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DURES LOIS DU CROSS

Une histoire de moto qui déroge un peu aux usages sur ce blog. Je ne résiste pas à l’envie de vous raconter l’histoire de ce texte. Il fut ma première publication en 1973. Lorsque le livre dans lequel il est paru est sorti, je préparais le bac.

 

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 Fin juin 1972. je viens de passer le bac de Français. C’est ma matière préférée et j’attends les résultats avec confiance. Je découvre sur le magazine CHAMPION qui traite de course automobile mais aussi de moto que les Éditions GAUTIER – LANGUEREAU organisent avec CHAMPION un concours de nouvelles réservé aux jeunes. GAUTIER – LANGUERAU édite la Série 15, des recueils de 15 histoires courtes au dénouement rapide, et prépare la publication de 15 HISTOIRES DE MOTOS. L’éditeur retiendra les 15 meilleures nouvelles qui seront sélectionnées par un jury comprenant, si je me rappelle bien, des membres de son comité de lecture et des journalistes de CHAMPION. Les textes sont à envoyer au mois de juillet. Je suis déjà passionné de sports mécaniques. Je ne peux pas laisser passer une telle occasion. Je me lance dans la rédaction de DURES LOIS DU CROSS. A l’automne, je reçois une lettre m’annonçant que je fais partie des 15 lauréats. Génial. Chacun remporte un chèque de 1.000 Francs (pas si mal à l’époque) et 15 livres à choisir parmi la collection Série 15.

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L’ouvrage 15 HISTOIRES DE MOTOS paraîtra au premier trimestre 1973. Les photos qui illustrent le texte ici sont personnelles (à l’exception du prospectus de moto de cross) et ne figuraient pas dans le livre. Je les ai prises à une concentration à Rennes au printemps 1973 et au motocross de Dol de Bretagne en août de la même année. Des photos de motos devenues Vintage.

 A l’époque, j’ai signé mon texte sous un pseudonyme. D’une part, je ne voulais pas indisposer mes professeurs.  Je me suis dit que si l’un d’entre eux l’apprenait et qu’il galérait pour se faire publier, il pourrait en concevoir une certaine antipathie à mon égard. En outre, je ne voulais pas que mes camarades de classe sachent que j’avais déjà publié. J’étais assez fier de participer à un livre qui arrivait en librairie l’année de mes 18 ans, avant même d’entrer en fac, mais je ne tenais pas à exciter inutilement des jalousies… J’ai donc signé de mon deuxième et de mon troisième prénom légèrement ré-orthographié, Georges Jan.

 Bonne lecture !!!

 

Une semaine avant les épreuves du baccalauréat, Gérard Morault réfléchissait à la manière dont il construirait un devoir sur la liberté, sujet courant en philosophie. Cet examen marquerait la fin de sa vie de lycéen, et, s’il l’obtenait, il pourrait commencer l’année suivante des études de médecine. Pourquoi désirait-il choisir cette voie ? Généreux et idéaliste, comme beaucoup de jeunes, il voulait appliquer son énergie, son endurance et son intelligence à la tâche la plus utile à l’homme : conserver la vie, en la soignant et en la cultivant comme le jardinier cultive une fleur rayonnante et délicate.

 

Une raison supplémentaire stimulait Gérard. S’il réussissait, son père lui offrirait une moto 125 cm3, et il lui permettrait même, malgré la réticence bien compréhensible de sa mère, de participer à quelques motocross. Gérard s’était d’ailleurs déjà entraîné au motocross, sur le vélomoteur qu’il possédait depuis plusieurs mois et sur des engins plus importants que lui prêtaient parfois des camarades.

