1977, l’Écurie Armor fête ses 10 ans et entend célébrer l’événement en offrant une plus grande ampleur à son rallye disputé les 27 et 28 mars sur les routes de la région de Saint-Gouëno dans les Côtes d’Armor.
Pour moi, cette épreuve représente un souvenir particulier. J’ai envisagé de m’y engager sur ma Golf GTI groupe 1. Cela aurait été mon premier rallye car si j’ai débuté la course auto l’année précédente, je n’ai fait que quelques courses de côtes avec ma vaillante Opel Ascona SR qui me servira cette année de voiture de tourisme et de véhicule tracteur. Mon projet d’Armor comme pilote ne se concrétisera pas finalement. La voiture a été livrée trop tard. Elle est chez le préparateur qui n’a pas le temps de s’en occuper. Normal, il l’avait programmée plus tôt dans son planning. La semaine avant l’Armor, il a d’autres engagements. Il se débrouillera quand même pour travailler dessus la semaine suivante et je prendrai le départ de ma première épreuve en Golf une semaine plus tard à la course de côte d’Hébécrevon. C’est donc en spectateur avec les copains qui s’occuperont fidèlement de mon assistance que je vais au Rallye d’Armor. Armé de mon appareil photo, je vais suivre les exploits des pilotes au bord de la route avec mes amis. D’entrée, je manque de m’attirer les foudres de l’épouse d’un des membres de notre petit groupe. Elle hurle soudain de terreur et manque de me faire sursauter. Tout ça parce que m’étant trompé de route pour aller voir la spéciale, je fais un demi-tour au frein à main sur le bitume mouillé. Après m’être assuré que je ne dérangerais personne bien sûr. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il existe des passagers et des passagères qui s’affolent pour un rien. Bon, maintenant, je me suis assagi. Pas moyen de faire autrement de toute façon et ma BM série 3 n’est pas faite pour ce genre de fantaisies. Mais j’avoue qu’à l’époque, je ne roulais pas vraiment en père de famille au quotidien.
Au volant de mon Opel Ascona SR groupe 1 à Saint-Germain Sur Ille en 1976
Mais faisons fi de mes anecdotes personnelles qui ne sauraient représenter le même intérêt que les exploits de pilotes comme Guy Fréquelin. Car avant de devenir le patron de Sébastien Loeb en rallye et de prendre sa retraite, Guy Fréquelin fut un sacré rallyman. En 1977, son programme comprenait les 24 Heures du Mans (sur Alpine A 442 en équipage avec René Arnoux ainsi qu’avec mon pilote préféré, Didier Pironi), le championnat de France des rallyes sur l’Alpine A 310 V6 groupe 5 et quelques autres rallyes. Au Mans, ça se passerait plutôt mal. Guy n’eut pas l’occasion de prendre le volant en course. Didier Pironi assurait le premier relais au volant de la voiture qui avait servi de laboratoire à Renault durant les séances d’essais privés. Elle prit feu dès le premier tour et Didier dut s’arrêter à Mulsanne. Guy se consolerait par contre avec le titre de Champion de France des rallyes.
A l’Armor, il faisait figure de grand favori. La réplique viendrait de la Porsche groupe 4 de Maurice Ouvière, de celle engagée en groupe 3 par Dédé Ségolen, et d’une armée de Berlinettes groupe 4 et groupe 5 menées notamment par Hervé Poulain, Christian Coeuille, Pustelnick, La Ferté, Voisin, Maurice Nusbaumer… Sans oublier les groupe 3 d’un Pierre Desilles et d’un Marcel Grué toujours en verve.
