et dévoile une technique de dissimulation du crime parfait
Le docu-fiction constitue une manière d’aborder des problèmes graves en évitant les développements rébarbatifs pour les non-initiés.
David Sarel est le héros de nouvelles et romans policiers. Il exerce la profession d’avocat. Il s’est senti très concerné par le débat ouvert au début de l’année 2007 sur la réglementation du sort des cendres. Pour des raisons personnelles. En effet, comme le savent les lecteurs des Aventures de David Sarel,(1) Grégoire, le père du héros des romans de Thierry Le Bras a été achevé sur son lit d’hôpital par sa seconde épouse, l’immonde Soizick Pierret, plus connue sous le sobriquet « la morue » qui lui va comme un gant. Une fois son crime accompli, la morue fit incinérer au plus vite le corps de son mari et en dispersa les cendres dans la nature afin de détruire les preuves de sa culpabilité.
Cette triste histoire soulève une question délicate. L’absence de réglementation du sort des cendres après incinération ouvre-t-elle un espace d’impunité au crime parfait ? Dans le docu-fiction qui suit, David Sarel aborde ce problème juridique lors d’une interview télévisée accordée au journaliste Sébastien Ménier (personnage récurrent de ses aventures). L’interview a eu lieu avant le vote de la loi du 19 décembre 2008 portant des dispositions relatives au sort des cendres après crémation
Voici le texte de cet entretien :
Sébastien Ménier : Selon les statistiques du Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire (plus précisément la Direction Générale de la Police Judiciaire), le taux d’élucidation des homicides en 2004 fut de 81,20%. Mais il convient de préciser que cette statistique ne concerne par définition que des affaires connues ayant donné lieu à l’ouverture d’une enquête. Or, il existe des crimes non révélés, même si un doute subsiste chez certains proches de la victime. Tu t’inquiètes d’un cas de figure qui offrirait une véritable ouverture au crime parfait ?
David Sarel : Je crains fort que la liberté de disposer librement des cendres d’un défunt après sa crémation n’offre l’impunité à certains meurtriers.
Imaginons un malade du cancer ou une personne âgée, quelqu’un de déjà affaibli. S’il décède plus vite que prévu, il est probable que le permis d’inhumer sera délivré sans analyse toxicologique ni autopsie, les médecins croyant à une dégradation rapide de l’état de santé du défunt. Si un proche lui a administré des doses mortelles de tel ou tel produit, a fait incinérer son corps très rapidement puis dispersé ses cendres dans la nature, la preuve de l’empoisonnement deviendra délicate à apporter.
L’état actuel du droit positif permet la crémation et la dispersion des cendres avant que tous les membres de la famille soient prévenus et aient le temps de réagir en demandant éventuellement une autopsie.
Sébastien Ménier : S’agit-il de cas d’école ou de situations courantes ?
David Sarel : Il existe des contextes familiaux difficiles, où le malade ou la personne âgée se trouve isolé d’une partie de ses proches par la pression pas toujours innocente d’un autre membre de la famille. Cette situation ne relève pas de la fiction. Tout comme l’hypothèse de la volonté de la famille présente d’empêcher le malade ou la personne âgée d’entrer en contact avec ses autres proches. Souvent, de sordides questions d’intérêts expliquent ces situations anormales.
Sébastien Ménier ; Tu penses à des situations particulières ?
David Sarel : Bien sûr, particulièrement les familles recomposées et les derniers conjoints cupides. Des jeunes femmes, employées subalternes, qui ont réussi à faire divorcer leur patron ou un client de leur boite après avoir été leurs maîtresses puis leurs concubines, les ont séparés de leurs enfants après les avoir fâchés avec leurs premières épouses, entendent bien rentabiliser… comment dire, leur investissement affectif, euh… ou plutôt… personnel. Bon, avec le phénomène des femmes couguars, des jeunes hommes cupides et peu reluisants vont les imiter, je pense. Le dernier conjoint a isolé son bienfaiteur et fait le plein d’assurances vie, de cadeaux, d’avantages divers. Quand leur proie est malade, proche de la mort, ces créatures redoutent que le père ou la mère séparé de ses enfants éprouve le besoin de se faire pardonner et de les revoir. La cupidité des pirates de patrimoines leur fait redouter un acte de générosité du mourant envers ses enfants, ou une révision du testament, ou des révélations quant aux dissimulations financières. Là, la tentation d’éliminer le conjoint bienfaiteur devient forte, sachant que les hôpitaux qui n’aiment ni les scandales ni les ennuis ne sont pas très regardants sur la délivrance des permis d’inhumer. L’abus de calmants ou l’oreiller deviennent aisément des armes mortelles.