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 D’où lui était venue cette passion de la moto ? Son père, garagiste, amoureux de toutes les belles mécaniques, en était inconsciemment responsable, disait sa mère. Il est vrai qu’ils appartenaient tous deux au petit monde de ceux pour qui le ronronnement d’un moteur bien réglé ou encore le crissement des pneus lors d’un dérapage contrôlé est la plus belle musique du monde. Depuis qu’il avait su marcher, Gérard avant vécu dans l’atmosphère du garage, si bien que maintenant la mécanique n’avait plus de secret pour lui. Il comprenait, aimait, soignait un moteur avec la patience indispensable à une bonne mise au point.

 Cet acharnement et cette patience sont aussi le secret de la réussite aux examens, ce qui tendrait à prouver aux ennemis du sport motocycliste que la moto n’est pas un sport de brutes ou de jeunes voyous comme ils le prétendent, mais une école de courage au même titre que l’athlétisme, la natation et le cyclisme. Pour obtenir son diplôme, Gérard puisait maintenant dans les ressources de courage apprises lors de son apprentissage de la moto.

***

Pour Gérard, les épreuves du bac s’étaient bien déroulées. Ni le sujet de philosophie, ni celui de maths, ni celui de physique ne l’avaient fait trébucher. Il était donc confiant et, dans l’attente du résultat, se permettait même quelques regards sur les catalogues spécialisés pour fixer son choix.

 

Les motos sont toujours présentées sur des des fonds noirs ou aluminium contrastant violemment avec la couleur claire de la machine, à moins que le constructeur n’ait choisi une magnifique photo en contre-jour qui se grave dans la mémoire sans qu’on n’y puisse rien. Le palmarès sportif impressionne toujours, lui-aussi, le jeune acheteur. Pourtant, les caractéristiques techniques et les essais sont les seuls éléments qui permettent de choisir judicieusement celle qui sera la compagne fidèle de tant d’aventures… Ceci étant, il est encore difficile de se décider car il n’y a pas ou peu de mauvaises machines. S’il existe des personnes mécontentes de la moto qu’elles ont choisie, c’est le plus souvent parce qu’elle ne correspond pas à l’usage qu’elles en font.

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Gérard connaissait tous les pièges qui guettent l’acheteur d’une moto et c’est pour cela qu’il apportait tant de soin à son choix. La performance lui apparaissait – n’oublions pas qu’il voulait courir – comme l’un des facteurs déterminants mais elle ne devait pas être acquise aux dépens de la robustesse ou de la sécurité.

 Gérard en était là de ses réflexions lorsqu’il apprit les résultats de son bac : reçu avec la mention « bien ». Il passa tous les jours suivants à essayer des motos de cross ou de trial. Il se décida finalement pour une Yamaha 125 cm3 de trial à cause de sa nervosité, de sa robustesse et de sa conception fonctionnelle. Toutes les commandes, tous les accessoires se trouvaient à l’endroit même où il rêvait de les trouver. Un exemple de cette conception fonctionnelle est donné par les amortisseurs arrière, réglables en cinq positions. Tout dans cette machine semblait merveilleux à Gérard, jusqu’à ses défauts, sans lesquels, disait-il, elle n’aurait pas été aussi vivante et passionnante.

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Il l’avait naturellement commandée dans sa version la plus agressive, la plus légère, et dans une belle couleur orange… Il faudrait encore apporter quelques modifications au moteur pour le rendre compétitif, mais, avec l’aide se son père, il ne doutait pas d’y parvenir, voyant dajà, dans son enthousiasme, sa petite moto en tête du championnat de France de motocross.

 

Et, comme un pilote de cross se doit d’être en grande forme, il commença, avant même d’avoir sa nouvelle machine, à s’entraîner. La moto n’était d’ailleurs pas le seul sport à son programme : pour cultiver son souffle, il avait prévu la pratique de la natation, de la course à pied et du cyclocross… Cette activité physique intense lui permettait d’attendre sa Yamaha sans trop d’impatience.