Sortie de route le dimanche matin pour La Ferté
Le rallye comptait 180 kilomètres d’épreuves spéciales. Une ES de 4,9 km à parcourir trois fois dont une de nuit le samedi et une ronde de 24 km à courir 7 fois le dimanche. D’entrée, Guy Fréquelin prend la tête des opérations. Maurice Ouvière est sorti de la route dans la spéciale de nuit après un bon début de course. Le dimanche, la pluie risque de redistribuer les cartes. La Porsche de Ségolen n’y est pas très à l’aise malgré le talent de son pilote. Les problèmes mécaniques ou sorties de route commencent à clairsemer les rangs des poursuivants de l’Alpine A 310 V6. Hervé Poulain, Maurice Nusbaumer et La Ferté ne sont bientôt plus en course. Guy Fréquelin domine toujours les débats devant Christian Coeuille et un magnifique Pierre Desilles qui ne dispose que d’une Berlinette version groupe 3 bien moins affûtée que ses rivales préparées en groupe 4 et en groupe 5.
A l’heure du déjeuner le dimanche, Fréquelin occupe la première place devant Coeuille et Désilles. L’après-midi dans l’avant-dernier passage, la pluie va s’arrêter de tomber au moment du passage des groupe 3, ce qui va permettre à Ségolen de claquer un meilleur temps scratch. Il récidivera dans la dernière ES où Fréquelin assurera. Au final, Fréquelin l’emporte devant Coeuille, Désilles, Ségolen et Voisin. Fréquelin a remporté sept spéciales, Ségolen 2 et Coeuille une.
Guy Fréquelin est satisfait de sa course et plein d’espoirs pour l’avenir, d’autant que Michel Têtu, ingénieur de Renault Sports, est présent sur l’épreuve et évoque la préparation d’une Alpine A 310 V6 groupe 4. Cette version groupe 4 permettrait à ses pilotes de disputer des grands rallyes, des épreuves du Championnat du monde au départ desquelles les groupe 5 ne sont pas admises.
Le 19 août 1977, la groupe 4 fera ses premiers tours de roues sur le circuit de Croix en Ternois aux mains de Guy Fréquelin. Michel Têtu, Gérard Larrousse, Patrick Landon et Marcel Callewaert seront présents. Dès le premier regard, la différence de taille entre la groupe 4 et la groupe 5 suscitera bien des commentaires. « Hier soir à Dieppe, expliquait Michel Têtu, on a sorti la groupe 5 devant l’usine et on les a mises côte à côte pour voir. La différence est incroyable. La groupe 4 paraît minuscule. En fait, il y a 14 centimètres de différence en largeur. Je me demande comment faisait Guy pour passer l’arrière du proto dans les virages serrés… »
La première journée d’essais s’annonce encourageante. Même si les 45 chevaux de différence au préjudice de la groupe 4 par rapport à la groupe 5 donnent l’impression d’un manque de pêche et que la voiture sous-vire car l’autobloquant n’a pas encore été monté, Guy Fréquelin boucle des tous en 1’03’’ tandis que les meilleures Porsche groupe 4 tournent en 1’00’’ sur ce tracé. « Elle est facile à conduire, pas vicieuse, analyse Guy Fréquelin. C’est important en rallye. »
Quelques jours plus tard, Guy Fréquelin et Jacques Delaval disputent leur premier rallye en Hongrie avec l’Alpine A 310 V6 groupe 4. Ils allaient remporter l’épreuve lorsqu’un court-circuit les contraignit à l’abandon dans la toute dernière spéciale.
L’Alpine A 310 V6 groupe 4 n’irait pourtant pas jouer dans cour des grands contre les Lancia Stratos, Fiat 131 Abarth, Ford Escort RS et autres Porsche Carrera les saisons suivantes. « Nous l’avons faite essentiellement dans un but de commercialisation d’un kit, annonce déjà Gérard Larrousse. C’est pour ça que nous avons recherché des solutions simples. C’est la voiture qui remplacera les Berlinettes 1800 des amateurs dans les rallyes, peu à peu. » De fait en 1978, c’est au volant de R5 Alpine groupe 2 que Guy Fréquelin et Jean Ragnotti s’illustreront au Rallye de Monté Carlo.
CARACTÉRISTIQUES DE L’ALPINE A 310 V6 groupe 5
Moteur :
Type 6 cylindres en V à 90° dérivé du PRV, bloc et culasses aluminium, vilebrequin 4 paliers.
