Didier Pironi et Alain Colas, deux champions qui, à la réflexion, possèdent de nombreux points communs et connurent des trajectoires parallèles.
Et pas seulement la notion de pilotage applicable tant aux monoplaces qu’aux voiliers de course, comme le fait observer Laurent Bourgnon qui, comme ses confrères, qualifie les multicoques de F1 des mers !
LA PREMIÈRE MARQUE DU DESTIN
L'injustice de l'accident frappe Alain Colas pendant le week-end de la Pentecôte 1975. Une sortie tranquille avec quelques journalistes, des copains et la famille. Le vent est faible, la mer calme, rien de fâcheux ne semble pouvoir se produire. La décontraction gagne l'équipage. Arrivé en vue du quai de La Trinité, Alain Colas remarque que la foule a envahi le rivage et attend son retour. Il ne s'attend pas à un pareil accueil. Afin de remercier le public, de lui témoigner sa sympathie, il décide d'offrir aux spectateurs présents l'image de Manureva entrant dans le port sous voiles.
Mais Lorsqu'il donne l'ordre d'affaler la grand voile, celle-ci refuse de descendre. Manureva (nouveau nom de l’ex Pen Duick IV) s'approche dangereusement des bateaux au mouillage dans le port. Son défaut de maniabilité interdit toute manœuvre de virement de bord. Alain Colas confie la barre à un équipier, court vers l'avant et jette l'ancre dans le but de stopper la machine. « Ce jour là, en raison de la décontraction régnant à bord, les procédures de préparation du bateau n'ont pas été respectées, me racontera Maurice Hérat, un de ses équipiers, quelques années plus tard. Le bout de l'ancre a été lové à l'envers. Une boucle se forme autour du pied d'Alain. Le cordage entraîné par le poids de l'ancre se transforme en scie, labourant les chairs, puis l'os. L'ancre se plante dans la vase, le bateau s'arrête, mais le pied de son skipper est pratiquement arraché. Alain Colas lutte pour ne pas perdre connaissance et coupe lui-même le cordage qui emprisonne son pied. Il trouve encore la force de demander à ses équipiers d'annoncer l'accident à sa famille avec précautions, et de prévenir les sponsors qu'il poursuit le projet de construction de son monocoque géant. »
SUR TERRE COMME SUR MER
En août 1982, Didier Pironi se montre de plus en plus confiant en ses chances d'obtenir le titre de champion du monde des conducteurs. Certes, il sait que tout peut encore se produire; il l'a d'ailleurs mentionné lors d'un "Grand Echiquier" que Jacques Chancel lui a consacré. Lors de la première séance d'essais du Grand Prix d'Allemagne à Hockenheim, il réalise le meilleur temps sur une piste sèche. Le lendemain matin, 7 août, des trombes d'eau s'abattent sur le circuit. C'est dans les conditions de course les plus difficiles que l'on reconnaît les authentiques champions. Lorsque Didier prend la piste, il réalise un véritable festival sur une piste détrempée, inscrivant sa Ferrari dans de longues glissades des quatre roues qui enthousiasment les spectateurs admiratifs devant tant de maîtrise.
Soudain, roulant à une vitesse de 280 kilomètres heure, Didier Pironi rattrape un pilote plus lent. Le nuage d'eau soulevé par la voiture qu'il va doubler masque la Renault de Prost progressant à très faible vitesse (Prost n'a jamais aimer piloter sous la pluie). Lorsqu'il la voit enfin, il est trop tard. La Ferrari s'envole, puis s'écrase en retombant sur le sol. Les jambes du pilote sont broyées et les artères sectionnées. Le spectacle est si abominable que Nelson Piquet manque de s'évanouir en découvrant l'état de son camarade. Pourtant, coincé dans les débris de sa Ferrari, Didier Pironi lutte encore, comme l'a fait Alain Colas lors de son accident à La Trinité. Les médecins veulent l'amputer sur place. Resté conscient malgré la douleur, il s'y oppose et leur demande de sauver ses jambes. Ils suivent ses recommandations sans grande conviction. Didier Pironi ne sera pas champion du monde des conducteurs en 1982. Il termine cependant second du championnat - à 5 points seulement de Keke Rosberg, et devant Prost - quoiqu'il ait manqué les cinq derniers Grands Prix.
A la fin de la saison 1982, Didier reçoit un cadeau d’Enzo Ferrari. Il s’agit d’une statuette en bronze représentant le Cheval cabré. Une inscription lui donne une valeur particulière : « A Didier Pironi, le vrai champion du monde. » Il apprécie la valeur symbolique du geste et l’estime du Commendatore. Mais il ne se fait pas d’illusions sur ce que retiendra l’histoire. « Je me rends bien compte qu’en dépit du titre moral que l’on m’a amicalement décerné, le vrai champion du monde est Keke Rosberg, pas Didier Pironi. Et c’est tout à fait normal… »
Thierry Le Bras
A suivre
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Didier Pironi, le petit prince de la vitesse, le site de Jan Möller, très intéressant, très complet, très bien illustré :
http://www.didierpironi.net/index2.htm
Je signale dès à présent que Jan est aussi l’auteur d’un ouvrage de référence sur Didier :
Didier, Dreams and Nightmares
Éditions Mercian
(cet ouvrage est écrit en langue anglaise – il est disponible en France à la Librairie du Palmier)
Je mentionnerai à la fin de cette série d’articles une très bibliographie complète concernant Didier.
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Les fictions dans l’univers à la fois passionnant et cruel du sport automobile vous passionnent ? Retrouvez les dans les romans de Thierry Le Bras qui racontent les aventures de l’avocat-pilote David Sarel. Didier Pironi est cité dans les deux ouvrages dont les références suivent car il représente pour le personnage principal une référence et un modèle à suivre :
« Circuit mortel à Lohéac » et « Chicanes et Dérapages de Lorient au Mans » sont publiés aux Éditions Astoure (diffusées par Breizh).
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