 

Enfin elle arriva ! Après une semaine qui lui avait tout de même paru bien longue… Il la contemplait, n’osant encore la toucher, comme s’il avait peur de la casser. Il la contemplait, comme il regardait, étant enfant, son jouet de Noël sous le sapin étincelant. Le sapin, aujourd’hui, c’était le soleil, le merveilleux soleil de juillet qui faisait luire la selle de cuir noir et la peinture orange sur laquelle se reflétait le visage de Gérard, agenouillé auprès de sa merveilleuse machine. Les pièces chromées, c'est-à-dire le guidon, le rétroviseur, le pot d’échappement, les roues à rayons, étincelaient.

 

Son père était comme lui en extase devant la machine. Peut-être se rappelait-il sa première moto, il y avait longtemps déjà… Les sentiments de sa mère étaient partagés. Certes, la splendeur de la Yamaha l’éblouissait, certes, elle était heureuse de voir la joie de son fils et de son mari, mais elle sentait que c’était pour elle la fin de la tranquillité. Elle avait tremblé pour son mari alors qu’il se passionnait pour les motos, puis pour des automobiles puissantes et rapides. Elle avait toujours peur quand elle le savait sur la route, et elle savait que son fils allait aussi affronter la route. Elle ne se réjouissait pas de le voir aborder la compétition, mais elle savait que les risques sont plus grands sur la route que sur les lieux de course, où ne se retrouvent que des experts de la conduite, conscients du danger et soucieux de leur sécurité. Elle savait que les coureurs motocyclistes sont des hommes d’action, courageux, volontaires, qui calculent les risques qu’ils prennent et évitent les pièges, ce qui n’est pas toujours le cas des conducteurs « ordinaires » qui veulent les imiter et provoquent aussi de nombreux accidents. Elle cédait peu à peu à l’atmosphère qui l’entourait, comprenait la satisfaction de son fils, les rêves de son mari, et se rappelait les belles randonnées qu’elle avait faites quand elle était plus jeune. Elle se disait qu’iles étaient moins raisonnables à vingt ans que leur fils l’était maintenant. Cette constatation aurait dû la rassurer, mais elle craignant cependant que son fils cède à la griserie de la vitesse.

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Gérard n’était pas du nombre des fous inconscients et il connaissait trop la mécanique pour se laisser tromper par elle. .. Enfin, il monta sur la moto, démarra quand il osa la mettre en marche ; mais il tourna au bout de cent mètres et revint près de ses parents qui le regardaient, l’ai rêveur et quelque peu envieux – vous savez, celui du père devant le train électrique… Ils ne se firent pas prier pour monter sur la machine et faire un tour. Quand ils revinrent quelques minutes plus tard, la moto avait fait leur conquête.

 

- Entendu, je vous la prêterai, dit Gérard en riant. De temps en temps,..

 

Décidément, tout allait bien. La chance avait même voulu que ce soir-là eût lieu une réunion du moto-club de la ville. L’arrivée de Gérard ne passa pas inaperçue. Aux sifflets admiratifs des uns et des autres se mêlaient les exclamations du type « t’as vu c’t’engin des autres.

 

Philippe Bouquert, le jeune président du moto-club, tint à féliciter Gérard pour son choix. Philippe, âgé de vingt-quatre ans, consacrait à la moto tout le temps que lui laissait son travail à la librairie paternelle. Il rédigeait la « rubrique moto » du journal local, procédait à des essais pour des magazines spécialisés et préparait surtout une moto 125 cm3 et une 250 pour les courses en circuit. Il participait aussi parfois à des cross avec une autre 125. Ilavait déjà un beau palmarès et apparaissait à beaucoup, à ses camarades en particulier, comme un grand espoir du sport motocycliste français. Aussi, à peine avait-il examiné la Yamaha qu’il exhortait Gérard à participer au motocross national organisé près d’un village voisin à la fin du mois. Cette perspective eut le don de réjouir le garçon, qui se voyait déjà caracolant en tête,  du départ jusqu’à l’arrivée… Mais il fallait tout d’abord roder la Yamaha, la préparer à la course, s’entrainer sur le circuit.