Distribution : 2 simples arbres à cames en tête (un par rangées de cylindres), soupapes commandées par culbuteurs.
Cylindrée : 2.849 cm3
Alésage course : 91 x 73 mm
Puissance maxi : 270 ch entre 7.200 et 7.500 tr/mn
Couple maxi : 26 mkg entre 5.000 et 6.000 t/mn
Rapport volumétrique : 11 à 1
Alimentation : 2 carburateurs triple corps inversés Weber 46 IDA 3 C
Lubrification : graissage par carter sec
Refroidissement : par carter d’eau placé à l’avant
Le radiateur d’huile moteur est également à l’avant. Tous deux sont de marque Chausson.
Vitesse maxi : selon rapports utilisés
Transmission :
Embrayage bi-disque
Boite de vitesses : ZF à 5 rapports
Pont : 8 x 42 autobloquant
Châssis :Types : tubes et tôles
Carrosserie : polyester fibre de verre
Dimensions :
Empattement : 2,27 m
Voie AV : 1,46 m
Voie AR : 1,57 m
Longueur : 4,18 m
Largeur : 1,90 m
Hauteur : 1,12 m
Pneumatiques : Michelin Racing 20/59 x 15 AV et 29/61 x 15 AR
Jantes : 8x15’’ AV et 12x15 AR
Poids : 956 kg
Direction :
A crémaillère Gemmer
Freins :
A 4 disques ventilés, double circuit par maître cylindre tandem
Suspension :
A 4 roues indépendantes par ressorts hélicoïdaux et amortisseurs télescopiques Bilstein. Barre anti-roulis AV et AR.
Éclairage : 2 code/route et 4 longue portée Cibié
Capacités : essence 2 réservoirs Super-flexit centraux de 60 litres chacun
Divers :
Admission moteur par prise aérodynamique latérale.
Sécurité : extincteur habitacle 5 kg et moteur 2,5 kg à commandes intérieures et extérieures, arceau cage, harnais 6 points.
Texte et photos (sauf celle de l’Ascona SR) :
Thierry Le Bras
Une petite précision :
Ironie du sort, Renault se fait épingler dans une affaire de fraude gravissime au moment où je m’apprête à mettre en ligne 5 textes évoquant des modèles de la marque à l’époque des sixties et des seventies. Hasard encore, les prochains textes parleront d’une sale affaire de triche dont sera victime un jeune pilote honnête jusqu’au bout des ongles. Il s’agira d’une fiction réaliste largement illustrée de photos de R8 Gorde, de 12 Gorde et de Berlinettes.
L’issue sera bien différente de la parodie de justice sportive que nous a offerte le Conseil mondial cette semaine. Lorsque que j’ai écrit ces textes, mon but était simplement de rappeler des modèles attachants et des pilotes de talent qui choisirent de défendre la marque au losange, qu’ils aient été professionnels de grand talent, gentlemen drivers confirmés ou amateurs pleins d’espoirs. A l’époque, Renault misait sur des pilotes loyaux et honorables. La firme ne laissait pas les clés de la maison à un Franck Nitti grand exterminateur de toute une génération de pilotes français (n’est-ce pas messieurs Sébastien Bourdais, Franck Montagny, Loïc Duval ...), Personne n’aurait d’ailleurs admis que Jacques Cheinisse ou Gérard Larrousse offrent des courses truquées sur plateau de dés pipés à un Al Capone sot qui plante un fer dans l’dos du sport automobile que nous aimons tant. Voilà, c’était mon coup de gueule de la semaine tant la pantalonnade du Conseil mondial m’a choqué. Je la trouve insultante à l’égard de tous les pilotes amateurs qui ont subi des sanctions pour des fautes légères, voire parfois de simples erreurs involontaires.
A dire vrai, elle m’indigne mais ne me surprends pas. Elle est si conforme à la manière dont la FIA géra l’affaire du Stepney Gate. La même finalité a dicté les choix de la justice sportive. Les deux affaires présentaient un point commun, ou plutôt un homme commun il est vrai. De là à conclure que les sanctions de la FIA sont à la tête du client et que tous les pilotes ne sont pas égaux devant la loi du sport, il n’ya qu’un tour de roue qu’il est impossible de ne pas franchir.
