DOCU - FICTION
Fils d’ancien de la F1, un avantage ou non pour un jeune pilote ? L’ancien champion Freddy Vivien répond sans détour au journaliste Sébastien Ménier.
(suite du texte mis en ligne le 12 mars 2008)
Certes Freddy et Sébastien appartiennent à un univers de fiction, celui de l’avocat-pilote David Sarel . Mais comme l’écrivit Serge Dalens, « les personnages de fiction vivent dans un monde parallèle où ils entraînent leurs lecteurs ».
Sébastien Ménier : cette année, ton fils Aurélien arrive en F1 au sein du Team Priceley. Il va y retrouver d’autres fils de pilotes, Nico Rosberg, Nelsinho Piquet, Kazuki Nakajima. Peut-on parler de phénomène dans la discipline, d’héritage d’une génération ?
Freddy Vivien : la liste des pilotes qui embrassent la carrière de leurs pères est longue. Nous pourrions y ajouter Nicolas Prost, bien qu’il ne soit pas en F1, le fils de Patrick Tambay qui fait partie de l’équipe de France FFSA, et d’autres qui ne me viennent pas à l’esprit sur l’instant et à qui je demande par avance de m’excuser, mais ce n’est pas un phénomène si nouveau. Jacques Villeneuve, Damon Hill, s’illustrèrent aussi en course auto. Sébastien Bourdais est le fils d’un gentleman driver qui réalisa de belles performances. Pensons aussi aux filles de pilotes, Vanina Ickx par exemple qui, si elle n’a pas touché à la F1, possède un sacré coup de volant et brille dans d’autres disciplines. Je crois que l’héritage des enfants de pilotes, c’est surtout la passion d’une atmosphère découverte dès leur plus jeune âge.
Sébastien Ménier : est-ce un privilège de côtoyer le milieu très jeune ? Une chance supplémentaire d’y percer ?
Freddy Vivien : être fils de pilote n’apporte pas un millième de seconde au tour. Donc, celui qui arrive en F1 le doit avant tout à ses qualités. Maintenant, il faut reconnaître que la course automobile paraît inaccessible à beaucoup. A cause du coût financier, des embûches qui rendent le parcours aléatoire, des facteurs incontrôlables tels que les opportunités de baquets dans des équipes valables, et ce dès les formules de promotion. Là, être fils de pilote aide sûrement à y croire. Pour un enfant, son père n’est pas la star inaccessible, c’est quelqu’un comme tout le monde, donc, ce qu’il fait lui paraît naturel. En plus, quand un pilote gagne bien sa vie, il peut aider son fils ou sa fille à progresser. Il sait aussi à qui s’adresser, à quelles portes frapper, avec un peu plus de chances de succès que celui qui ne connaît personne. Il serait hypocrite de le nier. Mais c’est tout aussi vrai dans d’autres activités que la F1, que la course automobile en général.
Sébastien Ménier : l’implication des parents dans la carrière de leurs enfants te paraît-elle positive ? Ne risque-t-elle pas de paralyser l’évolution du sportif ?
Freddy Vivien : tout dépend des rapports familiaux en fait. Tu as raison d’évoquer les risques. Toutes les familles ne sont pas des paradis où tout le monde s’aime, loin s’en faut. Quelques schémas présentent des risques particuliers. Dans les familles recomposées, il arrive – pas tout le temps, mais très souvent – que les enfants du premier lit deviennent objet de haine et de jalousie pour la marâtre, donc des hommes et des femmes à abattre. Si la marâtre influence son mari, ce dernier prendra ses premiers enfants en grippe et manifestera plus ou moins consciemment une volonté de leur nuire. Le père d’un pilote de mon entourage déclarait qu’il avait un peu honte de ses sentiments, mais qu’il se disait souvent, notamment à chaque fois qu’il voyait un article de presse sur ce fils, que ce serait bien si cet enfant né de son premier mariage mourait. Parce que ça ferait plaisir à sa nouvelle femme, tout simplement.