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On décida ce soir-là que Gérard et Philippe participeraient à l’épreuve de 125 cm3, tandis que presque tous les autres garçons seraient engagés dans la course des 75 cm3 qui ouvrirait le programme.

Durant les jours qui suivirent, Gérard s’appliqua donc à roder le moteur de sa Yamaha. La manière dont on rode un moteur est très importante. Un moteur en rodage ne doit pas , en effet, être trop sollicité, sous peine de quoi il sera moins nerveux par la suite. Il ne faut pas non plus le faire tourner trop lentement, si on ne veut pas le voir devenir absolument poussif. Gérard n’était pas enchanté de devoir rouler ainsi à vitesse réduite, mais il savait que c’était nécessaire à son moteur, et, de plus, cela lui permettait de découvrir le comportement de sa machine, car, si les réactions d’une moto sont amplifiées à grande vitesse, elles sont de nature comparable à ce qui se produisent à petite allure.

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Quand Gérard jugea suffisant le rodage des principaux organes mécaniques, il décida de modifier quelque peu le moteur afin d’améliorer les performances. Il y parvint très facilement avec l’aide de son père, mais, quand ils eurent terminé, il ne restait plus qu’une semaine avant le motocross. En une semaine, Gérard, qui heureusement s’était déjà familiarisé avec le circuit sur son ancien deux-roues, devrait finir de mettre sa Yamaha au point pour réussir à faire le meilleur temps possible lors des entrainements et avoir une chance de terminer la course à une place d’honneur. Plus le jour J approchait, plis il se rendait compte de la difficulté de l’entreprise…

 

Alors commença pour Gérard le véritable entrainement. La forme physique est essentielle en cross, presque plus importante que le pilotage. Gérard l’avait cultivée, nous l’avons vu, en pratiquant le cyclisme, excellent pour les cuisses sui travaillent beaucoup en cross. Il faisait aussi de la course à pied pour le souffle et l’endurance. La natation l’aiderait, disait-il, à adopter une cadence et à la soutenir. Mais il fallait aussi préparer la machine. Pour cela, Gérard s’entrainait tous les jours avec Philippe, déjà trois fois vainqueur ici et encore super-favori cette année. Gérard réussissait assez facilement sur un tour à suivre Philippe, mais seul, il tournait beaucoup moins vite. Plus jeune et moins préparé, il résistait surtout beaucoup moins à la succession de bosses qui composent le parcours d’un cross. Néanmoins, de jour en jour, ses temps s’amélioraient.

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En cross, les pilotes ayant effectué les meilleurs temps lors des séances d’essais ne sont pas placés en tête d’une grille de départ mais ils sortent en tête du parc fermé, ce qui leur laisse le choix de  la meilleure position sur la ligne de départ. Ici, la bonne position était à l’extrême droite de la ligne. Philippe avait aisément réussi à réaliser le meilleur temps. Ce n’est que le samedi, dernier  jour avant la course, que Gérard avait vraiment cherché à faire un temps. Il avait réussi le cinquième temps, performance très honorable pour un débutant.

 

Il avait choisi un équipement suffisamment protecteur. Il avait essayé le casque intégral, protection idéale pour le crossman, mais il l’avait trouvé trop lourd ; de plus, les efforts que les pilotes produisent sont tels qu’ils ont l’impression de fondre et de ne pas pouvoir respirer lorsqu’ils portent ces casques. Comme la plupart des concurrents, Gérard opta donc pour un casque de type aviation, ainsi que pour une sorte de protège-menton en matière plastique. Pour le reste, il portait un pantalon de cuir, et un blouson également de cuir, renforcé aux épaules. Cette protection était encore sommaire, car, si les accidents mortels sont rares, les fractures de la jambe, du bras ou de l’épaule sont fréquentes.