Sébastien Ménier : Que peuvent alors faire les membres de la famille tenus à l’écart ?
David Sarel : Une fois les cendres du défunt dispersées, les proches écartés éprouveront de grandes difficultés à prouver l’acte criminel contre le défunt.
Il existe toutefois des possibilités pour de bons juristes suffisamment patients et déterminés. Le tueur risque les Assises. En France, les jurés se prononcent en vertu de leur intime conviction. Si le membre de la famille réussit à collecter un faisceau d’indices et de présomptions concordants suffisamment convaincants, il existe une possibilité que la plainte soit instruite. Le renvoi de la personne suspectée devant une cour d’assisses devient alors vraisemblable. La procédure pénale accorde dix ans aux membres de la famille qui doutent de la cause naturelle de la mort pour y parvenir, soit une durée assez longue pour étayer un dossier.
Sébastien Ménier : Voilà une solution intéressante mais réservée à des parents très acharnés, plutôt aisés, et conseillés par d’habiles juristes. Suggères-tu une autre solution plus simple ?
David Sarel : Tant qu’une nouvelle loi n’est pas votée, les parents suspicieux en seront réduits à cette solution qui nécessite en effet de la patience, le recours à des agents d’investigation – ce qui génère des frais, des spécialistes de la communication judiciaire, et la constitution d’un dossier finalisé par un avocat pénaliste.
Pour l’avenir, je suggère d’imposer la conservation des cendres au crématorium pendant au moins un mois avant leur dispersion. Cela laisserait la faculté aux proches non prévenus à temps d’obtenir au moins une analyse des cendres. Elle permettrait de déceler certains empoisonnements.
Souhaitons que la réforme du régime juridique des cendres réclamée par les sénateurs Jean-Pierre Sueur et Jean-René Le Cerf intègre cette problématique.
NOTE MODIFIÉE LE 10 SEPTEMBRE 2014
Depuis la première rédaction de cette note, la loi sur le traitement des cendres a été modifiée. Elle marque certes un progrès, mais la crémation peut toujours être décidée par un conjoint, même un dernier conjoint, sans que tous les descendants, y compris ceux des premiers lits aient été prévenus. La crémation peut donc encore constituer la technique idéale pour masquer un meurtre. D’autant que si les cendres ne peuvent plus être conservées dans un lieu privé, i reste possible de les disperser en pleine nature à condition que la déclaration soit faite au maire de la commune qui doit inscrire sur un registre tenu à cet effet l’identité du défunt, la date et le lieu de dispersion des cendres…
Pour ma part, je travaille actuellement à la rédaction d’un ouvrage sur les héritiers lésés. Cela m’amène à aborder l’abus de faiblesse, des techniques de délinquance astucieuse et même le meurtre. Au-delà de la simple rédaction du livre, j’entends sensibiliser le public et les politiques à ces questions, y compris les insuffisances de la législation sur les crémations et le sort des cendres. J’adresse des dossiers à tous les politiques influents. Des pétitions sont aussi programmées. Je relaierai toutes ces démarches, les réactions, réponses et résultats sur Tweeter.
QUELQUES LIENS A SUIVRE
Quelques précisions sur mes travaux relatifs aux crimes et délits de conjoints cupides et sans scrupules
http://polarssportsetlegendes.over-blog.com/article-maratres-detournements-et-petits-meurtres-110748178.html
Une recette de crime parfait
http://bit.ly/P5kjFD
David Sarel, héros de nouvelles et romans quelques années plus tôt :
* dans un roman dont l’action se déroule pendant un rallye : http://0z.fr/JHYvp
* dans le cadre d’un déjeuner aux saveurs douces – amères : http://bit.ly/1juLvyH
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Thierry Le Bras