en voiture « classe » y apparaît comme un symbole d’appartenance à une classe supérieure, même si les paroles expriment une ironie féroce.
J'suis snob... J'suis snob
J'suis ravagé par ce microbe
J'ai des accidents en Jaguar
Je passe le mois d'août au plumard
C'est dans les p'tits détails comme ça
Que l'on est snob ou pas
J'suis snob... Encor plus snob que tout à l'heure
Et quand je serai mort
J'veux un suaire de chez Dior !
« L’accident n’inquiète pas davantage Brigitte Bardot lorsqu’elle interprète les paroles de Serge Gainsbourg.
Je tiens bien moins à la vie
Qu’à mon terrible engin,
affirme-t-elle avant de préciser sa pensée :
Et je me sens à feu et à sang,
Que m'importe de mourir
Les cheveux dans le vent !
« Un peu plus tard, en 1975, Michel Sardou traitera l’accident sur un ton très différent
Qu'un flic arrête les sirènes
Et que s'en aillent les hommes en blanc.
Pour moi, c'est mort : tout mon corps saigne,
Mais reste-t-il un survivant ?
…
J'espère que je n'ai tué personne.
Ma vie ne vaut pas une vie.
Mon étoile n'était pas la bonne.
Tant mieux si ce soir, c'est fini.
« Les esprits changeaient. L’insouciance laissait place à plus de responsabilité, mais aussi corrélativement à une société obsédée par la sécurité routière, policée, aseptisée, terne... Les prémices d'une France détestant ceux qui réussissent un peu mieux que d'autres, s'offrent un plaisir en récompense de leurs efforts et suscitent les jalousies haineuses des plus médiocres avides de basse normalité. »
NOTE MODIFIÉE LE 16 AOÛT 2014
(1) Philippe Georjan est le héros de VENGEANCE GLACÉE AU COULIS DE SIXTIES, LE polar vintage, gourmand automobile et humoristique. Plus de précisions et possibilité de lire gratuitement les premières pages en cliquant ICI http://bit.ly/1zmPqE6
LE POLAR tendance sixties à lire cet été !
QUELQUES LIENS A SUIVRE :
(1) Philippe Georjan est aussi le personnages de plusieurs nouvelles (gratuites) en ligne sur ce blog. Retrouvez dans :
La Baule les Pins, des émois inoubliables (une Porsche nerveuse, des souvenirs de BB, l’ambiance Birkin – Gainsbourg dans 69, année érotique...)
Clin d’œil à la R8 Gordini (en 4 chapitres)
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Thierry Le Bras