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Mais il faisait de plus en plus corps avec la machine et ne pensait pas à l’accident. Il apprenait à connaître ses limites et à les repousser le plus loin possible, sans toutefois les dépasser. Il considérait sa moto comme le cavalier considère son cheval. D’ailleurs, des mots comme monture, ou selle, sont appliqués indistinctement à  la plus belle conquête de l’homme et à la machine, ce qui prouve qu’il existe une certaine similitude entre la bête et l’engin. Pendant la course, demain, Gérard devrait s’entendre avec sa Yamaha comme le cavalier s’entend avec son cheval lors d’un concours hippique…

***

Il a plu pendant une partie de la nuit. Plusieurs milliers de spectateurs se pressent dès une heure de l’après-midi dur le circuit. Beaucoup n’ont encore jamais assisté à un motocross et ils viennent voir le spectacle comme ils iraient à la fête foraine. Ils savent que dans quelques minutes les concurrents de l’épreuve des 75 cm3 seront lâchés et bondiront de bosse en bosse à quelques mètres devant eux. Ils éprouveront un mélange d’admiration et de crainte qui leur rappellera, aux moments les plus cruciaux, la minute où ils attendent, les yeux fixes, sans oser troubler le silence du seul bruit de leur respiration, le « saut de la mort » au cirque. Mais au fil des tours, lorsqu’il ne restera plus qu’une poignée d’hommes à se disputer la victoire, la crainte s’envolera pour laisser place à l’excitation. On encouragera les premiers, on acclamera le vainqueur, mais on oubliera les attardés. Peut-être même seront-ils sifflés et, s’il y a un blessé, on oubliera que c’est un homme qui souffre pour ne plus voir que l’acteur principal d’un fait divers destiné à corser le spectacle, car le public naïf et bon enfant devient parfois stupide et cruel. Vous le savez, vous, Gérard et Philippe qui dès que la course des 75 cm3 sera terminée entrerez à votre tour, sous les yeux du public, sur ce circuit qui sera le théâtre de vos exploits ou celui de votre honte

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Philippe, souriant, apporte avec calme les derniers soins à la préparation de sa machine et de son équipement, mais il est cependant angoissé, craignant de décevoir, d’être victime d’un de ces incidents mécaniques idiots qui font s’envoler tous les espoirs de victoire. Gérard est beaucoup plus nerveux. C’est sa première course et il ignore comment il va se comporter ; il a confiance dans sa machine qu’il sait capable de bonnes performances, mais lui, sera-t-il à la hauteur ? Il lui semble déjà que sa vision se trouble, que ses jambes ne le portent plus. Il a commencé à se préparer beaucoup trop tôt et il est déjà prêt, alors qu’il reste plus de vingt minutes avant le départ de la première des deux manches de trente minutes qu’il devra courir… Enfin, la course des 75 cm3 se termine, sur la victoire de Jacques Dolmert, membre de leur moto-club…

 

Quelques minutes plus tard, les 125 cm3 s’alignent au départ. Philippe a retrouvé tout son calme et est parfaitement concentré. Gérard se concentre lui aussi et pourtant il sent battre son cœur de plus en plus fort. Il n’entend pas les applaudissements que lui adressent ses camarades, ne voit le clin d’œil de son père et le petit sourire de sa mère que dans une sorte de brouillard. Le départ va être donné…

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A peine le starter abaisse-t-il son drapeau que Philippe se précipite en tête, suivi par la meute furieuse de tous les autres concurrents. Gérard n’a pu faire mieux que conserver sa cinquième place. Mais le terrain est lourd, assez différent de ce qu’il était aux essais. De plus, il a été labouré par les 75 cm3. cet état de la piste avantage les enfants du pays que sont Gérard et Philippe.

