Et si la F1 n’était pas un monde irréprochable ?
Rivalités acharnées, équipiers entretenant des relations proches de la haine, jolies filles peu farouches, Ferrari F 40 et autres attributs du luxe, enjeux financiers colossaux, le décor de l’intrigue est planté avec talent par Christian Vella,
Grand reporter à L’Équipe, rédacteur en chef à TF1, producteur délégué d’Auto Moto, Christian Vella connaît parfaitement le monde de la discipline reine du sport automobile pour l’avoir fréquenté et analysé sans relâche depuis de nombreuses années.
Dans l’univers F1 de Christian Vella, les pilotes sont respectés, même si les travers de certains sont dépeints sans concession. Mais l’auteur ne se fait guère d’illusions sur les personnages sulfureux qui pourraient – employons le conditionnel pour ne choquer personne – se laisser tenter par une ingérence fructueuse dans les affaires de la discipline reine du sport automobile.
N’oublions pas l’argent et les intérêts colossaux que brasse la F1 dans la vraie vie. Un ancien acteur de l’organisation du défunt Grand-Prix de France me confia l’an dernier que le chiffre d’affaires global de la F1 correspondait au PIB du 9ème pays du monde. De quoi susciter bien des convoitises dans un cadre à l’abri des règles et sanctions d’un régime démocratique.
Quelques affaires bien louches ont d’ailleurs déjà éclaté en F1. Elles laissent bien peu de traces en vérité. Les principaux bénéficiaires du Stepney-Gate et du Crash-Gate par exemple jouissent de l’impunité la plus totale tandis que le pauvre jeune pilote qui se fera pincer parce qu’il a fumé un joint en boite avec ses potes cinq jours avant une épreuve écopera de six mois de suspension de licence, quelles que soient les conséquences pour sa carrière et sa réputation. Selon que vous serez puissant ou misérable, etc, etc, chanta Michel Sardou en reprenant une fable de La Fontaine… Or puissants et mystérieux, certains acteurs du monde de la F1 le sont incontestablement. Bernie Ecclestone ne fut-il pas suspecté d’être le vrai cerveau de l’affaire du train postal ? Une rumeur qu’il écarte d’un revers de main en lançant sur le ton de la plaisanterie que ce n’est pas crédible parce qu’il ne se déplace jamais pour un pourboire ! En 1996, un journal belge a titré que 10% du budget de l’écurie Jordan provenait d’un groupe lié à la criminalité russe ! Le propriétaire de la marque de vodka Kremlyovskaia, un certain Riccardo Marian Fanchini était signalé par Interpol depuis 1982 pour complicité dans une attaque à main armée à Munich. Il était aussi sous le coup d’un mandat d’arrêt national américain et identifié par l’administration antidrogue des États-Unis comme organisateur présumé d’un trafic de 650 kg de cocaïne entre Panama et Anvers. Cet intriguant personnage animait à Anvers diverses sociétés liées à la Mafia russe. Le beau Riccardo y avait fondé le Kremlyovskaia Group qui exportait de la Vodka belge à Moscou. En 1997, la vodka Kremlyovskaia n’apparut plus sur les Jordan. Allez savoir pourquoi ? Certains se souviendront qu’à la fin des années 1970, les Williams arboraient un autocollant au nom de Ben Laden. Alors, après de tels exemples, il n’est nullement déraisonnable d’imaginer des polars dans le milieu de la F1.
Franchement, en lisant le roman de Christian Vella, je me suis d’ailleurs dit que les ressemblances avec des personnages existant ou ayant existé n’étaient pas toutes fortuites. Dans son scénario, d’anciens nazis participent au business de la Formule 1 et tentent d’imposer leur loi aux écuries. Des accidents masquent des meurtres. Des journalistes renommés oublient le B.A. BA du métier pour se transformer en « porte-plume » serviles et peu regardants du pilote dont ils assurent la promotion. De lourdes menaces pèsent sur ceux qui rompraient l’omerta. Mais tout ceci n’est évidemment qu’une fiction sans rapport avec la réalité. Enfin, je crois… Sinon, la F1 deviendrait si décevante et si terrifiante qu’elle finirait par perdre tout son aura.
En tout cas, le roman de Christian Vella offre ce qui caractérise un excellent livre, c'est-à-dire du plaisir au lecteur. Il lance aussi un pavé dans la mare, d’autant que dans le scénario, le narrateur, journaliste intègre, s’approche de la vérité. S’y brûlera-t-il les ailes comme Icare ? Réponse dans les dernières pages. Quant à la probité et à l’objectivité des journalistes et des acteurs du milieu, elle s’appréciera à l’aulne de la couverture que les grands médias dans lesquels de gros sponsors de la F1 sont annonceurs significatifs accorderont à ce polar auquel ne manquent ni les morts, ni le suspense, ni la curiosité qui pousse irrésistiblement le lecteur à découvrir la page suivante.
MORTS EN FORMULE 1
Par Christian Vella
Éditions du Palmier
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Thierry Le Bras