DEUX PILOTES EN GUERRE (07/08/2007)

medium_VIGNETTE_RENAULT_F1.4.jpgUn pilote est un salarié de luxe de son écurie. Il doit respecter ses consignes.

RETOUR SUR LES RELATIONS DÉGRADÉES AU SEIN DU TEAM MCLAREN


Un pilote est un salarié de luxe de son écurie. Il doit respecter ses consignes. Dès lors, Hamilton ne respecte pas la règle du jeu lorsqu’il ignore une consigne de son team. S’il a réellement agressé verbalement Ron Dennis en le menaçant de « se casser », il manque aussi de gratitude envers un monstre sacré de la F1 qui le soutient depuis son enfance.

Maintenant, le jeu d’Alonso avec son team depuis plusieurs mois est très sombre. Alonso est payé 22,7 M€ par an pour piloter, mais aussi pour donner une image positive de son team à chaque fois qu’il prend la parole. Un cadre payé 50 K€/an se ferait virer pour beaucoup moins que ça, et ce serait normal. Lorsque quelqu’un a une responsabilité dans une entreprise, surtout si ses fonctions comportent une part de représentation, il doit donner une image positive à chaque fois qu’il en parle. Ignorer cette obligation n’est pas un signe de personnalité, c’est un simple manquement à ses obligations contractuelles et au bon sens. On voit mal pourquoi un pilote de F1 se placerait au-dessus de cette loi (j’écris sciemment loi car « le contrat vaut loi entre les parties » et que des conventions signées entre les teams et les pilotes traitent forcément de ces problèmes d’image). Contrairement aux cadres, les pilotes du team McLaren se sentent au-dessus de ces obligations et de leur hiérarchie. L’un argue de son palmarès passé, l’autre de l’éclosion précoce d’un talent éblouissant.

De la part d’Hamilton, c’est sans doute avant tout une erreur de jeunesse et le résultat de l’euphorie résultant de son début de carrière éblouissant en F1 qui l’ont conduit à quelques écarts. N’a-t-il pas plus ou moins consciemment testé les limites au point de se croire dispensé d’obéir aux ordres car il sentait que le feeling ne passant pas entre Alonso et McLaren, il s’accorder définitivement et impunément l’avantage au sein du team en choisissant délibérément une stratégie de guerre qui lui assurerait une nouvelle fois une meilleure place sur la grille qu’Alonso ?

Concernant Alonso, j’avais annoncé sur ce blog dès avant la première course de l’année que ses relations avec McLaren exploseraient dès la première saison. A l’évidence, c’est fait. L’Espagnol ne récolte-t-il pas les fruits de la discorde qu’il a semée en se plaignant ? Car contrairement à Lewis, l’ex-pilote Renault connaît le milieu, ses rouages et ses coups bas depuis longtemps. Au point de signer avec Ron Dennis un an à l’avance et derrière le dos de Briatore à qui il doit tout de même beaucoup.

Alonso chez McLaren en 2008, cela semble de plus en plus impossible. L’Espagnol ne cache pas son malaise. Pour lui, la meilleure solution serait un retour chez Renault avec un second pilote qui ne le menace pas. Une chance pour Fisichella ? Peut-être, car Alonso exigera un vrai numéro 2 à ses côtés.

Certes, Alonso est lié pour trois ans avec McLaren. Mais nous sommes en F1. Les hommes d’affaires et les avocats ne manquent pas d’imagination pour trouver des solutions originales. D’autant que si la situation dégénère encore, Ron Dennis envisagera vraisemblablement une résiliation amiable du contrat d’Alonso. Si les sponsors espagnols l’acceptent bien sûr. Car leur poids dans l’ombre de la gestion de l’avantage accordé à Alonso samedi mériterait sans doute quelques interrogations. Tout comme l’iritation de Ron Dennis dès avant le « coup de gueule d’Hamilton » alors que sa préférence affective va à son jeune compatriote.

Mais même les commanditaires s’inquiéteront d’une rivalité si exacerbée entre deux pilotes qu’elle risque de causer des dommages, et pas seulement psychologiques. Que se passera-t-il si ces deux-là arrivent roues contre roues au premier freinage d’un Grand Prix ? Passeront-ils tous les deux ou s’accrocheront-ils, entraînant l’élimination simultanée des deux voitures du team ? Une image ridicule dont McLaren n’a pas besoin en ce moment. Parions sans risque de perdre que ce scénario catastrophe fait partie des cauchemars de Ron Dennis.

Ce dernier se souvient très bien de la rivalité entre Senna et Prost. Il n’a sûrement pas envie de revivre des moments pareils. Quitte à accorder sa liberté à Alonso ? L’Équipe, dans son édition de ce matin, évoque une autre possibilité qu’il qualifie de « pire » solution, une année sabbatique pour Alonso. Rappelons que Prost s’était trouvé réduit à cette solution en 1992 après avoir qualifié devant la presse sa Ferrari de camion, ce qui lui avait valu une éviction immédiate de la Scuderia puis une saison sans volant.

Max Mosley et les instances du sport automobile ne souhaitent sûrement pas une F1 sans Alonso en 2008. Ils mettront tout leur poids dans la balance pour éviter ce cas de figure. Pour la même raison, je ne crois pas une seconde à l’exclusion de McLaren des Championnats 2007 et 2008. Certes, Tyrell a subi une telle sanction en 1984. Mais il ne s’agissait plus d’une des écuries phares du plateau. Les titres de champion du monde de Jackie Stewart au sein de l’équipe appartenaient à un passé bien lointain, tout comme la présence de pilotes de très haut niveau comme François Cevert, Jody Shekter, Patrick Depailler et Didier Pironi. En 1984, la F1 pouvait se passer de Tyrell. En 2007 et 2008, un Championnat sans McLaren engendrerait une perte de recettes pour tous les acteurs du grand cirque de la F1. Donc cette sanction ne sera pas appliquée. Une perte de points pour McLaren, oui, une sanction financière, également, mais pas de grilles de départ sans les voitures grises ni sans Alonso. D’ailleurs, tout le monde constatera la clémence des officiels au Hungaroring. Car dès lors qu’ils reconnaissaient Alonso coupable de manœuvres préjudiciables à l’image de la F1 et à son équipier, ne le rétrograder qu’en troisième ligne constituait une peine bien légère. L’an dernier à Monaco, c’était de la dernière ligne que Schumacher s’était élancé après une manœuvre incriminée.

Dans ce contexte, je confirme plus que jamais mon pronostic d’un retour d’Alonso chez Renault en 2008.

Toutefois, même débarrassé d’Alonso au sein de son équipe, Hamilton devra lui aussi faire des efforts. Des pilotes comme Mika Häkkinen, David Coulthard, Kimi Räikkönen, Pedro de la Rosa, ont respecté l’image de McLaren, ne se plaignant jamais de rien. Lorsque Montoya est devenu ingérable, Ron l’a écarté. Il ne supportera pas d’autres incartades de son poulain s’il ne le respecte plus.

Bruce McLaren, pilote de grand talent et véritable gentleman doit se retourner dans sa tombe en voyant les querelles intestines au sein du team qui porte encore son nom. Lui qui s’entendait à merveille avec son équipier Dennis Hulme n’imaginait sûrement pas tel scénario entre pilotes McLaren.
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