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LE CIEL N’A PAS DE PRÉFÉRÉS, PAS MÊME RONNIE

medium_Copie_de_MITSU_RONNIE.jpgFICTION

Cet été , Éric Trélor, personnage récurrent des Aventures de David Sarel, évoque avec le journaliste Sébastien Ménier des souvenirs de sa carrière de gentleman driver.

SUITE des textes mis en ligne les 1er , 2 et 3 août 2007

Ces jours-ci, Éric raconte Ronnie, un pilote particulièrement attachant qu’il a bien connu. Le lecteur observera que gentleman driver ne signifie pas pilote lent, loin s’en faut, mais seulement pilote qui exerce un autre métier. Car si CIRCUIT MORTEL suit de près les pilotes qui atteignent le plus haut niveau, le blog s’intéresse également aux purs amateurs, ceux qui ne prennent le volant que par passion, sans enjeu de carrière à la clé.

Sébastien Ménier : Tu peux nous parler de sa dernière course ?
Éric Trélor : C’est un souvenir très dur. Ce fut au Rallye du Pays tourangeau en 2000. Je le faisais avec une Vivia Côte Sauvage engagée en GT. Mikaël me naviguait, comme d’habitude. Ronnie, qui n’avait jamais fait de rallye avant, a voulu se tester dans la discipline. Peut-être un dernier défi. Il a loué une Mitsubishi Lancer groupe N pour deux courses. Une grosse auto. Il est d’abord parti se la mettre en main dans une course de côte dans les Alpes. La voiture le mettait en confiance. La Lancer groupe N m’a toujours étonné. Elle paraît énorme et très haute sur pattes, mais elle est incroyablement efficace. Puis il s’est aligné au rallye. Dominique, une de ses vieux copains le naviguait. Jean-François, son mécano, s’occupait de son assistance, comme d’habitude. Ronnie avait l’air en pleine forme. Le vendredi soir, son équipier et lui ont dîné avec nous. Il plaisantait, heureux d’être là. Le samedi après-midi, j’ai encore discuté avec lui quelques minutes avant le départ de la première spéciale.

Sébastien Ménier : Et après ?
Éric Trélor : C’était un samedi après-midi, donc. Il y avait quatre spéciales au programme. Sur le routier entre les deux dernières, Mikaël a discuté par radio avec André, un des responsables de notre assistance. Il nous a annoncé que Ronnie pointait en tête du groupe N ! Il apprenait vite le rallye. A croire aussi que la Lancer avec ses quatre roues motrices l’aidait à discipliner son pilotage parce qu’il ne glissait pas beaucoup avec. Il faut dire qu’il avait 25 saisons de compétition derrière lui… et 47 ans. Après l’arrivée de la dernière ES de l’après-midi, nous sommes rentrés au parc fermé. Là, une rumeur courait. Il s’était passé quelque chose de grave. La spéciale était arrêtée. Personne ne savait encore de qui il s’agissait. Je sentais une profonde angoisse au fond de moi. David et Nick, engagés en groupe F 2000, étaient rentrés au parc. Ils ont attendu avec nous. Puis nous avons repris espoir, un autre pilote de Mitsubishi est arrivé. Il partait juste après Ronnie. Les commissaires avaient agité des drapeaux jaunes. Il avait vu la voiture de Ronnie dans le fossé en pleine ligne droite. Elle ne semblait pas très abîmée. Il faut dire que c’était une voiture solide. Sans doute un problème d’éclatement de pneu ou de biellette de direction cassée après un choc, sans doute pas grand chose. Le gars ne voyait pas comment Ronnie et Dom auraient pu se faire mal compte tenu de l’état de la Mitsubishi. Pourtant, les concurrents suivants ne repartaient pas. Nous nous demandions si une autre voiture n’était pas sortie après Ronnie. Finalement, j’ai décidé d’essayer son portable. S’il attendait que son assistance vienne le chercher, il était sans doute dans un champ ou un chemin de dégagement, avec le mobile dans une poche de blouson. Là, c’est Dom qui a décroché. « Ronnie est dans le coma, nous a-t-il expliqué. Il a fait une attaque dans la spéciale. Tout s’est passé très vite. Il s’est senti partir dans la ligne droite. Il a freiné en annonçant dans la radio que ça n’allait pas. Il s’est effondré avant d’arrêter la voiture qui est partie dans le fossé. Il n’a pas repris connaissance. Il est toujours dans le camion du SAMU. Je crois que c’est très grave. » Dominique ne se trompait pas, hélas. Ronnie a été conduit à l’hôpital, puis rapatrié à celui de Lorient, toujours dans le coma, le coma dépassé même. Son décès a été constaté deux mois plus tard.

Sébastien Ménier : J’imagine la douleur de ses proches.
Éric Trélor : Ronnie était divorcé. Il avait rompu avec une compagne quelques mois plus tôt. Mais il laissa deux enfants encore jeunes qui adoraient leur père. Beaucoup de personnes sont venues à ses obsèques. Une émotion intense régnait dans l’église. Tout le monde aimait Ronnie, à commencer par ses anciens adversaires, Luc (2) en tête. Il n’était plus question de défis ni de classements, seulement de dire au-revoir à un ami qui nous quittait beaucoup trop tôt. La seule consolation, c’était que Ronnie était parti en faisant ce qu’il aimait le plus, piloter. Mais cela n’a pas suffi à combler le vide qu’il a laissé. Les gens de ma génération arrivent à l’âge où nous voyons de plus en plus de proches disparaître. Et les choses ne s’arrangeront pas avec le temps. Mais pour ma part, je n’oublierai jamais Ronnie. J’ai partagé trop de temps forts avec lui, des bons moments, quelquefois des moins bons. Il faisait partie des proches, de ceux sur qui ont peu compter, de ceux aussi qu’on n’imagine pas perdre de vue. Je sais que Mikaël, Freddie, David, Nick et tous les autres membres de notre clan pensent comme moi. La vie est injuste. Elle laisse des ordures sur la terre alors qu’elles ne font que nuire, et elle fauche des personnes extraordinaires qui avaient encore beaucoup à donner et à partager. Nous avons aussi ressenti ça à disparition de Simon Granval (3). J’ai envie de leur dire qu’on pense beaucoup à eux et que donc, quelque part, ils ne sont pas morts.

FIN

(1) Freddy Vivien, personnage récurrent des Aventure de David Sarel, pilote de F1 de 1977 à 1992 et créateur des Automobiles Vivia avec Éric Trélor

(2) Luc Crilllon, pilote Vivia dans Circuit Mortel à Lohéac et Chicanes et Dérapages de Lorient au Mans

(3) : Simon Granval, ami de David Sarel, Nick Vareski et Denis Grenier qui trouve la mort dans « Chicanes et Dérapages de Lorient au Mans ».
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Vous aimez les émotions que procure la course automobile et vous souhaitez les retrouver dans des fictions ?

C’est possible. Découvrez les nouvelles et romans rédigés par Thierry Le Bras qui mettent en scène l’avocat –pilote David Sarel, un personnage au caractère très fort :
- des nouvelles (fictions courtes) sont en ligne dans les archives de ce blog ;
- les romans, pour l’instant « Circuit mortel à Lohéac », « Faits d’enfer à Carnac » et « Chicanes et Dérapages de Lorient au Mans » ont été édités par les Éditions Astoure (diffusées par Breizh).

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