 

A la fin du premier tour, Philippe a déjà cinquante mètres d’avance sur le petit groupe de six ou sept pilotes où Gérard figure en deuxième position. Prenant confiance, repassant comme aux essais à fond partout, même dans les passages difficiles, il a réussi dans ce tour à dépasser deux adversaires. Il se bat comme un lion pour essayer de conquérir la seconde place tandis que, devant, Philippe accentue son avance. Enfin, après un quart d’heure de lutte acharnée, Gérard réussit à passer après le franchissement d’une bosse. A son tour maintenant de résister aux attaques, alors que la fatigue commence à le gagner et que son acuité visuelle diminue. A cinq minutes de la fin, il ne peut rien faire pour conserver sa seconde place et doit utiliser toute son énergie pour s’accrocher à la roue de celui qui vient de le passer. Philippe franchit la ligne d’arrivée de cette première manche avec une minute d’avance sur Jean-Claude Ferront qui n’a pu prendre que deux secondes à Gérard.

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Les concurrents n’ont que quelques minutes pour se préparer à la seconde manche. Ces minutes, Gérard et Philippe les emploient à reprendre leur souffle et à s’assurer que leurs motos sont en état. De nouveau ils se placent sur la ligne. De nouveau, au signal du starter, Philippe s’élance en tête. Gérard prend la deuxième place, ne réussissant pas toutefois à décrocher Jean-Claude Ferrant. La course semble alors prendre une allure de procession jusqu’au moment où, coup de théâtre, Philippe s’arrête sur le circuit à cause d’une défaillance de la boite de vitesses.

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 Gérard se retrouve donc en tête, attaqué de plus belle par Jean-Claude Ferront, mais animé par la volonté de vaincre. Alors qu’il ne reste plus que dix minutes de course, les longues séances de course à pied, de natation et de cyclisme produisent leur effet, et dans les derniers tours, Gérard réussit à prendre cinq secondes à son adversaire. C’est peu, mais suffisant pour s’assurer la victoire !

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 Ce n’est que lorsqu’il arrête sa moto que Gérard se rend compte de l’état dans lequel il se trouve. Ses cuisses, ses reins, ses épaules lui font mal, il est couvert d’une couche de boue sous laquelle disparaissent les traits de son visage. Il pense tout à coup au travail que qu’il devra faire pour se débarrasser sa machine des kilos de boue séchée qui l’enlaidissent avant de la voir redevenir aussi belle qu’elle ne l’était avant la course.

 

Alors que son père, que Philippe et que ses camarades le félicitent, que la foule applaudit et que sa mère pleure de joie et de soulagement, il pense déjà à la prochaine course, dans quinze jours, à deux cents kilomètres d’ici.

Vous pouvez également me retrouver sur http://circuitmortel.com , https://gotmdm.com/driver/ et http://polarssportsetlegendes.over-blog.com/

Thierry Le Bras

 

Les auteurs des 14 autres histoires du recueil 15 HISTOIRES DE MOTOS étaient :

Robert Villiers, Carole Buchmann, Gilles Delanoué, Isabelle Parmentier, Pascale Jost, Jean-Pierre Filiberti, Marie-Josèphe Jacquenet, Myrbel, Lisbeth, Patrick Saint-Lambert, Manigeh Borbor, Françoise Lechaux, Jean-Raoul Dagnaud, Denise Perrin, Catherine Lesage, Patrick Her, Luc Sarlet.

 

Si par chance, certains d’entre eux lisent cette note, ou si des amis à eux la découvrent, je serais ravi qu’ils viennent évoquer cette expérience sur le blog et pourquoi pas, nous parler de leur passion des sports mécaniques et de l’écriture !

 

De même si des pilotes motocyclistes se reconnaissent sur des photos ou un de leurs amis les reconnaît, qu’ils n’hésitent pas à se manifester. C’est avec grand plaisir (et naturellement gratuitement) que je leur adresserai ces photos qui datent de xx années… Bon, je vais éviter de calculer et juste dire qu’elles ne nous rajeunissent pas.

 

Merci d’avance.