Enfin, pour essayer de conclure sur une note d’humour cynique, je rappellerai qu’au début de la saison 2009 sur Europe 1, Flavio Briatore avait déclaré que Fernando Alonso resterait chez Renault car il savait que l’herbe y était plus verte pour lui qu’ailleurs. Ce n’est plus un scoop. Maintenant nous aussi on sait à quel point l’herbe était plus verte chez Renault qu’ailleurs pour le petit toro !
Commentaires
Bonsoir,
Autant le talent et la simplicité de Guy Fréquelin, présent au Mont-Dore 2009, m'ont impressionné, autant je me désintéresse progressivement de la F1 qui ne m'apporte plus aucune sensation de plaisir. Poker menteur, dés pipés, exit le panache...la F1 mériterait de disparaître ou, tout du moins, de baisser d'un ton ses séances d'exhibitionnisme et de provocations déplacées.
Bonjour,
J’apprécie également beaucoup Guy Fréquelin depuis le début de sa carrière. Je lui avais d’ailleurs consacré une note au moment de l’annonce de sa retraite :
http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2007/12/05/le-grizzli-vous-salue-bien.html
Concernant la F1 d’aujourd’hui par contre, elle me déçoit aussi. Spy Games, Crash-Gate, racisme, opérations coordonnées avec des médias pour essayer de détruire des pilotes (Lewis et Kimi), championnats manipulés, parodies de justice sportive pour essayer d’exclure la tête de turc de certains (Lewis p. ex.) et octroyer un droit institutionnel de tricher à d’autres. La F1 des dernières années, c’est un peu le reflet de la société Secret Sory : trucages, apparences, mensonge en vidéo… Si les autres sports s’étaient alignés sur la philosophie de cette F1 d’aujourd’hui, Mike Tyson aurait été félicité d’avoir mordu les oreilles d’Hollyfield, Ben Johnson aurait été félicité par sa fédération, Tonya Harding serait devenue la protégée du patinage mondial et aurait représenté les US aux Jeux Olympiques, Floyd Lendis n’aurait jamais été déclassé du Tour de France, et Roland Courbis serait président du Conseil constitutionnel.
Heureusement qu’il reste des pilotes attachants en F1, même si certains ne correspondent pas aux critères des télés qui se repaissent de secret stories, même si une journaliste d’un grand magazine se plaint qu’un pilote discret ne donne pas assez aux journalistes (qu’attend-elle exactement cette dame ???), même s’il faut tempérer les commentaires de la presse officielle à l’aulne de ses partenariats financiers avec une écurie et ses sponsors. Alors merci Kimi, Felipe, Nico, Jarno, Sebastian, Jenson, Rubens, Lewis, Nick, Giancarlo…
Merci,pour cet article,a chaque phrase,l'on ressent,le puriste qui a écrit ces mots.Hélas,cette époque,notre passion pour la course"a la Française"n'est plus que souvenirs pleins de nostalgie.Ou sont les "BEAUX DIMANCHES",de Montlhéry,MAGNY-COURS(ancien tracé),les coupes de Paques a NOGARO etc......
Je ne regarde plus la F1,le duo de Brittons,et le BRIATORE,meilleur dans VOICI,ou GALA;que dans SPORT-AUTO,l'on tuée.Finies,les belles sport/prot.Des moments,comme les bras de fer P.RODRIGUEZ/J.SIFFERT;ou
R.ARNOUX/G.VILLENEUVE,cela n'existe plus.
J'ai tellement la nostalgie,qu'aprés mon pélerinage a DUNS,puis BOUCHERVILLE,je pars bientot pour:BALCARCE,SAO-PAULO et MEXICO.
Je vous raconterai,a mon retour.
Salutations Sportives. JP
Tout simplement magnifique, c'est auto nous a fait rêver !