Sébastien Ménier : constat glaçant mais hélas trop souvent réaliste. Mais d’autres types de relations ne présentent-ils pas également des dangers, les parents possessifs par exemple ?
Freddy Vivien : si, naturellement. Je pense d’abord aux parents qui ne sont pas contents de voir leurs enfants réussir. Par exemple, certaines mères qui ne trouvent pas leur place dans une famille qui atteint des objectifs professionnels et sociaux élevés. Elles vivront la réussite sportive d’un de leurs enfants comme une mauvaise action à leurs dépens. Elles ne supporteront pas que les voisins, les commerçants ou les amis s’intéressent à ses performances. Elles se persuaderont que la réussite du fiston s’effectue dans le but de les embêter et des les rabaisser parce que les autres ne leur parlent plus assez d’elles et ne s’intéressent plus qu’à celui qui brille dans une discipline sportive. Elles s’efforceront de faire peser une culpabilité terrible sur leur progéniture et cela nuit au moral du compétiteur. Attention aussi aux parents incompétents. Que Keke Rosberg gère la carrière de son fils, je suis persuadé que c’est un bien pour Nico. Je pense que Nelson Piquet, qui est un homme intelligent lui-aussi, apporte de précieux conseils à son fils. Mais attention aux incompétents, aux parents de bonne volonté qui ne connaissent ni les codes du milieu, ni les arcanes des affaires. Certains ruinent leur progéniture. Un schéma qui n’existe pas que dans le sport, mais aussi dans le show-bizz. Je ne m’étendrai pas sur les parents escrocs. Il y en a tout de même peu, mais il en existe. Certains mineurs dont les gains étaient gérés par leurs parents se sont retrouvés sans le sou une fois leur majorité ou leur fin de carrière venues. Imprudence, incompétence ou confusion entre leurs revenus et ceux de leurs enfants ? Il appartient à la justice de se prononcer sur chaque cas d’espèce, mais c’est dramatique pour la victime.
Sébastien Ménier : au-delà du plan financier, la présence des parents des pilotes sur les circuits te paraît-elle une bonne chose ?
Freddy Vivien : je ne crois pas qu’il existe une réponse unique. Certains sportifs ont besoin de leur entourage familial et ça les aide à se transcender. Je pense à Brian Joubert, par exemple. La présence de sa mère dans les gradins constitue un facteur équilibrant pour lui. Donc, il faut qu’elle vienne parce que c’est bon pour Brian. Dans d’autres cas, des enfants qui aiment pourtant leurs parents ressentent une pression supplémentaire. Je me rappelle que lors de mes premières courses de côtes avec une NSU 1200 TTS en 1971, je n’osais pas le lui dire, mais ça me stressait que mon père vienne me voir. J’avais peur de le décevoir, en fait. Puis très vite, j’ai été content à chaque fois qu’il venait. Deux ans plus tard, quand j’ai commencé à courir avec l’Alfa 2000 GTV groupe 1, j’aurais considéré comme un affront, pire, comme une vraie trahison, qu’il ne vienne pas à Plumeliau, à Landivisiau, à Saint-Germain sur Ille et au Rallye d’Amor. Plus tard en F1, j’aurais mal vécu qu’il rate le Grand-Prix de France, Monaco et au moins un autre Grand-Prix européen. Au Mans aussi, j’aimais qu’il soit là. Pourtant, je sentais qu’il stressait et ça me mettait un peu mal à l’aise, mais j’étais un peu égoïste.
A suivre
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La F1 nous offre parfois des scénarios pleins de suspense. Les enjeux financiers comme les stratégies d’investissement les plus sauvages y jouent un rôle considérable.
Vous aimez les émotions que procure la course automobile et vous souhaitez les retrouver dans des fictions ?
C’est possible, découvrez les romans rédigés par Thierry Le Bras qui mettent en scène l’avocat –pilote David Sarel, pour l’instant « Circuit mortel à Lohéac », « Faits d’enfer à Carnac » et « Chicanes et Dérapages de Lorient au Mans » ont été édités par les Éditions Astoure (diffusées par Breizh).