Commentaires

  • Bonjour,
    Et bien voyez vous comme le monde est petit...
    Je suis un des heureux lauréats publiés dans ce livre et je suis tombé sur votre article un peu par hasard en faisant des recherches sur internet.
    J'ai mis mon texte en ligne ici :
    http://lukaz-photo.com/archives/115
    En espérant que les autres lauréats découvrent votre site ou le mien.
    Cordialement

  • Bonjour à vous, co lauréats de ce concours lointain.
    Je découvre aujourd'hui vos deux blogs (?). Je suis moi aussi l'une des écrivains en herbe. J'avais quinze ans, et évidemment rêvais du premier prix: une 125 cm3!
    J'ai 53 ans (Aïe!) allez, bientôt ;o) et si je fais de la moto c'est sur le siège passager! Mais, bon, quelques voyages sympas, et un grand projet pour août prochain: un périple dans l'ouest américain, en Harley (of course, même si je ne suis pas fan spécialement). Peut-être que je recommencerai à écrire??? (avec photos à l'appui). Voilà, à cette époque, je rêvais de liberté motorisée. Dans ma famille, tous ces messieurs sont fans de motos (et d'autos) ... Mon histoire était relativement simple et naïve, il me semble, mais moi aussi j'étais heureuse et fière d'être publiée (le lot de bouquins, je m'en souviens, quant au chèque, son montant ne m'avait pas semblé faramineux !!!
    Bien à vous, amis motards!
    Carock'and roll

  • Bonjour Carole et merci de votre message. Plus que 12 co-lauréats à retrouver et nous serons au complet !

    Que sont devenus Éric, Stephan, Xavier et Roger ? Et si vous leur faisiez vivre une nouvelle aventure ? « Les personnages de fiction vivent dans un univers parallèle où ils entraînent leur auteur et les lecteurs », pensait Serge Dalens, l’auteur entre autre de la saga du Prince Éric et de Christian d’Ancourt. Comment voyez-vous vos héros de l’époque aujourd’hui ?

    En attendant, je vous invite à découvrir d’autres « fictions mécaniques » illustrées que j’ai commises sur le Net

    LE RETOUR DE LA DS
    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/11/06/le-retour-de-la-ds-citroen.html

    66, ANNEE SYMPATHIOQUE (une histoire mécanique et gourmande)
    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2010/09/06/66-cuisine-sympathique.html

    CLIN D’ŒIL A LA R8 GORDINI (sur fond de fiction humoristique)
    * CH1 :
    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/09/30/le-clin-d-oeil-de-philippe-georjan-a-la-r8-gorde-1.html
    * CH 2 :
    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/10/02/le-clin-d-oeil-de-philippe-georjan-a-la-r8-gorde-2.html
    CH 3 :
    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/10/05/le-clin-d-oeil-de-philippe-georjan-a-la-r8-gorde-3.html
    CH 4 :
    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/10/08/le-clin-d-oeil-de-philippe-georjan-a-la-r8-gorde.html

    LES AVENTURES DE RONNIE, pilote amateur (5 histoires sur un blog canadien)
    http://confidentielpaddocks.over-blog.com/categorie-11119066.html

    ET DES ROMANS sur papier dont :
    « Chicanes et Dérapages de Lorient au Mans », un roman sur fond de 24 Heures du Mans :
    http://www.ffsa.org/article.php?comite=comite12&titre_url=chicanes-et-derapages-de-lorient-au-mans&id=13352

    Bon appétit de lecture et, j’espère, d’écriture.

    Amicalement,

    Thierry

  • Bonjour,

    L'homme en tout rouge sur les photos, c'est mon père, Daniel BERHAULT.

    merci ça me touche de voir ça parce que ça fait 10 ans qu'il m'a quitté pour le ciel.

    merci encore

  • Bonjour,

    Je ne me doutais pas qu’elles seraient vues par le fils du pilote photographié en pleine action 40 ans après.

    Si vous voulez, je vous les enverrai dans une meilleure définition, gratuitement bien sûr.

    N’hésitez pas à me contacter sur mon mail thierrylebras@wanadoo.fr

    Cordialement,

    Thierry

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